Théâtre: Déclaration d’amour de Louis Hee à John Ah-Oui
Je suis sortie du Poche hier, la main sur le cœur , en pensant à John.
Mais c’est qui John ?
Beh John c’est le désir, c’est l’amour, la respiration, la vie et la vue. Bref, la raison d’être de Louis Hee. Vous l’avez compris, on assiste à une déclaration d’amour. Je vous entends déjà me dire, « rho encore une pièce qui parle d’amour kitch ! » Mais non, attention, cette confession est unique, littéralement, puisque Louis Hee, joué par Raphaël Archinard, est seul sur scène. C’est dans le vide qu’il va donc déclarer son amour.
Imaginez que vous vous êtes préparés pendant des heures et des jours entiers à formuler votre bouillonnement intérieur, votre désir et votre obsession à l’autre. Vous avez même rédigé sur un petit papier des phrases clés pour ne pas vous perdre dans votre éloge, mais, quand le grand jour arrive, vous ne retrouvez plus le mot que vous avez écrit, vous bégayez, vous transpirez comme si vous veniez de quitter la salle de sport et en plus de cela, le sujet de votre amour, n’est même pas présent. C’est exactement la situation tragi-comédique dans laquelle Louis se retrouve.
Le noyau de la pièce c’est le texte très puissant de Nicolas Barry, un texte qui m’a bercée et qui m’a frappée, qui m’a caressée et à la fois dévorée. Dans ce discours poétique, on va trouver la douceur et la gêne des prémices d’une histoire amoureuse et les péripéties qui vont avec, par exemple quand vous croisez l’autre au supermarché mais qu’évidement ça tombe sur le jour où vous avez mis votre plus moche training, gris, troué. Oui, ça nous est déjà arrivé à tous. Ou bien, quand un seul regard dans les yeux de l’autre, suffit pour nous faire fondre de l’intérieur. La plume de Barry est à la fois douce et sauvage, puisqu’elle exploite une forme de désir brut et non-hétéronormé, celui de Louis pour John.
Raphaël Archinard nous transmet cette tension très forte du texte : son jeu est impressionnant ! Il réussit à transformer son personnage, par sa voix, sa gestuelle et surtout par un jeu de corporalité qui m’a fortement marqué. Vêtu d’une jupe en dentelle noire et d’une veste de motard en cuir décorée de paillettes violettes et rose, qui nous donne l’impression qu’il est sorti tout juste d’un film de science-fiction, Louis va jouer avec son corps. Il se jette furtivement sur le sol, se frotte contre, se roule par terre puis lentement se relève. Ce jeu corporel intense nous dévoile une créature mystique et souffrante : une sorte de bête humaine.
Enfaite, ma chronique est une déclaration d’amour au jeu de Raphaël et je pense que je ne suis pas la seule. Le mérite revient à la metteuse en scène Leila Vidal-Sephiha qui a construit ce que j’appelle « une mise en abîme de l’amour ! ». Il s’agit d’un coup de génie, car pendant que Louis Hee nous raconte comment il ne peut vivre sans la beauté de John Ah-Oui, nous, le public, nous ne pouvons pas quitter des yeux Louis. On est fasciné par sa fine silhouette, la manière dont il se déplace sur le plateau, dont il bouge ses hanches et ses mains. Il devient devant nous une sorte de muse, une sculpture vivante.
Dans un espace désorientant, rempli de brouillard et sous une lumière violâtre, on va subir à notre tour, la violence d’un désir ardent et impossible.
Mais je vous en ai peut-être un peu trop dit, chères auditeurices allez vivre cette expérience par vous-même au Théâtre du Poche et peut-être qu’à la fin de la pièce vous chercherez les John qui ont marqué-ou pas – votre vie pour leur faire à votre tour une déclaration d’amour.
–
Chronique : Elia
Animation : Emma
Réalisation : Candice et Noé
Production : Romain
Chargé de com : Romain
Crédits photos : Isabelle Meister
Première diffusion antenne : 29 octobre 2024
Publié le 11 novembre 2024
Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast
Commentaires
Pas encore de commentaire pour cet article.