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CinemaÉcransLa Quotidienne

Spritz glacés et crise climatique

Inès | 21 juin 2021

Que dois-je faire ? Que puis-je faire ?

C’est la question que Stefan Haupt se pose et nous pose tout au long de son documentaire. C’est au travers des rues alambiquées de Zurich qu’il nous délivre ses pensées les plus intimes. L’Aar qui s’étend à perte de vue et le conflit armée en Syrie, le quartier des banques zurichois, froid austère, et notre méconnaissance des marchés financiers. Un quartier branché, des Spritz glacés et la crise climatique.

L’urgence revient s’immiscer dans la vie de Stefan à intervalles réguliers. L’urgence est tellement omniprésente qu’on finit par à peine encore pouvoir la percevoir. On parle d’une urgence médiatique, climatique, de déclic :
Une urgence qui nous laisse penser que tout est à faire, mais qui ne nous laisse que penser. Et on se retrouve dans une sorte de morne auto-contemplation qui ne laisse donc pas place à l’action.

A la croisée des générations, entre une fille qui grandit et un père qui vieillit. Des générations qui semblent se répondre… tandis qu’une prend conscience du temps qui passe et qui laisse ses traces, autant sur nos corps que sur nos esprits, l’autre en témoigne, témoin de l’effet du temps, autant psychique que physique mais surtout obsédant. Iels toustes en quête de sens, une explication du pourquoi : La petite fille se demande comment va-t’elle vivre dans un monde qui sera détruit, et trouve son sens dans le militantisme, tandis que les GP semblent croire à une sorte de déterminisme moral : J’ai grandi au coin de cette rue, j’ai élevé mes enfants au bout de celle-ci, et je mourrai entre les deux.

C’est une ode d’amour, un amour à sa ville, Zurich, Zurich la belle et la grande, ou l’on est toustes tellement heureux mais tellement privilégié, et où l’on a tellement le temps de tout contempler.

Ah, ça nous rappelle une certaine ville.. Genève !

Alors ça pour sûr ! La Bahnhofstrasse baignée dans le soleil couchant nous rappelle le cours de Rive et ses trams fulgurants. La Fraumünster et la cathédrale St-Pierre qui perce le ciel de la cité. La Rote Fabrik ou l’usine qui guette sur les quais du Seujet. Et puis les gens bien-sûr. Cette passivité latente qui découle d’une situation trop agréable. On se sent trop bien pour vouloir la changer, mais on ne peut s’empêcher d’y penser, à ce malaise ambiant : on a de la chance de ne pas devoir agir.

Son fils, seul membre de la famille qui n’a pas souhaité participer au documentaire semble en être le plus conscient, il le dit à son père : La parole est maintenue entre les mains des hommes blancs cis-genre privilégiés de plus de 50 ans. Tu as 59 ans papa, tu es blanc et cis.

Stefan Haupt arrive donc à se questionner sur sa positionnalité : n’est-il qu’un autre réalisateur suisse qui a le droit de partager son journal intime car il se saura écouté ? Sûrement.

A la fin du documentaire, la cadence accélère. Entre la Frauenstreik de 2019, les grèves du climat qui s’enchaînent, et par-dessus tout, ce sentiment d’urgence qui ne nous lâche pas. Tout va trop vite, le monde va trop vite. Tout est urgent. Tout doit être fait maintenant. Et c’est pareil aujourd’hui. Chaque semaine un nouveau sujet qui nous anime et nous fait gueuler de colère sur instagram, mais la semaine d’après tout est déjà oublié parce que nous, on a le loisir d’avancer. Mais que reste-t’il de ces repartages en story, de ces personnes qui pleurent leurs enfants tués, de nos slogans de manifestations ?

Alors peut-être que tout ce qu’il reste, c’est nos journaux intimes.


Chronique : Inès
Animation : Lola
Réalisation sonore : Alexis
Première diffusion antenne : 10 juin 2021
Mise en ligne : Inès
Crédit photos : Filmingo/ Xenix Film
Publié le 20 juin 2021

Une publication de Inès


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