Plongée dans les archives du MAH

Son nom ; « Pas besoin d’un dessin ». Mais besoin d’une quantité et d’une variété d’archives impressionnante je répondrais. Des collections qu’il a fallu défricher, trier et organiser selon une certaine logique pour tirer une miraculeuse harmonie.
Voilà le défi qu’a dû relever le célèbre historien de l’art et auteur d’exposition Jean-Hubert Martin. Pour cela, il interprète et pose un œil neuf sur la vaste collection du MAH. Il a retenu environ 500 pièces de la collection, les a interprétées et catégorisées subjectivement, pour constituer une sélection pointue et décalée.

Il a réuni des œuvres qui n’ont à priori rien à voir entre elles sous des bannières communes. Car elles sont d’époques, d’endroits, de domaines artistiques différents. Ce sont des peintures, des gravures, des statuettes, de la vaisselle, des meubles ou des vêtements. Il y en a des célèbres et d’autres méconnues.

Ce qui est déroutant de prime abord, c’est qu’entre les salles et la succession de thèmes, il n’y a pas de lien. La trame narrative d’une exposition classique est inexistante, et cela oblige le visiteur à se questionner et créer son propre fil rouge s’il le veut.
Prenons par exemple le thème « De l’amour à la haine », qui explore les méandres de l’amour romantique. Ce sont des peintures de Hodler, Valotton ou un délicat éventail, vieux de 200 ans floqué « Je te jure un amour éternel » en lettre scintillantes qui se côtoient.
A ce thème, ne sont aucunement liés les thèmes « Lilliput et les géants » ou « De l’arnaque à la décapitation ». A noter que pour ce dernier une authentique guillotine du 19e siècle est exposée.

Vous comprenez, c’est pour le moins éclectique et varié, mais c’est organiquement, par effet d’analogie ou d’opposition, que les œuvres dialoguent et révèlent leur sens. En tout cas leur sens dans ce contexte.
Un autre exemple, plus loin dans le parcours, on entre dans une salle nommée sobrement : « Riches et pauvres ». On se trouve dans un salon cossu, décoré de tentures, de bijoux et de mobilier du 19e.

Contre un mur est accroché le « Pendule à cadran tournant et sa paire de flambeaux brûle-parfum » datant de 1780… Un noble objet, très beau, en marbre et bronze doré. Sur le mur opposé, trône un tableau d’un « Paysan Debout », un homme en guenille, bêche à la main, datant des années 1940.
Deux œuvres que rien ne relie, mais qui sous le prisme du thème « Riches et Pauvres », révèlent toute leur ironie. Et c’est là qu’est l’effet de cette exposition, c’est qu’on se surprend à voir des analogies, des continuités entre des pièces qui n’ont strictement rien à voir entre elles. C’est une conversation entre différentes formes d’art, qui se veut fluide, évocatrice et parfois humoristique.
La proposition est conceptuelle. Mais l’esthétique n’est pas compromise. Les œuvres sont bien mises en valeur. J’ai particulièrement apprécié la sélection de vases, sous l’égide du thème « Morphologie ». Serpentant à travers toute la pièce, les dizaines de vases de toutes les formes et de toutes les époques forment un domino bariolé.

J’ose à peine imaginer le travail colossal que Jean-Hubert Martin a effectué pendant 2 ans pour tisser des liens si ingénieux et justes, là où rien ne semble être cohérent.
Allez rendre hommage à ce travail et à cette collection sortie des placards. Laissez vous inspirer par ce moodboard géant !
Et vous n’avez pas d’excuse, car désormais le Musée d’Art et d’Histoire pratique le prix libre, Charlie vous l’annonçait dans le Journal des Bonnes Nouvelles l’autre jour.

Oui et vous avez le temps car l’exposition se tient jusqu’au 19 juin 2022 !
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Chronique : Estelle
Réalisation : Teo
Production: Joséphine
Crédits photo : © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : Chaman ateliers, Hauterive
Date de diffusion : 09 février 2022
Publié le 15 février 2022

Une publication de Estelle Sauser