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Musique

John Cale à la Bâtie, c'était comment ?

Julie Marti | 6 septembre 2017



Le 1er septembre John Cale s’est produit à la Bâtie, Alexandra y était.

Au hasard du livre « Sédition et Alchimie » sur J.Cale, je m’arrête sur une citation de William Blake : « Des flammèches se dégagent en permanence de mes doigts échauffés par la perspective d’oeuvres nouvelles ». C’est avec ce sentiment que j’aborde la soirée. Ce soir, j’aimerais entendre des chansons du futur, ou d’un passé luxuriant que J.Cale déterre et détourne des tranchées officielles. En lisant le Courrier du jour, apparemment J.Cale aurait dit « Never look back ». Tant mieux, rien de pire qu’un héros qui trébuche dans le tapis en regardant derrière lui…

Après une première partie en solo par Mario Batkovic, à l’accordéon ultra-physique, entre « John Cale & Band ». L’homme est en short, plus pirate que gentleman, plus « monsieur tout le monde » qu’excentrique. Il porte des cheveux blanc de blanc, on oublierait presque qu’il a 75 ans. La salle est comble, elle attend son homme : ils sont quatre. Tout un tas d’instruments sur scène, mais pas d’alto : guitares stratocaster, basse, batterie, clavier et gadgets électroniques. Pas de piano non plus. Dès la deuxième chanson, le niveau sonore monte, sans compromis. Visiblement ils n’ont pas peur de frôler les limites de sécurité, c’est l’avantage du golden cv. Ainsi commence le voyage dans l’univers rock et avant-garde du multi-instrumentiste gallois qui aujourd’hui ne touchera ni à l’alto – pourtant signature sonore du « Velvet Underground » – ni à la basse. Etonnement, il se concentre sur le combo voix et clavier, avec quelques épisodes de guitare, dans une set-list qui navigue entre son « If you where still around » ou « Heartbreak hotel » d’Elvis Presley. Chacune des chansons est réinterprétée avec une verve qui irradie sur son passage les versions originales pour les catapulter à des années lumières.

En arrière-plan une vidéo expérimentale habille la scène. Du flot d’images, se détache un homme en costume trois pièces qui agite une poêle; le regard concentré, il approche l’ombre d’une bouteille d’alcool fort et met le feu. Les flammes lèchent John Cale, stoïque debout derrière son clavier, et l’encadrent. Flash-back : voilà les flammèches dont parlait Blake, elles émanent du pirate. La vidéo, très rock, amarre avec succès notre imaginaire: des volutes d’un métal lunaire en fusion jaillissent de terre, puis entrent dans une transe abstraite et psychédélique. Se croisent aussi des visages de poupées maquillées, des corps en décomposition entourés d’insectes voraces, ou de longues scènes de guerre.

L’esprit se ressaisit alors que le bassiste sort un archet pour faire rugir sa guitare basse avec brio – procédé qu’il va réutiliser régulièrement- tandis que le guitariste nous régale de nombreux gadgets électroniques. On creuse avec eux dans les bas-fonds caverneux et grouillants de rythmes savamment désossés, nappés de violentes saturations. Le tempo n’hésite pas à ralentir. Il n’a pas peur du noir, ce fils de mineur. Comme un seul homme, le groupe nous offre de splendides leçons de drones à la mode du « Dream syndicate » de La Monte Young dans lequel le jeune J. Cale à jadis fait ses armes.

Alors le batteur, plutôt occupé jusque-là à déclencher l’électronique, revient à ses drums le temps d’un tube. La salle jubile au son de la chanson « Waiting for the man» . Pour beaucoup c’est le climax du concert, pour moi c’est la signature du contrat: belle griffe Mister Cale. Le cri viscéral mais contenu sonne diaboliquement juste. Combien de fois a-t-il dû chanter ces paroles? « Twenty-six dollars in my hand (…) Shut up »! Si seulement cela pouvait durer encore. Il adresse des « Shut up » à gauche, à droite, dans son dos. « Shut up, Shut up… ». Allez savoir, il envoie peut être un message aux fantômes.


Alexandra Bellon | Publié le 07 septembre 2017
Crédit photo de une : © DR
 

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