Métal Hurlant, nouveau départ
Métal Hurlant, mythique magazine de BD de science-fiction des années 80 revient sous une nouvelle formule.
Fin 1974 : trois transfuges du magazine Pilote décident de monter leur propre revue ; ils veulent défricher de nouveaux terrains en bande dessinée, en particulier la science-fiction et le fantastique. Parmi ces agitateurs graphiques, deux dessinateurs – Moebius et Phillipe Druillet – et un scénariste/chroniqueur/scribouillard à tout faire, Jean-Pierre Dionnet. Le temps de s’adjoindre un dernier compère, un financier, et ils fondent Les Humanoïdes Associés, une maison d’édition qui existe toujours, et, donc, la revue Métal Hurlant. Le premier numéro paraît en janvier 1975, et déjà on y trouve une pépite : Arzach de Moebius, une histoire sans parole dont l’univers rétrofuturiste en a époustouflé plus d’un …
Le nouveau magazine démarre assez discrètement, mais il trouve rapidement sa vitesse de croisière. Moebius et Druillet fournissent des planches ; Dionnet, lui, il ratisse la scène BD de l’époque – en France, en Europe et aux USA – pour persuader des talents émergents ou confirmés de rejoindre son équipe …. et ça, même si leur travail n’a rien à voir avec la SF. Au final, Métal Hurlant devient une sorte de fourre-tout de la BD underground, où se croisent des planches de styles très divers, et où une merveille peut côtoyer un pétard mouillé.
Toute une génération – masculine surtout – sera marquée par l’esprit Métal : le magazine sera décliné en différentes versions dans plusieurs pays d’Europe et jusqu’aux Etats-Unis, où la revue Heavy Metal paraît d’ailleurs toujours aujourd’hui. L’influence de Métal a aussi été énorme sur le monde du cinéma : George Lucas et Ridley Scott, par exemple, étaient de grands fans de la version américaine de la revue. Blade Runner est d’ailleurs clairement inspiré d’une histoire courte de Moebius et O’Bannon, The Long Tomorrow. Et pourtant … malgré ce statut de pilier de la pop culture, dès 1984 la revue décline petit à petit, et elle cesse de paraître en 87. Depuis, on ne la trouvait plus que chez les puciers et les collectionneurs.
Mais … surprise ! L’automne dernier, une nouvelle version de Métal Hurlant a vu le jour : un gros mook trimestriel de presque 300 pages, consacré évidemment à la SF. Avec une particularité : une fois sur deux, on découvrira un numéro « création », centré sur un thème particulier et contenant des BD inédites. Et la fois suivante, on aura droit à un numéro « vintage », composé d’histoires sélectionnées parmi celles publiées dans les années 80.
Le premier numéro présentait des nouveaux auteurs, et le numéro deux, sorti il y a quelques semaines, c’est le premier des numéros vintage.
Bien sûr, ce Métal vintage s’adresse d’abord aux purs fans de SF ou aux bédéphiles forcenés. Mais une immersion dans la SF avant-gardiste d’il y a 30 ans, c’est pas inintéressant … on constate par exemple que si le présent a pas mal changé, les interrogations et les peurs sur le futur restent en gros les mêmes.
En tout, on trouve 22 histoires dans ce numéro, de niveaux variables, en noir et blanc ou en couleurs. Elles sont signées de noms comme Mézières, le dessinateur de Valérian et Laureline, Bilal, Caza, Druillet, Crumb, Ted Benoît, Schuiten et d’autres, la plupart encore en culottes courtes ou presque. On n’y trouve que deux filles, Chantal Montellier et Nicole Claveloux, dont les histoires sont parmi les meilleures du recueil. Et puis … il y a surtout une BD qui a marqué son temps, seize pages couleurs signées Moebius et Dan O’Bannon qu’il faut avoir lues une fois dans sa vie au moins : The Long Tomorrow. J’en a déjà parlé tout à l’heure, en disant que c’était la matrice de Blade Runner. Les ficelles classiques du polar y sont recyclées dans un univers futuriste cyberpunk : détective privé, affaire louche à résoudre, belle pépée, flic robot, espion arcturien, double androïde, poursuite, coup de feu et scène de plumard, tout est réuni pour un pur moment de plaisir régressif. C’est Moebius au sommet de son art et en train de créer un monde qu’on va retrouver ensuite dans sa série mythique l’Incal.
Le retour de Métal Hurlant, création ou vintage, c’est une excellente nouvelle. Pour toute la galaxie.
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