Les Barbares, une comédie qui ne va pas au bout de ses idées
Les temps sont durs et j’espérais parler d’une bonne petite comédie sympatoche (oui j’ai bien dit sympatoche). C’est pourquoi le nouveau long métrage de Julie Delpy, « Les Barbares » paraissait le film parfait. Vous avez peut-être vu son affiche qui rappelle – malheureusement diront certains – les plus grandes productions franco-franchouillardes avec Dany Boon et consorts. Mais rassurez-vous, les films de Julie Delpy – une actrice et réalisatrice française vivant en Amérique depuis de longues années – sont généralement frais, pétillants et très souvent malins et intelligents. On peut notamment citer ses précédents longs métrages comme « Two days in Paris », « le Skylab » ou encore « Two days in New York ». Autant dire que ce nouveau film m’enchantait… mais il est vrai que mon cerveau avait mis de côté ses dernières réalisations un peu moins enthousiasmantes et notamment sa série pour Canal+ « On the verge ».
Les Barbares est une comédie que certains qualifieront de grinçante. Le pitch est assez simple : sous l’impulsion du maire et d’une professeur d’école, un petit village breton décide d’accueillir une famille de réfugiés ukrainiens. Tout le monde est ravi, on leur prépare une gentille maisonnée, un accueil chaleureux, mais au final – catastrophe – arrive une famille syrienne. A partir de là, Julie Delpy joue sur les différences culturelles et les peurs et rancœurs que peuvent susciter l’arrivée d’une famille de réfugiés arabes dans un petit village franchouillard. D’où le nom du film les Barbares. En effet, selon mes lointains cours de latin/ grec, les barbares étaient appelés ainsi pour désigner de façon péjorative l’étranger. Étranger évidement cruel et sauvage car parlant un dialecte bizarre que l’on ne comprend pas. L’idée est belle, et évidemment toujours actuelle, de dénoncer le racisme ordinaire, la crainte de l’étranger et si possible montrer que le vivre ensemble est toujours possible et souhaitable.
Les Barbares possèdent de nombreux atouts comme un super casting – on retrouve Laurent Laffite, Sandrine Kiberlain, Ziad Bakri ou encore India Hair. Il y a également un sujet fort permettant au film d’aller vers l’humour, l’émotion et la réflexion. Et globalement, ce long métrage arrive à tirer parti de ces acteurs pour montrer tantôt le ridicule et la dangerosité du racisme ou encore la détresse de gens qui ont tout perdu et qui doivent s’adapter à un environnement difficile. Néanmoins, c’est partiellement réussi car on rit finalement peu, et l’émotion peine à se développer. Il faut voir que la tonalité du film est plus celui de la fable, de la satire, avec des personnages caricaturaux et un scénario fait de grosses ficelles. Côté personnages, le village semble composé uniquement d’idiots finis :
– un plombier virant fachosphère
– un gérant de supermarché pleutre couchant avec la charcutière
– un maire opportuniste et gentillet
– un vieil anarchiste misanthrope
-un policier pas très malin fan de Johnny
Voilà pour les hommes du village. Pour les femmes ce n’est pas vraiment mieux, Sandrine Kiberlain joue une femme alcoolique trompée par son mari, India Haïr une infirmière simplette. Le seul beau rôle concerne Julie Delpy qui campe l’institutrice un peu raide, la seule personne du village dont le sort des réfugiés importe vraiment. C’est donc difficile de passer 1h45 avec autant de personnages si peu aimables. Par ailleurs côté scénario, certains rebondissements – notamment la fin dont je ne dévoilerai évidemment rien- semblent complètement déconnectés du reste du film. Et ce côté loufoque, un peu rêveur, qu’on aimait dans les films de Julie Delpy sonne ici à côté de la plaque, comme s’il relevait plus de la recette que d’une nécessité.
Je suis un peu dur mais c’est à la hauteur de l’attente que j’avais pour le film. Le sujet est intéressant et Julie Delpy une bonne réalisatrice mais le film reste au niveau d’un téléfilm. Si on est de bonne humeur, ça se regarde et, si on s’endort et qu’on ne voit pas la fin, ce n’est pas trop grave. Surtout, je trouve que Julie Delpy n’arrive pas à tirer profit du côté humoristique et cathartique de son sujet. Premièrement, sa vision d’un village à la campagne est complètement déconnectée de la réalité : c’est droite / extrême-droite, 100% blanc et replié sur lui-même, une vision très années 50 qui démontre a minima une méconnaissance de la réalité voire une certaine condescendance parisienne. C’est dommage. Par ailleurs, pour faire une bonne satire, il est nécessaire d’aller là où ça gratte vraiment. Or, comment traiter le problème du racisme et de l’incompréhension entre cultures en omettant complètement la religion? Côté breton, comme côté syrien, les religions sont complètement absentes du film. Or s’il y a bien un sujet à traiter autour du racisme envers les étrangers c’est bien celui de l’islamophobie, et cela aurait été beaucoup plus fort tant du point de vue de la comédie, que de la dénonciation du racisme. Et cela aurait été encore plus beau concernant le vivre ensemble. Ici le film a eu peur de son sujet et reste donc superficiel, à se moquer de gens un peu simplets qui rejettent l’arrivée d’un architecte, d’une médecin et d’un poète syriens dans le village… ce qui est avouons-le assez peu crédible.
Les Barbares peut se regarder grâce à quelques bons passages liés à l’interprétation des acteurs. Cependant, le film manque globalement sa cible avec un scénario creux et une réalisation en demi-teinte – le film n’est tout simplement pas très drôle. Si vous avez 1h30 devant vous regardez plutôt Two days in New York avec Chris Tucker ou le Skylab avec Vincent Lacoste, et vous verrez quels bons films peut réaliser Julie Delpy… quand elle est inspirée.
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Chronique : Johan M.
Animation : Emma
Réalisation : Alexis et Marlon
Crédits photos : Frenetic
Première diffusion antenne : 23 septembre 2024
Mise en ligne : Johan
Publié le 27 septembre 2024
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