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Le renouveau du cinéma africain

Johan | 8 février 2025

Nos plus fidèles auditeur·ices se souviennent de notre Quotidienne de mardi dernier consacré au Black Movie festival. On avait notamment eu le plaisir d’échanger avec Djia Mambu sur la vitalité du cinéma africain et les places fortes actuelles de celui-ci (je ne vous dis pas lesquelles il faudra aller écouter le podcast). Elle nous avait clairement donné envie de découvrir cette nouvelle génération de réalisateur·ices africain·es qui parlent de leur continent de façon contemporaine et pertinente mais que l’on a peu l’occasion de voir en Europe.

Cinéma africain peu visible en Europe

Leurs films arrivent rarement jusqu’à nos écrans. Il est vrai que sur la carte mondiale de la production audiovisuelle (si j’inclue les séries), la production africaine n’est pas la plus hype du moment. Autant les cinémas d’Amérique du Sud et surtout d’Asie sont visibles et bénéficient d’un préjugé positif notamment sur le volet film d’action ou dramatique, autant le cinéma africain pâtit parfois d’une image vieillotte, comme si voir un film africain c’était obligatoirement se taper un film contemplatif voire mystique sur une petite tribu plus ou moins à l’écart de la civilisation.
Il est vrai qu’il n’y a pas encore un Squid game niveau série ou un Parasite pour donner de la visibilité à leur cinéma et on espère que cela va changer, car il est sûr que le continent africain par son dynamisme, sa richesse et sa diversité possède de nombreux atouts pour nous faire vivre et ressentir de formidables histoires.

Nouvelle génération

Bonne nouvelle, le film de ce soir fait partie de cette nouvelle donne, de cette nouvelle génération de réalisateur·ices africain·es. Il est sorti dans nos salles de cinéma suisses hier et réjouissons-nous c’est surtout et avant tout un très bon film! Ce long métrage s’appelle « On becoming a guinea fowl » et a été réalisé par la cinéaste zambienne Rungano Nyoni.

Le titre signifie devenir une pintade. Bon c’est là que tu comprends que c’est peut-être pas mal d’avoir conservé le titre original. Alors quelle est l’histoire de ce film et pourquoi faut-il le voir ? Le scénario est à la fois simple et complexe, je m’explique : il est simple car la situation de départ est basique : une jeune femme – Shula (jouée par l’excellente Susan Chardy)- revient de soirée et trouve son oncle mort de façon naturelle au bord de la route. Elle va devoir organiser avec sa famille ses funérailles. Voilà. Mais l’histoire est en même temps complexe car les ramifications autour de de point de départ vont se révéler progressivement et pas forcément linéairement.

C’est un peu comme un puzzle dont les pièces disparates forment progressivement une image pleine et complète. Tu es à l’image de l’héroïne du film en fait, en état de sidération. L’actrice est d’ailleurs formidable, on la suit dans ces funérailles remplies de tantes, d’oncles et de cousins qu’elle semble très peu connaitre. A travers ces interactions et les actions dans la ville autour de l’organisation de cette cérémonie, tout un pan de secrets de famille vont tomber progressivement… et là l’histoire devient un gouffre émotionnel pour elle comme pour nous. Je ne veux pas divulgâcher mais disons que le film questionne avec intelligence les coutumes sociales et familiales qui justifient l’injustice et l’immoralité.

La structure du film ainsi que sa mise en scène léchée et moderne te met en position de recherche pour comprendre ce que tu vois. Le film est donc particulièrement captivant car il rend ton regard actif. De plus, il donne une vision contemporaine de la vie en Afrique, en Zambie, pays que je ne connaissais pas du tout (mais je ne dois pas être le seul). Il y a beaucoup de scènes familiales ou de scènes de vie dans la ville. Mais que l’on soit bien clair, ce n’est pas un film sociologique. Il va bien au-delà. Grâce a un univers sonore onirique et prenant, aussi par l’incorporation de scènes de rêve ou de moments presque décalés, le récit s’étoffe sans jamais s’alourdir. Ce qui est vraiment l’apanage de grand·es réalisateur·ices, c’est un peu comme en gastronomie, un peu d’acidité permet de grandir le plat, trop d’acidité et le plat devient immangeable.

En résumé, sur le fond comme sur la forme c’est un sans-faute. Beau, captivant, sa critique du poids des traditions se fait mesurée mais puissante. Alors allez découvrir ce nouveau cinéma africain moderne et unique, et surtout allez découvrir une grande cinéaste : Rungano Nyoni.

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Chronique : Johan
Animation : Emma
Réalisation : Lyes et Théo
Crédit image : Trigon Films
Première diffusion antenne : 30 janvier 2025
Publié le 2 février 2025
Mis en une le 8 février 2025

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Une publication de Johan


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