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La Montagne de Thomas Salvador sort cette semaine à Genève aux Cinémas du Grütli et un peu partout en Suisse romande.

Vous avez peut-être déjà entendu parler de Thomas Salvador en 2015 lors de la sortie de son premier long-métrage, « Vincent n’a pas d’Ecailles ». Depuis, eh ben pas grand chose en terme de produit cinématographique, si ce n’est ce film, qui mûrit en lui depuis bien longtemps. C’est qu’avant de se consacrer au cinéma, Thomas lorgnait déjà sur une carrière de guide. La réalisation de « La Montagne » correspond donc à un retour aux sources personnel. Il y incarne d’ailleurs lui-même le personnage principal, Pierre, quarantenaire réservé et ingénieur en robotique. Arrivé à Chamonix pour présenter le mécanisme dernier cri de la boîte, un moment d’absence le traverse. En plein colloque, son regard est irrémédiablement absorbé par la paroi enneigée qui se dresse derrière la fenêtre. Alors que ses collègues rentrent sur Paris, il fait le choix de rester quelques jours de plus. Une tente, deux piolets et une paire de crampons achetés plus tard le voici qui prend la tangente en mode verticale. Sa fièvre alpine grimpe aussi vite que le téléphérique vers l’Aiguille du Midi. Là-haut, la magie opère. Le tendre et taiseux Pierre est saisi par la proximité sublime des sommets. Il se « sent bien » dit-il, et ne veux plus redescendre.

Alors on l’entend, d’autres personnages relient encore Pierre au monde d’en bas. Il y a sa famille, qui débarque inquiète pour lui signifier qu’il part peut-être un peu en couille et il y a Léa, jouée par Louise Bourgoin, qu’il rencontre sur la terrasse du restaurant panoramique dont elle est la cheffe. Il trouve en elle une complice, un ange gardien. C’est grâce à ses aller-retours en ville qu’il peut rester bivouaquer sans mourir de faim au-dessus du glacier. Là, dans le silence immaculé du Mont-Blanc, Pierre va petit à petit s’installer et s’oublier dans le grand tout.

J’ai différentes hypothèses qui expliqueraient la raison de cette rupture chez Pierre : Soit Pierre est prédestiné par la signification minérale de son prénom, à vivre une aventure fusionnel avec la roche. Logique. Soit il est dépressif, et dans ce cas, l’expérience de l’altitude l’attire, avec la promesse de redonner sens à sa vie. Plus sérieusement, difficile à dire quel est l’élément déclencheur de son échappée. Toujours est-il qu’un matin de grand fracas, il est spectateur de l’effondrement d’un pan de montagne. Un nuage de poudre gris lévite dans le ciel bleu à l’endroit de sa disparition. L’évènement vient parachever l’envoûtement de l’alpiniste en herbe pour les cimes. Ses pas vont immanquablement l’amener sur les lieux de l’éboulement. À mesure qu’il s’imprègne des flancs du massif, sa perception du territoire change. Le film glisse alors vers le fantastique. Ondulations lumineuses et créatures incandescentes deviennent les intermédiaires d’une rencontre entre Pierre et l’énigme géologique. L’organique et l’inorganique se fondent. Pour rendre au mieux l’expression de la matière, Thomas Salvador a réalisé les quelques effets spéciaux essentiellement au moment du tournage. En parlant du tournage Alors, moi qui travaille dans la production de film et qui tâte la falaise à mes heures perdues, je peux vous dire le film m’a donné quelques sueurs froides. Quand on sait qu’au dessus de 3’000 mètres l’immobilité peut être fatale, on imagine la préparation béton de l’équipe. Ça tombe bien, plusieurs membres avaient la double casquette de technicien.ne.s et de guide.

Il faut dire que les images enregistrées sont à couper le souffle. Sous toutes les lueurs du jours, elles reflètent de manière très juste les proportions vertigineuses et insaisissables du terrain alpestre. D’ailleurs c’est une des qualité du film je trouve, cette aptitude à rester à hauteur de montagne, à respirer avec elle. Une des intentions de Thomas Salvador était de préserver à l’écran ce rythme naturel, presque physiologique, qu’implique l’apprivoisement amoureux ou environnemental de deux entités. C’est la temporalité incompressible l’émerveillement.

« La Montagne » avec sa simplicité et sa sincérité est un film rafraichissant. Il faut souligner aussi qu’il réussi à aborder de front la question écologique, sans artificialité. Personnage fondamentalement attentif, Pierre prend intimement la mesure de la fonte des glaciers et de l’effondrement du rocher. Transformé en luciole, il éclaire de sa petite lumière l’ampleur du drame.

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Chronique : Emilie
Animation : Zebra
Réalisation : Niels
Première diffusion antenne : 15 février 2023
Crédits photos : Le Pacte
Mise en ligne : Emilie
Publié le 16 février 2023

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Une publication de Emilie


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