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CultureExposLa Quotidienne

Mélodies pour l’indicible, regard de la jeunesse algérienne

Estelle Sauser | 27 mars 2022

Avec le retour des beaux jours, reviens l’envie de se balader dans les parcs, de flâner et de profiter du soleil. C’est pour ça qu’aujourd’hui je te parle d’une expo de photo en plein air, installée dans l’allée principale du Parc des Bastions.

Elle est organisée dans le cadre d’un colloque qui s’est tenu ce week-end, commémorant les 60 ans des accords d’Evian. Si ça ne t’évoque rien, ces accords signés le 18 mars 1962 sont ceux qui ont mis fin à la guerre entre l’Algérie et la France, après 132 ans de colonisation. En collaboration avec le Centre de Photographie de Genève, l’association Djelbana a voulu étoffer cette commémoration en investiguant le domaine des images et leur poids politique.

Les photos françaises de l’Algérie datant de la colonisation, sont très fortement imprégnées d’une vision fantasmée et exotique de l’Algérie. Ces clichés immortalisent des oasis idylliques ou des ruines antiques comme des territoires à conquérir. Comme si tout restait à créer. Les photos de cette époque ont été produites dans un contexte très particulier, qui soutenaient le projet colonial. Il y avait évidemment aussi des photographes algériens qui produisaient des images différentes, mais la production française était nettement supérieure en moyens et donc en visibilité. Cela a eu pour conséquence que les clichés réalisés par les colons sont dominants dans ceux qui nous restent de cette guerre. Mais depuis cette époque la photographie et le cinéma algérien se sont indépendantisé et développés.
Et c’est dans cette dynamique post-coloniale de réflexion sur l’impérialisme culturel et le poids politique de certaines représentations, que naît l’expo dont je vous parle aujourd’hui ; « Mélodies pour l’Indicible ».

Les curateurs d’exposition Danaé Panchaud et Abdo Shana ont invité 4 photographes algériens et algériennes contemporains à partager leurs histoires, héritages, identités et expériences du monde.

Parlons-en des photographes ; qui sont-ils et elles ?

Il y a tout d’abord Yanis Kafiz, autodidacte qui a commencé son parcours d’artiste dans les milieux associatifs universitaire en Algérie. Pour lui la photo est un journal intime, reflétant le milieu dans lequel il est. Il embarque son appareil dans son intimité, avec ses proches. En acteur de son environnement, il saisit le monde qui l’entoure. Tantôt un arbre décharné plongé dans une lumière rougeoyante, tantôt un visage énigmatique qui se perd dans le rouge de l’affiche.
La photographe Celia Bougdal explore aussi se rapport à l’intimité. Elle collectionne les instants qui nous échappent, en se concentrant sur l’instantanéité des émotions.

Il y a ensuite Ahmed Merzagui, dont le travail est une ode à l’Algérie. Il s’immerge dans les rues sombres, photographie des silhouettes, floues, intrigantes. Il traite ses sujets avec une approche sociale et philosophique.
En 2020, à l’occasion d’une exposition sur l’Algérie au Photoforum Pasquart à Bienne, il disait, je vous en cite un extrait, au sujet de la photographie algérienne :
« Je me dis souvent que la photographie algérienne est riche, très riche. Notre pays représente un puits sans fond, une source intarissable de sujets à traiter, à voir, à documenter, à relater… Un constat dû à l’énormité géographique, la complexité sociale et les méandres historiques. Riche mais peu connue, peu diffusée. Peut-être des noms, quelques sommités, quelques projets, des œuvres… Mais globalement ça reste une quantité infime recueillie comparée à la source. »

Les photographes que tu as présenté jusqu’à maintenant sont basés à Alger, est-ce que des membres de la diaspora algérienne ont aussi été inclus dans l’expo ?

Oui, c’est le cas de Safia Delta. Cette photographe basée à Marseille a utilisé ses archives familiales, de différentes époques, pour interroger le lien qui la lie à sa terre. En mélangeant les sources familiales et les générations, elle crée ses propres archives, et montre avec pudeur des fragments de sa vie. Son projet raconte un autre pan d’histoire du peuple algérien, celui des exilés sur le territoire français, ceux qu’on appelle les « minorités ».
Que ce soit au détour d’une balade ou que ce soit intentionnel, je vous conseille de filer voir cette expo, qui fait rayonner le vivier artistique algérien, sans tomber dans le piège de resasser un passé douloureux et déjà connu. C’est un beau projet, dans son fond et dans sa forme.

Chronique : Estelle
Réalisation : Cyril
Crédits photo : © Safia Delta
Date de diffusion : 23 mars 2022
Publié le 27 mars 2022

Une publication de Estelle Sauser


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