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CultureLa QuotidienneThéâtre

Le Théâtre c’est (dans ta) classe

Pierre | 11 février 2021

Lola :
« Pierre, tu vas nous parler de deux des rares spectacles qui se jouent en ce moment dans les Cycles d’Orientation et dans les collèges.
Il s’agit d’une production du théâtre Am Stram Gram et des Scènes du Jura.
Une idée initiée par Fabrice Melquiot et qui en est à sa 9e édition.
Le dispositif s’appelle : « Le théâtre c’est (dans ta) classe »
Avec une parenthèse pour entourer les mots « dans et ta ».
Pourquoi cette parenthèse ? »
Pierre:
Cette parenthèse offre un double sens.

On peut entendre que le théâtre viendra dans les classes des collèges.
Cette idée de sortir des lieux dévolu à la culture rappelle la décentralisation des théâtres dont Jean Vilar fût l’un des pionniers.
Mais aussi si l’on fait abstraction des mots entre parenthèses On peut entendre le théâtre c’est classe. Il y a bien évidemment l’idée que c’est super mais aussi le concept que le théâtre ne s’adresse pas qu’à une élite de nantis.
Cette parenthèse peut être perçue comme une rupture du quotidien programmé des apprentissages. C’est un moment ludique qui a volonté de réveiller les esprits.
Que verront Les collégiens ?
Les auteurs ont eu soin d’aborder des thèmes qui pourraient faire sens sur leur jeune public.
Deux pièces ont été commandées.
La première écrite par
Pauline Sales interroge la non-binarité sexuelle ou comment on peut souhaiter éviter d’être défini comme homme ou femme, comment on peut considérer cela comme une prison. À l’époque de l’écriture inclusive, elle interroge le déterminisme de l’identité sexuelle.
Extrait

C’est difficile de se rebaptiser. De se renommer.
Il va falloir que tu fasses le deuil de ta fille, j’ai dit à ma mère.
Qu’est-ce que tu racontes ?
Quand j’entends les témoignages des parents, c’est toujours ça qui revient, j’ai fait le deuil de mon enfant dans son sexe d’avant.
Tu es vivante ou vivant. Vivante et vivant. Tu es en vie, voilà, tu es en vie. Je ne fais pas le deuil de toi, ni de la fille que tu aurais pu être. N’importe quoi. Pas plus chez toi que chez ton frère. N’importe quoi. On a tous en tant que parent un enfant qui n’existe pas, parallèle à l’enfant qui grandit devant nous. Cette différence, ce décalage, il est là pour tous les enfants.

Voilà qui invite à de beaux débats
J’ai oublié de préciser que les monologue durent une trentaine minutes Et que le reste du temps est dévolu à la discussion.
Cette pièce est jouée en alternance par Lola Roskis Gingembre et Juliette Donner dans une mise en scène de Christophe Vincent
La seconde pièce écrite par Pierre Romanens évoque les amours adolescentes à travers le prisme de Roméo et Juliette. La pièce se nomme Matéo et Giulia et se déroule ici et aujourd’hui.

Extrait

Je vais te parler du pire de nos jeux, de loin le pire. Tu sais ce que j’ai fait ?
J’ai chopé le natel de mon père et je lui ai refilé.
Provisoire. Pour jouer.
Je lui ai dit : t’inquiète, vas-y.
Elle a filé chez elle, je l’ai appelée en visio.
– Tu me vois ? Tu sais pas ce qu’elle me répond ?
– Je vois surtout le gros tonbou d’acné sur ton nez.
– On dit qu’on se retrouve après un long périple ? Giulia adore les périples.
– Un voyage à des milliers d’années-lumière et plein de poussières, c’est ça ?
Je lui dis qu’on doit les sauver de la mort. – Qui ça ? Elle réplique.
– Ben Roméo et Juliette.
– Ils sont dans l’espace ?
– Tout le monde est dans l’espace, Giulia. C’est un seul espace pour tout le monde. Comment on se parlerait sinon ? Allo, allô, ici station spatiale douze-douze en provenance d’Alpha Venetia. Demande autorisation d’alunir, Captain Mateo aux commandes, phase d’approche en cours.
Et là, Giulia, elle dit : « Attention, vous prenez trop de vitesse, vous risquez de tuer la lune jalouse, qui déjà languit et pâlit de douleur» Elle dit ça ?
– Non, elle dit que tu vas t’écraser comme une merde. – Pas de panique, je freine, ça chauffe un peu…
– C’est juste que cela me ferait de la peine si…
– Si quoi ?
– Si l’amour devenait une fumée de soupirs.
– Alors, qu’il devienne étincelle, flamme, brasier.
– Je ne vous entends plus, cendres astrales, communication interrompue…
– Je vais m’écraser, sauvez-moi, au secours ! « Mon âme pressent qu’une amère catastrophe, encore suspendue à mon étoile, aura pour date funeste cette nuit… »
– Tu parles chelou.
– Je parle Shakespeare.

Cette pièce est interprétée en alternance par deux comédiens formidables PIERRE-ANTOINE DUBEY et PATRICE BUSSY
Dans une mise en scène tout en finesse de Nathalie Cuenet

Pour conclure je vais citer un message de Fabrice Melquiot en 2008

Le théâtre est le seul endroit au monde où on peut parler de choses profondes, contradictoires, mystérieuses, ambiguës, violentes et douces, drôles et tristes, et donner une forme à des sentiments, et se demander ensemble pourquoi toutes ces choses existent, ces sentiments, ces sensations, cette forme singulière qu’ont les souvenirs et les rêves ; et qu’est-ce qu’on en pense, et c’est quoi la place de chacun ? C’est quoi la pensée de chacun ? Combien d’imagination me faut-il pour bien voir la réalité ? Ah bon, il faut imaginer pour voir ? Et oui. Parce que mémoire et imagination, rêve et réalité, s’adressent sans cesse la parole et toujours se mélangent.

Merci Fabrice Melquiot

Une publication de Pierre


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