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La QuotidienneMusique

«Secret Seed» un album pointu signé Andrina Bollinger

Romain | 7 novembre 2022

Parlons d’une nouvelle artiste à suivre chez nos amis suisse-allemands.

Quel plaisir déjà de travailler dans ce nouveau studio de toute beauté. Je suis impatient de te distiller quelques pépites pour les prochaines chroniques. Aussi je peux enfin voir directement Téo à la réal’. Ce qui n’était pas forcément le cas dans l’ancienne disposition provisoire. En 2023 je le sens ça va envoyer ! Commençons par finir cette année avec du bon son. Pour ce faire puis-je t’introduire au délicieux travail d’Andrina Bollinger ?

Courte bio pour t’installer le décor. Née en 1991, la Zürichoise explore depuis toujours les expérimentations artistiques et surtout musicales. A la fois vocaliste, compositrice, instrumentiste elle malaxe ses productions avec une jolie diversité électro-acoustique. On retrouve ce panachage dans son dernier album «Secret Seed» sortie en octobre 2022. Dans la même veine, elle est depuis 2016 la moitié de deux duos : Eclecta et Jupiter (qui s’écrit JPTR).

Un sacré bagage la précède ! Elle doit sûrement payer des suppléments aux aéroports… En 2015 elle obtient un Master d’Art en musique, pédagogie et performance à la Zürcher Hochschule der Künskte. Avant et après cela elle n’a eu cesse de se former avec des professeurs reconnus de différentes régions fort éloignées les unes des autres. Elle a également enseigné mais cela est une autre histoire… En 2019 elle a également collaboré sur le dernier album du renommé et local trompettiste Erik Truffaz. Tu peux aller écouter cela sur «Lune Rouge».

Elle jouit aujourd’hui d’une bonne presse puisqu’elle a été écoutée sur de nombreuses scènes, du fameux M4 festival de Zurich ou au Cully Jazz en passant par Paris et Rome.

Extrait de la chanson «Twin» à l’antenne. Une ritournelle à l’intensité crescendo comme un vent qui se lève. Une composition piano, batterie, voix, comprenant un pont calme et du «Spoken Words». Comme le feraient Chilly Gonzalez ou Grand Corps Malade mais de façon plus chantée. Le «Spoken Words» se traduit littéralement par «mots parlés», la définition pourrait s’arrêter là. Il s’agit toutefois d’une forme d’expression au moins aussi vieille que le hip-hop, elle s’accompagne généralement de musique. On peut aussi la considérer comme un enfant du conte ou de la déclamation de poème. Les mots doivent tomber juste où il faut mais c’est surtout le travail sur leur nature qui importe.

Que dire d’autre à propos de cette Dame Bollinger ? Comme si tout ça ne suffisait pas elle travaille également pour des représentations théâtrales, dansées mais aussi des films comme en 2021 pour un reportage nommé «Harralg Naegeli, der Sprayer von Zürich». Cette fille est donc un électron sonore, sautant de scènes en studios, habituée des collab’ et des compositions sur mandat. Elle en a sous le capot la jeune!

Batterie aux mesures inhabituelles sur «Drummer’s Hands», un autre aperçu de son dernier album. La rythmique sonne saccadée. C’est l’effet que procure un découpage original des temps. Ici on n’entend pas un typique 4/4 des familles, soit 4 temps coupées en 4 quarts de temps réguliers. Et non pas ici ! Ce sont des mesures de 5 temps divisées en 3. Tout dépend de comment on l’écrit après… Ce qui est sûr c’est que les occurrences sonores, comme la caisse claire ou la grosse caisse, se placent à des endroits originaux et semblent suivre leur propre schéma. On a l’impression d’avoir deux rythmiques en même temps, ça donne un élan singulier à la création. On se détache de nos habitudes d’écoute européennes et on devient plus alertes aux nuances cachées çà et là. Je recommande particulièrement la fin de la piste. Elle semble se dérouler comme une opération martiale mais finit comme une soirée enneigée à la fois hostile et magnifique. Voilà qui parait à propos pour nous préparer à l’hiver…

Sa musique sonne à la fois intellectuelle, pop, sombre et lumineuse. Ça rappelle Björk mais avec d’avantage de délicatesse, moins de hargne mais autant de percussions prégnantes. Le travail des voix est finement étudié et toutefois accessible, ça contre-balance l’audace de ses instrumentalisations. Part belle au piano, en ce sens on reconnaît l’influence jazz, diablement adaptée aux journées pluvieuses durant lesquelles nos énergies vont et viennent en l’espace d’un nuage. C’est le bon album pour rester un samedi à régler ses bricoles ou pour se motiver lorsqu’on a pas une foi terrible pour sortir sous la pluie. On y trouve un côté inspirant. Un élément a retenu mon attention dans ces 11 titres : une sorte de mélancolie dénuée de tristesse. Cela me mène à te parler de la maturité de l’œuvre. L’artiste embrasse ses sentiments, elle nous les transmet avec simplicité mais aussi de subtiles nuances. Comme nos aînées rigolotes, la mamie du village qui en a vu des vertes et des pas mûres. La Janine, comme on l’appelle, qui garde pourtant son humour. Elle veut profiter la Janine ! Elle ne s’excite pas avec des niaiseries de bas étages. Plus le temps pour ça ! Ce genre de femme qui te fait cogiter avec cinq phrases bien posées. De celles qui n’ont pas besoin d’en faire des tonnes pour être entendues… Attention je ne dis pas que c’est un album pour retraité-e-s ! Je le comparerais plutôt à un vin de 10 ans d’âg. C’est le bon moment pour le déguster. Produit rond, ça sent la barrique mais aussi la finesse des nouvelle techniques de vinification. On sent à peine l’alcool et la bouteille se finit toute seule…

Dernière recommandation : le titre « Eu guard ».
Morceau planant dans un langage étrange et mystique : le romanche ! Enfin une occasion d’écouter ce dialecte national et de quelle manière. Nappe féerique avec un son d’harmonium, cet instrument aérophone, cousin miniature de l’orgue. Ça finit par des boucles synthétiques, quelques notes au lyrisme mesuré sur fond de gazouillis volatiles. Décollage imminent.

Concerts en Suisse

le 09.11 à Baden
le 10.11 à Bâle
le 17.12 à Bienne
le 03.01 à Coire


Chronique : Romain
Réalisation : Téo
Crédits photo podcast : Bureau Mia
Crédits photo background : Andrin Fretz Photography
Date de diffusion: 2 novembre 2022
Publié le : 7 novembre 2022

Une publication de Romain


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