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CinemaÉcransLa Quotidienne

« Serre moi fort » de Mathieu Amalric

Bathsheba | 6 février 2022

C’est un joli matin ensoleillé, dans une belle maison au volet bleu. Une de ces maisons comme on en trouve au sud de la France. Clarisse se lève à l’aube et sur la pointe des pieds quitte son conjoint, sa fille et son fils.

Sans se retourner, elle met le cap en direction de la mer au volant d’une vieille voiture américaine. Elle quitte sa famille, sans aucune explication, et laisse le soin à son mari de mettre des mots sur son geste.

Puis, la vie dans la jolie maison aux volets bleus suit son court, sans Clarisse.

A moins que ce soit eux qui ne soient partis ?

Impossible pour moi de vous en dire davantage sans divulgacher le dernier film de Matthieu Amalric « Serre moi fort » tiré de la pièce de la dramaturge Claudine Galéa.

Toujours est-il qu’il y a d’un côté, Clarrisse, et d’un autre, son conjoint et leurs enfants. Ils se parlent sans se croiser, ils parlent les uns des autres, sans se rencontrer. C’est le piano, instrument divinement joué par la fille de Clarisse, qui fait le lien entre ceux qui restent et celle qui part. Les mélodies tissent un lien invisible entre les fantômes et les vivants. Au fur et à mesure, Amalric dévoile les mystères autour de Clarisse et nous propose un film bouleversant sur une femme qui tente de retrouver sa liberté dans l’épreuve. Minutieusement, Amalric annihile le temps et l’espace. Il crée un monde parallèle, dans lequel Clarisse et son conjoint communiquent par télépathie. Un monde dans lequel Clarisse et sa fille se parlent par carnets interposés.

Il filme l’absence.

Ici le vrai et le faux sont présentés sans distinction. Amalric déconstruit la temporalité et met en place une sorte de jeu de piste où tout se répond, se croise et se fait écho.  On ne sait plus si on a affaire à un souvenir ou à une projection. Il joue avec nos nerfs au point de se demander s’il ne s’amuserait pas à nous amener vers de fausses pistes. Amalric nous propose un film fragmenté, dans une myriade de réalités différentes, que les spectateurs-ices sont sans cesse amenés à reconstituer.

Cet exercice de style ne serait pas possible sans le jeu de Vicky Kryeps dans le rôle de Clarisse. Tout le film est porté par son jeu d’une justesse impressionnante. L’actrice allemande est par ailleurs nominée aux Césars 2022 dans la catégorie meilleure actrice pour ce rôle. Son visage fait cohabiter toutes les émotions du monde. Sa performance est tout bonnement prodigieuse. Elle incarne un personnage à la lisière de la folie, qui pour ne pas basculer utilise son inventivité et son imagination pour rester dans le monde des vivants.

Clarisse a-t-elle construit son départ pour en cacher un autre ? Finalement, est-ce que ça ne serait pas plus simple que ce soit elle qui soit partie ? Comme ça, eux sont restés… 

Chronique : Bathsheba
Animation : Sidonie
Réalisation : Ornella
Première diffusion antenne : 1er février 2022
Mise en ligne : Bathsheba
Crédit photo : © Les Films du Poisson
Publié le 6 février 2022

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