PINOCCHIO dans le texte

crédit photo Doisne Studio / Théâtre Amstramgram

PINOCCHIO DANS LE TEXTE

LOLA :
Comment raconter, une fois de plus, l’histoire de Pinocchio après les nombreuses adaptations aussi bien cinématographiques que théâtrales ? Quelle adaptation choisir pour cette histoire aux nombreux épisodes et rebondissements ?

Pierre :

Ce sont ces questions qui m’ont conduit jusqu’au théâtre Am Stram Gram.
Je suis assis en milieu de salle, entouré des quelques familles qui ont obtenu le sésame. Les enfants sont sages, ils ont les yeux qui virevoltent.
Pas de rideau qui cache le décor.
Faut dire, qu’il est riche et divers. Les enfants sont fascinés, ils l’observent attentivement comme ils regarderaient un livre d’images avant de recevoir les mots qui les accompagnent.

Des nuages cartons, entourent une lune pleine. Un castelet dort derrière un rideau peint, une marionnette, vue de dos, patiente, nous devinons qui elle est. À jardin une sorte de Pierrot lunaire immobile, à côté d’un imposant porte-livre. À cour, une petite maison blanche carton-pâte, ci et là caché derrière des arbres noirs, de grandes figures d’enfants sorties directement d’illustrations du 19e siècle. En arrière-plan on devine, la projection vidéo de la salle d’Am Stram Gram côté public.

Les comédiens descendent les escaliers de la salle pour monter sur scène. Gepetto saisit la marionnette pour la poser sur l’établi.

L’objet crie et prend vie.

L’histoire de Collodi est fidèlement représentée. Une adaptation au plus près du texte original. Le personnage de la fée devient conteuse, elle devient la voix de l’auteur. La narration reprend une grande partie des 36 épisodes sans faire l’impasse des passages troubles, volontairement oubliés dans l’adaptation Disney.

La notion de la mort est évacuée.
Écoutons un court extrait

Il n’y a personne dans cette maison. Ils sont tous morts.
– Mais toi, tu peux m’ouvrir ! – cria Pinocchio, pleurant et suppliant.
– Moi aussi, je suis morte.
– Morte ? Mais alors, qu’est-ce que tu fais là, à la fenêtre ?
– J’attends le cercueil qui m’emportera.
Sur ces dernières paroles, la fillette disparut et la fenêtre se referma sans bruit.
CI-GÎT
LA FILLETTE AUX CHEVEUX BLEUS MORTE DE CHAGRIN
APRES AVOIR ETE ABANDONNEE PAR SON PETIT FRERE PINOCCHIO
Ce que ressentit Pinocchio quand il eut déchiffré tant bien que mal cette inscription, je vous laisse l’imaginer. Il se jeta à terre et couvrit de baisers la pierre tombale tout en éclatant en sanglots. Il pleura la nuit entière.

On sait que cette première mouture des « Aventures de Pinocchio » s’arrêtait à la fin du chapitre 15 à la mort annoncée de son héros, pendu à un arbre par des brigands. Il fallut toute la ténacité de ses jeunes lecteurs qui exigeaient une suite pour que Collodi, qui avait la réputation d’être plutôt paresseux, se remette à l’ouvrage et trouve une fin plus heureuse.

L’histoire est complexe mais j’observe que cela ne perturbe en rien les enfants, ils sont attentifs et pris par le jeu des comédiens.

Il faut dire que le spectacle mené par la troupe de Jérémie Le Louët métamorphose ce conte moral en féerie multicolore, empruntant autant au mythe qu’au rêve, à leurs variantes et à leurs travestissements ainsi que l’indique Catherine Robert dans sa critique.

Une publication de Pierre