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La QuotidienneMusique

La Femme aurait-elle abusé de la « Rock Machine » ?

Romain | 3 décembre 2024

– Romain, ça fait trois semaines que l’on en parle. Il est temps. La Femme, charmant groupe français, a sorti un nouvel album. Qu’est-ce ce qu’il raconte ? Pourquoi étions-nous autant tiraillés à son sujet ?

– C’est un cap ma chère c’est une péninsule. On ne sait pas forcément ce que l’on aperçoit mais il semblerait que l’on soit au bout du voyage. Quinze années nous séparent maintenant de la naissance officielle de la Femme. On ne les présente quasiment plus, je rappelle tout de même que cette joyeuse bande vient de Biarritz. Ils ont fait leurs armes à Paris avec plusieurs chanteuses dont Clara Luciani puis ce fut l’épiphanie, la grande hype internationale. Tournée dans un trentaine de pays, renommée mondiale. La sauce a pris et de quelle manière. Il y a cinq ans, si tu te retrouvais DJ improvisé d’une soirée pleine d’inconnus, il fallait mettre la chanson « Sur la plage » ou encore « Où va le monde » et c’était plié. Tu pouvais te casser les gens kiffaient. Bang t’étais catalogué « cool ». Je n’ai jamais été un vrai cool mec, du coup j’en ai profité, forcément. Puis toi Emma, tu pensais que j’étais un alterno au sens genevois du terme, à écouter des sons perchés de krautrock lituanien déstructuré. Et bien oui, c’est vrai mais j’écoute aussi de la variété, des musiques du peuple, qui parle aux gens tu vois.

– Non, je ne vois pas non. Qu’est-ce donc que cela ?

– Les auditeur-ice-s doivent savoir.
1) Tu as une toison dorée digne d’un mouton irlandais surfeur de vagues californiennes.
2) Tu écoutes des sons plus ténébreux que les ténèbres elles-mêmes. De mon côté, contre toute attente, et c’est peut-être lié à notre capillarité opposée (quoique similaire), j’écoute parfois des sons maintream. Oui j’avoue, fouettez-moi s’il le faut. J’assume et blague un chouïa mais j’ai souvent tenté de comprendre le succès d’un groupe. Quels sont les ingrédients qui le font monter jusqu’aux sommets? Ce n’est pas forcément le talent, tout le monde le sait. Toutefois, quelques formations pointues arrivent à passer les barrières des majors, des injonctions électroniques tapageuses et des onomatopées improbables du genre « SKKIIIRT », « BRRR », « PO PO PO ». Ne pas tomber dans les clichés est un exercice périlleux et sans vendre son âme s’il-vous-plait. C’est là que tout se joue. Magneto Janine.

On sent l’influence lointaine des producteurs Jacno ou Cerrone sur la piste nommée « Sweet babe » de la Femme, extraite du dernier album « Rock Machine », sorti le 11 octobre. Avant d’aller plus loin je dois aussi confier que cette chronique a été largement coécrite par un membre de l’équipe aussi obscur que tes goûts musicaux Emma. Je vous laisse le soin de deviner, cadeau à la clé à celui ou celle qui trouvera… Ecrivez-nous sur Intragram, on vous répond pour sûr. Indice : ce n’est pas le chat Spoutnik. Revenons-en à nos français. Dans l’esprit de Feu ! Chatterton, Juniore nous avons dans le cas précis la Femme. Pour dépeindre une image globale on parle ici de groupes contemporains qui ont réussi à redonner de la fraicheur et de l’énergie au rock français, parfois intimidé par son cousin anglo-saxons. Prouesse supplémentaire, en chantant en français, avec des textes percutants, poétiques ou énigmatiques. On a su apprécier ce renouveau teinté d’influence surf, yé-yé, électronique des années 70 et j’en passe. Dans les années 2010 les radios et des millions d’oreilles collées aux postes en avaient grand besoin. Toute la magie du succès commercial réside ici. Dans cet intervalle ténu dans lequel des groupes arrivent à jouer une musique pointue, accessible puis populaire à l’instar des Beatles ou les Portes menées par Jim Morrison. Tout bon musicien que vous soyez il faut être suivi par une horde de fanatiques grâce à des concerts endiablés et du merch finement imprimé, charrié de ville en ville par des rodies fatigués. Ce tintouin prend du temps et rien n’est écrit à l’avance. Dans un sens il faut s’intégrer dans la grande machine, la production et la consommation.
Dans le passé La femme parvenait à jongler entre l’indépendance artistique et le marketing qu’ils maniaient à ravir. Avec ce nouvel album nous voilà toutefois au paroxysme de la carrière de la Femme.
« Rock machine »… n’est-ce pas là une boutade pour nous signifier, à nous pauvres manants, qu’ils ont joué le jeu, à un point tel qu’ils sont maintenant un parfait produit du rock « comme il faut », pour Monsieur et Madame tout le monde. N’est-ce pas tristounet ?
– Si
– Je suis d’accord. Merci pour ta contribution. Ce sont maintenant des rock star, détenteurs de deux disques d’or et une victoire de la musique à l’appui. Malheureusement l’album du jour sonne fadasse, tels des ouvriers fatigués des trois huit. On nous sert une soupe lyophilisée, certes nourrissante, mais on ne s’en lèvera pas la nuit. J’ai l’impression que l’équipe a pioché dans tout ce qui a bâti leur succès pour nous le resservir de façon tiède. Ballot tout plein surtout venant de bons musiciens de leur trempe.

On reconnait là leur ancienne audace dans la chanson « Amazing » puisqu’ils piochent volontiers leurs inspirations dans des contrées variées comme auparavant en Amérique du Sud. Si tu laisses la piste « Amazing » tu entendras des airs de flûtes mi péruvienne mi celtiques qui finissent sur une marche façon cornemuse. Pourquoi pas. « Amazing we are » disent-ils ça non. On dirait encore de l’autodérision ou une sorte de folie maîtrisée dans laquelle les gars n’en ont plus rien à carrer du bon ou du mauvais. Comme si tout pouvait passer, maintenant qu’ils sont connus pourquoi se casser le…
– Plexus
– Tout à fait, encore une intervention hautement appréciée, merci. Sont-ils conscients qu’ils touchent à une fin de cycle ? Est-ce une ménopause programmée ? Je ressens la même énergie que sur le dernier album des Daft punk, une sorte de préretraite après avoir été un groupe majeur, inspirant, fougueux. A l’époque j’avais dansé à fond à leurs concerts avec mon beauf sûr Nico. Là je n’irais même pas. Déso la Femme. Je ne te reconnais plus. On est passé de la belle intrépide à une femme barbagould, pur produit de supermarché. Mon « ghostwriter » m’a soufflé la critique suivante. Il pourrait s’agir d’un sacré pastiche d’elle-même. Pire encore, sur cet album le groupe chantent en anglais avec un accent français à couper à la machette. Avec leurs précédents albums ils avaient pourtant réussi à ringardiser les frenchies qui chantaient en anglais. Aujourd’hui ils en viennent même à singer ce style qu’ils avaient pourtant démanteler dans les règles de l’art. Quelle infamie. « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Ont-ils oublié les classiques ? Les grands principes du rock anticonformiste. Est-ce qu’il est temps de se muer en une nouvelle femme, un homme par exemple ? Je ne crois pas, je ne sais plus, je suis perdu. Je te laisse quand même avec une lueur d’espoir. La piste « Love is over » mais qu’adviendra-t-il ensuite ? Un autre amour, un autre demain ? Je veux y croire ma chère.

Animation: Emma
Chronique: Romain
Production : Elia & Théo
Première diffusion : 20 novembre 2024
Crédits photos podcast : © La Femme
Crédit photo background : © La Femme
Publié le : 03 décembre 2024

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