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CultureExposLa Quotidienne

Riar Rizaldi, l’Indonésie entre fiction et réalité

Céline | 18 janvier 2024

Riar Rizaldi, réalisateur indonésien d’une trentaine d’années, est connu pour construire des récits à mi-chemin entre fiction et réalité. Jusqu’au 11 février, le Centre de la photographie présente quatre de ses courts-métrages. L’occasion pour les visiteuses et les visiteurs de se plonger dans les enjeux environnementaux et géo-politiques de la première puissance économique de l’Asie du Sud-Est.

Je ne connaissais pas cet artiste, mais, apparemment, il a déjà une belle notoriété au niveau international. Ces dernières années, il a exposé dans plusieurs villes asiatiques et européennes. Et en 2021, un de ses films a été présenté au festival de Locarno. Riar Rizaldi aborde des thématiques très dans l’air du temps. Il questionne les relations entre le travail et la nature, le capital et la technologie, et plus généralement notre rapport à l’environnement. Son regard est critique, ironique, voire carrément cynique. Il aime dénoncer les dérives de nos sociétés contemporaines. Il s’amuse aussi à imaginer un autre futur possible avec des théories un peu folles aux allures mystiques. Si comme moi, vous connaissez peu l’Indonésie, mais que ces sujets vous intéressent, filez à la rue des Bains. L’expo est originale et instructive.

Le film qui m’a le plus marqué s’appelle « Kasiterit ». Il traite de l’extraction de l’étain. Ce métal est indispensable dans la fabrication des téléphones portables et des écrans. Il sert à souder les différents composants électroniques. L’étain est aussi utilisé dans d’autres domaines très en vogue comme la robotique et l’intelligence artificielle. Et savez-vous d’où vient un tiers de l’approvisionnement mondial ? De l’île de Bangka en Indonésie ! C’est là que le film a été tourné.

Les images font froid dans le dos. La nature exubérante de l’île a laissé place à un paysage lunaire. Des contrées entières sont éventrées par les mines. Les plages paradisiaques sont saccagées par la boue des extractions. Au large, à bord de barges de fortune, des hommes risquent leur vie dans cette eau devenue acide. La ruée vers l’étain a ravagé la vie sur l’île. Summum de l’ironie, la narratrice du film est une intelligence artificielle nommée Natasha. Elle s’interroge sur son ancêtre, l’étain justement…

En marge du film, deux vidéos sont à visionner sur des smartphones. Elles durent le temps qu’il faut à un ouvrier et à une machine pour extraire le métal nécessaire à un téléphone. La première, celle de l’ouvrier, dure 20 minutes. Et la deuxième, celle de la machine ? Moins d’une seconde…

Si Riar Rizaldi n’est clairement pas le cinéaste de la légèreté, les autres films sont moins pesants. Dans la première salle, un court-métrage raconte l’histoire méconnue de Radio Malabar. La station, aujourd’hui désaffectée, avait été construite par les Néerlandais en 1923 au cœur des montagnes humides de l’ouest de Java. Des images d’archives montrent un bâtiment colonial majestueux. Ses 4 tours aux façades de bois se dressent au milieu d’une forêt luxuriante baignée dans le brouillard. Son émetteur à arc était le plus puissant de l’époque. Le but était de pouvoir informer rapidement la métropole, à 12 000 km de là, en cas de catastrophe. Dans le film, un anthropologue inventé de toute pièce par le réalisateur, rêve alors que les ondes de l’ancienne radio puissent être utilisées pour protéger la terre du rayonnement solaire et du réchauffement climatique. Si seulement…

Dans la salle d’à côté, c’est une dystopie. Pas très gaie non plus, mais son narrateur est très attachant. C’est un petit garçon grassouillet vêtu d’un jean, d’un gilet assorti, d’une casquette et de lunettes de soleil. Il vit sur une île dont la vie est réglée par un soleil artificiel qui ne s’éteint jamais. Un vrai cauchemar pour les gros dormeurs ! Equipé d’un petit matelas violet, le héros erre en fumant sur son vélo à la recherche d’un endroit où se coucher. Dans cette société du non-repos, dormir devient alors un acte de rébellion.

Quant au dernier film, c’est un focus sur le Merapi, un des volcans les plus actifs au monde. Les images de la dernière éruption sont impressionnantes. On voit des explosions de lave, le cratère en feu dans la nuit, des immenses nuages de cendre qui s’élèvent dans le ciel. La puissance de ce monstre sacré dépasse l’entendement. Les scientifiques le surveillent de près à l’aide de toute sorte d’instruments connectés à leur ordinateur. Quant aux habitants, ils le vénèrent en pratiquant des rites sur ses flancs raides.

En sortant de l’expo, j’ai l’impression de revenir d’un voyage en Indonésie. Pas d’un séjour balnéaire sous les cocotiers, mais plutôt d’un circuit politico-culturel un peu chahuté. Avec cette question : Quelle était la part de rêve et de réalité dans ce que j’ai vu ? Quelle était la part de réel et de fiction dans les films de Riar Rizaldi ? L’artiste entretient volontairement le flou… C’est déroutant mais le questionnement n’en est que plus profond.

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Chronique : Céline
Animation : Emma
Réalisation : Baptiste et Alexis
Crédit image: DR
Première diffusion antenne : 10 janvier 2024
Mise en ligne : Céline
Publié le 18 janvier 2024

Une publication de Céline


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