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CultureExposLa Quotidienne

Non, le Salève n’est pas la « montagne des Carougeois »

Céline | 4 avril 2024

Une exposition entière dédiée au Salève ? Pourquoi pas ! Cette grosse bosse qui nous surplombe, à force, on s’y est tous un peu attaché, non ? Mais le Salève, montagne des Carougeois ? Non, non, non, ça définitivement, je ne pouvais pas le tolérer.

Tous les matins, que je le veuille ou non, ses falaises se dressent devant ma fenêtre. Les bons jours, j’aime observer les parapentistes qui se jettent depuis son sommet ou guetter ses premières neiges ; les mauvais, je vois que son flanc éventré et sa forme de baleine apathique m’agace. Pour m’évader, j’imagine alors les Dolomites ou la Cordière des Andes s’élever majestueusement devant moi.

Ou à l’inverse, rien du tout. Un plateau infini parsemé d’oliviers jusqu’à la Méditerranée… Est-ce qu’avec un horizon totalement dégagé, les Genevois auraient été moins râleurs ? Voilà, le genre de réflexions qui me taraude à mes heures perdues et qui me font déclarer haut et fort que non, le Salève n’est pas carougeois. Le Salève est à tout le monde.

Ça ce sont les vraies raisons qui m’ont incité à pousser la porte du musée de Carouge. Je vous le dis à vous, mais sur place j’avais tout de la visiteuse lambda. J’ai salué poliment la dame au guichet, qui m’a elle-même rendu un sourire, et j’ai pris sans broncher le prospectus qu’elle me tendait.

Ma ronchitude passée, je dois admettre que j’ai fait le plein d’anecdotes. Tout d’abord la légende de l’origine du Salève. Elle remonterait à Gargantua. De passage dans la région, le célèbre personnage de Rabelais aurait creusé de part et d’autre du Rhône pour avoir un plan d’eau suffisamment vaste pour étancher sa soif légendaire. En déposant les déblais de ses grosses paluches sur la rive gauche du fleuve, il aurait alors déclaré : « Ça lève ».

Notre « vilain rocher », comme l’appelait Stendhal, a par ailleurs inspiré de nombreux auteurs. Il fait partie des sommets européens les plus décrits dans la littérature. Plusieurs personnalités y ont séjourné comme Victor Hugo, Alphonse Lamartine ou même Sissi. Le compositeur Richard Wagner y aurait également achevé sa célèbre Walkyrie lors d’un séjour en 1856 pour soigner des problèmes de peau. Quant à Verdi, il s’est marié en cachette avec sa maîtresse à Collonges en 1859.

Au total, 5 salles du musée sont consacrées au Salève. Les trois premières présentent des gravures, dessins, peintures et lithographies d’artistes du 19ème à aujourd’hui. Telle un mannequin, le mont savoyard est immortalisé sous toutes ses coutures : de face, de demi profil, de profil, d’en bas, d’en haut.. bref, on fait une orgie de Salève !

La plupart des œuvres sont de petits formats. Sur beaucoup, on voit le pont de Carouge au premier plan. En deux siècles, l’ouvrage n’a pas bougé. Les bords de la rivière ont par contre passablement évolué. Les rochers des rives ont laissé place aux murs de canalisation du cours d’eau.

Plusieurs planches ont été effectuées par des artistes genevois actuels. Exem a par exemple dessiné le téléphérique avec un énorme lion affalé sur la cabine rouge. Tom Tirabosco a réalisé une vue du Salève depuis Jussy dans des tons verts. Quant à PanpanCucul, il est l’auteur d’une gigantesque fresque participative sur une ardoise. Chacun peut y écrire ce qu’il veut.

On y découvre principalement des illustrations, mais il y a aussi toute une salle dédiée à l’escalade. Le Salève est effectivement connu pour être le berceau de l’Alpinisme. Ses deux gorges, la grande et la petite varappe, ont d’ailleurs donné le nom à cette discipline. Plusieurs vitrines font honneur au bijoutier-sertisseur passionné de montagne Félix Genecand, dit Tricouni. C’est notamment à lui qu’on doit l’invention des chaussures cloutées qui permettent de gagner en adhérence sur les parois très raides. Des cartes, des albums photos en noir et blanc, les fameuses chaussures, une ancienne publicité ou encore des livres de randonnées retracent le parcours original de cet inventeur carougeois.

Et au centre de cette pièce, il y a une magnifique maquette du Salève d’environ 5 mètres de long. On voit les arbres, les maisons, les vaches, le téléphérique, les parapentistes et même la fameuse croix de Savoie peinte à même la roche. Honnêtement, j’aurais bien ressorti mes playmobils pour jouer une demi-heure.

L’exposition est plaisante, j’avoue. Il y a un côté sympa à ré-explorer un lieu de notre quotidien, c est un mélange de connu et d’inconnu. On se laisse surprendre par certaines histoires insolites ou détails étonnants d’une œuvre.

Mais, au-delà du titre de l’expo, qui est totalement scandaleux, je l’ai déjà dit, je trouve qu’aborder le Salève uniquement du point de vue carougeois a ses limites. C’est peu représentatif de ce que cette montagne symbolise pour l’ensemble de la population genevoise. Et aussi de son influence sur la région entière. Le musée aborde beaucoup de thématiques, mais de manière superficielle. Il est vite restreint par l’angle qu’il s’est lui-même imposé. La construction du téléphérique, les enjeux économiques de la montagne, la vie de ses habitants, ou encore les aspects géologiques sont par exemple complètement survolés alors que personnellement, j’aurais bien voulu en savoir plus.

Au final, je suis ressortie de l’exposition effectivement amusée, mais aussi un peu frustrée. Mais le point positif dans tout cela, c’est que ça laisse la place à une prochaine exposition : Le Salève, montagne des Genevois. Et là, je vous promets d’avance une chronique dithyrambique !

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Chronique : Céline
Animation : Emma
Réalisation : Sébastien
Crédit image : PanpanCucul
Première diffusion antenne : 13 mars 2024
Mise en ligne : Valérie
Publié le 4 avril 2024

Une publication de Céline


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