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CultureExposLa Quotidienne

L’image revenante: de l’art contemporain au musée Rath

Michaël Rolli | 12 janvier 2025

Pour cette rentrée 2025, je me suis rendu au Musée Rath pour découvrir la nouvelle exposition « L’image revenante ».

Eh oui, j’ai l’impression que les fêtes de fin d’année, c’est le meilleur moment pour trouver des sujets, autour de débats bien houleux avec une bouteille de vin et d’une bonne raclette. Et chez moi, on a justement parlé d’art contemporain. Alors, j’avoue j’ai pas lu le top trois des sujets à ne pas aborder à Noël, et lui est particulièrement touchy. Au premier verre, c’est souvent très gentil, on affirme seulement que l’art contemporain se résume à un tableau blanc avec un trait violet dessus. À la première bouteille, on devient critique d’art et on débat sur une banane scotchée à un mur. Et lorsque le fromage est fini, on conclut avec la fameuse phrase : « toute façon l’art contemporain c’est que pour des initiés ! ». Et moi, je me suis demandé : et si l’art n’était pas seulement une histoire de codes visuels et d’évocations d’œuvres avec lesquels on s’amuse ? Pourquoi n’importe quel tableau religieux ça passe toujours ? C’est peut-être parce que nous avons dans notre tête des codes inconscients de ce qui s’est imposé comme l’Art avec un grand A. Et que pour l’art contemporain, c’est peut-être le temps d’en faire une mise à jour !

Et ça tombe bien, le Musée Rath nous aide à la faire !

Pour son exposition « L’image revenante », le MAH s’est associé à la fondation de la Caixa, qui est la première collection d’art contemporain d’Espagne et une référence en Europe. Les deux institutions nous proposent un parcours autour de 18 œuvres d’artistes assez célèbres, comme Cindy Shermann, Vanessa Beecroft, Mike Kelley, et c’est aussi l’occasion de découvrir des artistes majeurs de la scène ibérique comme Antonio Saura.

Alors, pourquoi voir cette expo ?

Eh bien la réponse est dans son titre : « L’image revenante ». Ça évoque un retour vers le passé, mais ici c’est surtout un dialogue entre tradition et modernité. En fait, les 18 œuvres qui ont été sélectionnées démontrent de l’importance chez les artistes contemporains des codes et des images existantes dans l’histoire de l’art. Ici, ces canons qui sont bien gravés dans nos imaginaires occidentaux sont remis en question, des fois en étant carrément évoquées et, d’autres fois, en étant complètement effacées.

Et l’expo nous accompagne plutôt bien.

On commence par une œuvre monumentale qui est une grotte de Mike Kelley, artiste américain disparu en 2012. Pour la voir, il nous oblige à nous prosterner devant la force des images. Donc pour y entrer, on se met à genoux et on endosse le même rôle que celui des esclaves dans la caverne de Platon. Comme eux, on ne peut plus voir que des reflets et des ombres de ce qui existe. Quand on quitte la grotte, on se balade vers les artistes qui font référence aux codes établis, qui nourrissent donc la survie des images. Ici, on trouve toutes les références religieuses, comme avec les Black Madona de Vanessa Beecroft ou bien l’œuvre de Cindy Sherman qui fait sensation. L’artiste américaine, connue pour ses autoportraits photographiques déformés, dans lesquels elle interroge l’identité, s’inspire cette fois des codes de la peinture religieuse en se mettant elle-même en scène à la manière d’une Judith biblique. Résultat ? Une photo troublante qui donne l’impression d’une véritable peinture. Dans une autre section du musée, on découvre au contraire ce qu’il se passe lorsque les images disparaissent. Ici, autre ambiance : des cadres vides, des socles sans sculptures ; c’est l’absence de clés de lecture qui prend le dessus. En gros, une invitation à réfléchir sur ce qui est absent, sur ce que notre mémoire ou notre imagination veut bien y mettre.
Et dans notre mise à jour, on ne peut évidemment pas oublier celui qui est considéré comme le père de l’art contemporain !
Il faut dire que ce qu’on voit aujourd’hui dans les centres d’art s’appuie sur des codes qui sont bien plus récents que ceux des églises de la Renaissance. En fait, beaucoup d’artistes actuels font référence aux travaux du français Marcel Duchamp qui avait, dans la première moitié du XXe siècle, complètement déstructuré les codes préétablis. Et c’est celle-là, la mise à jour qui est souvent manquante. Alors ça tombe bien, le rez-de-chaussée du Musée Rath y est consacré ! Franchement, c’est rare de voir du Duchamp à Genève et là il y a par exemple sa célèbre boite-en-valise qui est en fait un musée portatif et une reproduction de son célèbre Grand Verre ! On voit également des suiveurs de son travail et on entend aussi l’installation de Pavel Büchner qui est faite de 78 haut-parleurs diffusant un poème dadaïste donc dénué de sens.

L’expo est comme une porte d’entrée dans l’art contemporain.

En tout cas c’est une première pierre, puisqu’au Musée Rath on nous pousse à reformer notre bibliothèque d’images et à nous questionner sur leurs forces dans notre quotidien. Les images sont puissantes et je pense que des exemples, il en existe beaucoup, il suffit de citer le fameux banquet de Bacchus évoqué lors de l’ouverture des JO. Et pour une expo sur l’importance des icônes, rien de mieux, que de la faire à Genève, capitale de la Réforme qui a tant questionné le pouvoir des images sacrées et profanes.
Alors, pour celles et ceux qui ne comprennent rien à l’art contemporain, mais aussi pour les amateurices, l’expo « L’image revenante » est une aubaine pour approcher cet art souvent trop hermétique ! ET pas d’excuse, c’est jusqu’au 13 avril 2025 au Musée Rath. Et en vrai, n’oublions pas, une mise à jour en art, c’est comme une nouvelle IOS, des fois, il ne faut pas chercher à tout comprendre, mais simplement faire croire qu’on est à la page !
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Chronique : Michaël
Animation : Emma
Réalisation : Laure et Lyès
Crédit image : Irina Poppa
Première diffusion antenne : 8 janvier 2025
Publié le 12 janvier 2025

Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast

Une publication de Michaël Rolli


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