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La QuotidienneMusique

Le cas singulier de Panchiko et de son D>E>A>T>H>M>E>T>A>L

Julian | 18 octobre 2023

Tout commence en 2016. Alors qu’il flâne dans le bac à cd d’une friperie, un mélomane tombe sur un disque énigmatique… la jaquette : le visage d’une jeune fille ayant l’air bien sérieuse; le titre : D>E>A>T>H>M>E>T>A>L, de Panchiko. Une fois le mystérieux objet dans son lecteur, notre protagoniste se retrouve plongé dans un brouillard de bruit ; le CD est endommagé.

Le peu de musique qu’il a pu en discerner l’a suffisamment intrigué pour aller à la pêche aux infos sur le net. Rien sur le groupe. Pas même une vieille page MySpace. Et dans le livret, seuls les prénoms des musiciens : Owain, Andy, Shaun, et John.

L’œuvre et sa propre curiosité sont en train de lui lancer un défi. Il se connecte sur 4Chan et poste sa trouvaille, suivi d’un message, d’un appel : « Hello ! Est-ce que quelqu’un sait quelque chose sur cet album ? ». Ça ne dit rien à personne. Mais le peu qu’il restait de l’œuvre moribonde intrigue… Et cette jaquette ?… D’où vient elle ? Tous voulaient en savoir plus. C’est ainsi qu’a débuté la recherche du groupe Panchiko, qui durera quatre ans.

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D>E>A>T>H>M>E>T>A>L est un double EP : la première partie comprend les quatre morceaux du disque découvert par notre internaute en 2016. La seconde nous dévoile trois titres jamais sortis. Tous ces sons datent de l’an 2000.

Le premier titre parle d’un amour déçu. L’instru combine samples de musique des années 30 avec des claviers et une batterie lancinante. Perso, j’aime beaucoup ce qu’ils ont fait avec la phrase « don’t play the track please ». Ils repètent la première syllabe pour donner un effet de solo rythmique : « D- d- Don – D- D- Don’t play the track please ».

Dans un autre style, « Stabilisers for Big Boys » se distingue par ses guitares saturées, et son crescendo particulier : l’arrangement monte en intensité, on sent que ça va exploser, et on revient au début. ça maintient une tension qui nous met sur le qui-vive !

Puis on passe à « Laputa », une balade folk inspirée du film « Le Château dans le Ciel » de Miyazaki, dont les paroles traitent de nostalgie. Enfin, « Eyes of Ibad » reprend un arrangement trip-hop psychédélique, avec un pattern de drums lent, mêlé à un bel arpège du guitariste. Moi, ça m’évoque une balade nocturne en ville la nuit ; j’ai toujours associé cette musique à ce genre d’atmosphère.

Viennent ensuite « Cut », « Sodium Chloride » et « Burning Cars », au style bien plus rock alternatif, voire même britpop de la fin des années 90. On y retrouve des éléments électroniques, mais ceux-ci rappellent plutôt ce que Radiohead faisait à cette époque. D’ailleurs, le chanteur fait son meilleur pastiche de la voix de tenor de Thom Yorke période années 90.

Sur les quatre premiers morceaux, ce disque fait très « premiers tâtonnements d’enregistrement ». Le mix est approximatif et la voix du chanteur – pas toujours juste d’ailleurs – est en dessous de l’instru. Comme si elle était timide. Comme si elle se cachait. C’est paradoxalement ce qui donne à ses titres une atmosphère et un charme caractéristique du lo-fi.

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Aux alentours de 2020, Owain Davies reçoit un message, sur un groupe Facebook qu’il pensait inactif: « Bonjour ! Êtes-vous bien le chanteur du groupe Panchiko ? » Lui, pour le moins interloqué, répond : « Ouais… ? »

Il avait formé ce groupe avec trois amis d’enfance de Nottingham. A l’aube de leur vingtaine, c’était des enthousiastes, inspirés par leurs idoles, Radiohead ou Massive Attack. Des mélomanes qui voulaient faire la musique sans compromis, enregistrant avec les moyens du bord… En somme, des musiciens comme on aurait pu l’être, vous et moi.

Les compères ont pressé juste assez d’exemplaires de leur EP pour les distribuer à des membres de leurs familles, et à des labels, histoire de tenter leur chances. Sans résultat. Finalement, les circonstances de la vie ont fini par séparer le groupe ; les comparses se perdront de vue pour 16 ans. Il aura fallu le coup de pouce d’internautes suffisamment curieux et fêlés pour passer internet et la Terre entière au peigne fin afin de retrouver leur piste…

Depuis, les amis d’enfance, Owain Davies, Andy Wright, Shaun Ferreday et John Schofield ont reformé Panchiko, et ont sorti un nouvel album, « Failed at Maths ». Ils sont en ce moment en tournée européenne.

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Les quatre derniers morceaux sont labélisés par le suffixe ROT (pourri ou corrompu en français). En fait, il s’agit de ce qui s’écoutait dans la trouvaille d’origine. Ça démange les tympans à la première écoute, mais une fois habitué, très curieusement, je me suis senti flotter dans au beau milieu d’un océan de bruit. Si vous êtes curieux, essayez!

D>E>A>T>H>M>E>T>A>L de Panchiko est un curieux bijou de lo-fi et de rock alternatif, avec en rab les morceaux du cd d’origine dans toute leur gloire bruitiste. A travers son histoire, cet album nous rappelle à quel point la musique peut toucher ceux qui l’écoutent. Et que quelqu’un, quelque part serait prêt à remuer ciel et terre pour aller à sa rencontre.

Note du chroniqueur: Dans le podcast, pour des raisons de simplicité, le nom du groupe est prononcé « Pachinko » (machine à sous japonaise d’après laquelle le groupe voulait se baptiser avant de commettre une faute de frappe).
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Chronique : Julián
Animation : Emma
Réalisation sonore : David et Léo
Première diffusion antenne : 10 octobre
Crédit photos : Panchiko
Publié le 18 octobre

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Une publication de Julian


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