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On a vu les Strokes à Paris

Charly | 1 septembre 2023

Privé de date en Suisse, il fallait monter à Paris pour profiter des Strokes en live cet été. Le concert du dimanche 27 août 2023 au festival Rock en Seine affiche complet depuis plus d’un mois, mais heureusement Radio Vostok est là pour nous compter cette aventure rare.

Prendre son billet pour les Strokes, c’est un peu comme jouer à la roulette. C’est quitte ou double. C’est que les Ricains sont précédés par une réputation sulfureuse : pas commode. En même temps, on est pas venu pour écouter Les Petits Chanteurs à la Croix de Bois, mais bien l’un des meilleurs groupes de rock de ces vingt dernières années. Nous voilà au parfum, tout en arpentant les bords de Seine.

En route on se fait copieusement arroser. Une festivalière, pas rancunière, se prend en selfie sous la pluie. On passe le pont, direction parc Saint-Cloud. C’est les Hauts de Seine, Paris, mais plus intra muros. On découvre qu’il peut y avoir des jolis coins de verdure. Et que naturellement c’est pas les plus défavorisés qui squattent le tierquar. Pour le béton et les flammes faut viser plus au nord.

Le bitume ici est humide, la flotte, bienvenue après une semaine caniculaire, n’a pas épargné le site. Le carré presse et VIP (y’aurait-il un rapport ?!) est pas dégueu, flanqué de transats, détrempés, et d’une retransmission de la grande scène comme si on y était. Merci Rock en Seine, France Télévision et France Inter qui semblent tous complices sur ce coup-là. L’ombre de Bernard Lenoir plane : les Strokes à la radio ç’aurait fait une Black Session du tonnerre.

Heureusement la pluie s’est arrêtée et là tout de suite c’est The Foals qui chauffent la scène. Un show impeccable. Les gars ont la patate, ils se souviennent de la dernière fois qu’ils sont venus à Paris, flattent leur public et leur servent un savant mélange pop-rock millimétré, aux accents même parfois métal. C’est efficace, y’a pas à dire, mais presque un peu trop racoleur et fourre-tout pour y prendre goût. Nan, nous on est venus voir de l’authentique et du brut de décoffrage; du vrai rock qui te prends aux tripes et te remue de l’intérieur. On sera pas déçu.

« C’est pas le pré à vaches du Paléo helvétique »

En attendant, pour préparer les tripes précisément, petite dégustation d’un burger local aussi goutu que servi fissa, un régal inattendu. Et shot gratuit d’un alcool aux herbes dont tu pensais que seule ta grand-mère connaissait encore le nom et le goût. C’était sous-estimer le pouvoir du marketing à l’œuvre. Ça se boit, finalement. Et réchauffe un peu l’ambiance, carrément glaciale pour la saison. C’est pas le pré à vaches du Paléo helvétique, ce qui évite peut-être de patauger dans la boue. Le site, dans une ambiance plus estivale, doit avoir son charme et être rafraîchissant en pleine canicule. Sur cette dernière soirée il est un peu frais et sombre, la faute à pas de chance.

C’est à la tombée de la nuit, et quelques bières plus tard, que le grand show s’annonce. Le public est bien là, mais en se faufilant habilement on trouve sa place. Toujours au centre pour bénéficier d’une éventuelle stéréo, déformation d’ingé-son, mais aussi plaisir de mélomane, pas trop loin de la régie technique et si possible arrosé par la face avant principale et non les rappels pour les fonds de stade, qui peuvent présenter quelques zones d’ombre sonore.

Là. On est pas bien, hein Tintin ? The show must go on. Les Ricains se font attendre juste ce qu’il faut, sans doute contraints par un timing serré. On démarre direct sur What Ever Happened?. La sauce prend immédiatement, la voix est juste, pour ce qu’elle peut l’être, les guitares ciselées, la batterie carrée. Y’a rien à redire on fait dans l’efficacité, le groupe n’a rien perdu avec les années et s’est même bonifié avec le temps pour arriver à une belle maturité. Au final, les potos new-yorkais vieillissent bien mieux que Muse ou Coldplay et ça, c’est une vraie prouesse.

Ambiance festival, show visuel inspiré de l’univers graphique des albums, crépuscule et lune : tout y est pour faire un grand spectacle. Les Strokes égrènent les tubes, notamment des premiers albums, et on découvre et redécouvre ce qui fait la quintessence du quatuor. Une voix, fragile, dont on avait peur qu’elle déraille, qu’on soupçonne un peu camouflée derrière un effet. Mais en fait juste égale aux albums, car même à la réécoute des albums studios, la recette de Casablancas est un mystère presque contre nature.

« C’est la force de la mélodie subtile, enrobée dans une sauce rock pur jus »

À la manière d’un Brian Johnson dans AC/DC, Casablancas, complètement à contre-emploi pour un groupe de rock, se la joue sensible et fragile, tout en camouflant ses imperfections dans un son proche du téléphone. C’est la force de la mélodie subtile, enrobée dans une sauce rock pur jus. Sur le papier ça a tout pour faire un fiasco, dans la réalité c’est précisément ce mélange de fragilité et d’intensité qui fonctionne. Couplé à un sens de la mélodie génial. On le constate sur scène, la voix est là, pas plus juste ou moins sensible que sur les albums et sert des mélodies et des arrangements brillants. Les Strokes ont cette capacité à produire des chansons riches et nourries, une densité et un voyage sonore sur trois minutes trente comme seuls les Beach Boys et leur fameux Good Vibrations avaient pu le faire avant eux.

La quintessence des Strokes apparaît comme une évidence sur scène : une voix fragile et rugueuse, des guitares ciselées, une rythmique solide, des arrangements brillants et un sens de la mélodie inégalé. Tous ces ingrédients sont réunis dans une machine à tube qui répond d’une manière étonnante, comme un seul homme, aux frasques de Casablancas. Car plutôt que de servir un show calibré, l’ami Julian préfère faire déconner avec ses musiciens, quitte à perdre quelques minutes en blabla. Après tout, quand on a des tubes incroyables qui dépassent pas les quatre minutes, on peut bien prendre le temps de faire le pitre  sur scène. Julian nous amène chez lui comme à la maison et quand il envoie enfin la chanson suivante, la machine répond au quart de tour: impressionnant.

Aurait-on souhaité un show millimétré à la The Foals ? Les Strokes ne font pas dans la dentelle et ne caressent pas le public dans le sens du poil. En contrepartie ils nous invitent à une sublime répète décontractée dans leur studio. Mais finalement un bon concert, c’est comme une bonne recette de cuisine un seul ingrédient qui détonne et la sauce peine à prendre. Ici ce sera la façade son du festival défaillante qui nous servira des craquements sur quelques titres dès la moitié du concert. Dommage pour un festival de cette ampleur et un concert qui devait être le clou du festival et sera pour finir un poil décevant mais on le doit plus à des soucis techniques qu’aux Strokes. Un poil irrités, ils ont pris congé du public bien vite, affichant un certain mépris finalement assez rock’n’roll. On quitte le terrain un peu perplexe en se demandant qui prend le dessus, entre un show authentique et décontracté, des soucis techniques impardonnables et une désinvolture finale toute strokienne.


Rédaction : Charly
Relecture : OSS
Crédits photos : Rock en Seine
Publié le 1er septembre 2023
Mis à jour le 4 septembre 2023 à 16h56

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