Un ennemi du peuple, une tragédie de Henrik Ibsen

Mise en scène par Eric Devanthéry avec la compagnie Utopia, Un ennemi du peuple est une pièce du dramaturge norvégien Henrik Ibsen. Il est connu pour être l’un des pionniers du réalisme, mouvement qui veut dépeindre la réalité telle qu’elle est. Mais la réalité n’est pas toujours rose. Ce qui veut dire que les gens ne sont pas toujours prêts à l’entendre sans de jolis filtres. Et ça a tendance à fâcher l’opinion public. Ce qui a valu à un bon nombre de pièces d’être interdites à divers moments de sa carrière. Pauvre Ibsen. Mais parler de sujet lié à l’écologie en 1883, c’est quand même fort.

Passons à l’histoire. Une petite ville prospère grâce à ses bains thermaux, qui en font un lieu de plaisance très prisés des touristes. Jusqu’au jour où le docteur Stockmann, employé des bains, découvre que l’eau est contaminée. Son devoir de scientifique est d’en avertir le peuple. Même si cela veut dire se mettre à dos les actionnaires des bains et sa sœur, la maire de la ville.

Car l’idée ne plaît pas. Des travaux d’entretien prendraient deux ans au minimum, période pendant laquelle les bains devront fermer. De plus, les coût seraient astronomiques. Cette idée n’arrange ni les actionnaires des bains, ni la ville qui craint de perdre son avantage compétitif.
Et s’il a le soutien du représentant du peuple ainsi que de la tribune locale au début, cela ne durera pas. Faire payer les riches pour la santé du peuple est une noble cause. Mais dès qu’ils apprennent que les travaux devront être financés par les caisses de l’état, soit par les petites gens, ils ne tardent pas à se retourner contre le docteur Stockmann. Ce dernier se trouve face à un dilemme moral important : doit il protéger la santé publique et l’éthique au détriment de la prospérité économique et de la vérité ?

Pour commencer avec le négatif, je ne vais pas vous cacher que j’ai trouvé le texte diablement répétitif. La problématique éthique est rapidement posée, et les personnages finissent par dire les mêmes choses, encore et encore. Ils crient beaucoup aussi. Un effet de style qui finit par irriter à la longue. J’estime qu’une heure cinquante n’est pas nécessaire pour cette histoire, mais j’imagine que la faute est au texte. Cela dit , la journaliste à côté de moi s’est quand même endormie plus d’une fois. Les acteurs jouaient aussi un peu trop face à la scène, on n’avait pas vraiment l’impression qu’ils se parlaient entre eux, mais juste au public. Peut-être voulu comme pour nous prendre en témoin, cela m’a dérangé à la longue.

Cela mis de côté, j’ai trouvé les décors et les costumes remarquables. Les comédiens jouent avec des bottes de pluie et des k-ways sur un plancher de cartons. De l’eau et de la mousse tombent du ciel par salves imprévisibles. De la fumée est propulsée sur la scène, s’en va vers le public, faisant sentir l’odeur du chlore et de l’humidité. On a vraiment l’impression d’être dans des bains thermaux. Les acteurs évitent constamment des éclats d’eau, eau qui tombe sur les cartons, et devient de plus en plus sale à mesure que l’histoire se développe et que l’ambiance se dégrade. Faire coller la matérialité à la trame générale de la pièce, j’ai trouvé ça très fort.

Le jeu d’acteur est très bon, quoiqu’un peu exagéré par moment. Crier 2 minutes c’est bien, mais quand cela passe les 5 minutes, c’est difficile de rester concentré. Certaines scènes m’ont donné l’impression d’être dans une joute verbale alcoolisée du trame 15 à 3h du matin.

On notera des petits clins d’œil faits au suisse, nous rappelant que la pièce vient de chez nous : on retrouve l’accent vaudois et la mention d’objets inconnus d’Ibsen tel que la panosse.

En somme, une pièce très bien amenée, qui pose des questions d’une modernité surprenante. C’est toujours ce qu’on aime, et qu’on vient chercher dans les pièces de Ibsen. Mais la prochaine fois, allez-y mollo sur le volume.

Une publication de Martin