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La bande son de « RESTE », dernier roman d’Adeline Dieudonné

Pierre | 19 juin 2023

« RESTE » troisième roman d’Adeline Dieudonné intitulé « Reste », publié le 6 avril 2023 aux éditions L’Iconoclaste.
Après le succès de « La Vraie Vie » et « Kérosène », l’autrice belge aborde dans ce court récit : l’amour et le deuil. Elle part d’une situation simple : un homme marié part en week-end à la montagne avec sa maîtresse mais il meurt… Avant d’en dire plus, j’avais surtout envie d’en parler sur Radio Vostok car il s’agit d’un roman écrit en musique. Adeline déclare: « J’ai besoin de musique pour écrire. Elle m’aide à passer de l’autre côté, dans l’univers du roman. D’habitude j’ai deux playlists : une « Métal » pour le matin, et une « Classique » pour l’après-midi. Pour ce livre-ci, j’ai ressenti le besoin d’en créer une nouvelle, exclusive, dont les sonorités coïncideraient avec l’atmosphère du roman. Elle a été élaborée à mesure que la narration émergeait, si bien que je ne sais plus qui, de la playlist ou de l’histoire à façonner l’autre. Elles se sont agrégées, comme il arrive qu’un tronc finisse par absorber le tuteur qui le soutenait. J’en partage ici les références complètes afin qu’elle puisse vous accompagner pendant la (re)lecture du livre, si l’expérience vous tente. Elle se trouve en intégralité et dans l’ordre sur une célèbre plate-forme de streaming »
La playlist compte 47 titres allant de Dominique A à Melody Gardot en passant par Cat Power et bien d’autres…
Le roman débute par ces mots :  » Mardi 5 avril 2022.
M est là, allongé près de moi. Il est mort.
Il est mort.
J’espère, en les écrivant que ces mots m’aideront à appréhender cette réalité.
Je les observe, les déchiffre tandis qu’ils se forment sous ma main, les écrits encore, pour en saisir la chair.
Ils m’échappent, me glissent hors des yeux, je recommence.
J’aurais dû vous appeler hier déjà, pour vous prévenir. Je ne le ferai pas.
Alors que j’écris ces lignes vous ignorer la mort de M. Je vous envie pour ça.
Je ne suis pas certaine d’avoir pleinement saisi ce qui m’est arrivé, ni ce qui m’a conduite à agir comme je l’ai fait. Certains matins, tout me semble limpide. À d’autres moments, je me vois comme un monstre, une créature que je ne reconnais pas, qui m’aurait possédée dans un instant de vulnérabilité. Mais je crois que cette image vient du regard des autres.
J’ai fait ce que je pouvais.
Il n’y a pas de morale à cette histoire. Tout ce que je sais, c’est que je vous dois les faits. Je vais donc m’attacher à les relater pour vous, et sans doute aussi pour moi, avec toute la précision dont je suis capable. Ils m’emmèneront sur des territoires obscurs, dans les marécages de ma conscience et, pour quelques secondes encore, contre la peau de M. »

Nous sommes dans une relation adultère, une relation clandestine, à partir du moment où l’autre meurt. La narratrice se sent complètement exclu du processus lié à la célébration du deuil. Elle n’a pas le droit d’assister aux funérailles. Cette femme qui vient de perdre son amant ne supporte pas que quelqu’un d’autre puisse toucher le corps. Au départ, elle veut juste rester un moment en sa présence, pouvoir le laver, le garder quelques heures avec elle, puis le temps s’écoule. Elle ne veut pas que son épouse officielle s’inquiète, que l’épouse légitime l’attende. Elle va lui écrire pour l’informer de la mort et pour partager l’amour qu’elles portent pour le même homme. L’héroïne déclare : « Avant lui, j’étais une matière molle, presque liquide, qui s’ajustait aux nécessités de l’autre. »
Je note que l’homme se dénomme M. On peut interpréter le choix de nommer le personnage du mort par une simple initiale comme une forme de discrétion. Cette lettre M peut se lire comme l’abréviation de Monsieur ou de Mort. Cela peut aussi procéder de la volonté de l’écrivaine de maintenir son personnage sous la forme d’une fonction : celle du cadavre de l’amant. En l’amputant d’une identité trop forte, elle peut mener un travail d’introspection plus intense.

J’aime avant tout la puissance de la langue d’Adeline Dieudonné.
Elle sait créer des formes sans concession.
J’apprécie son côté expérimental plein de poésie et de profondeur.
Le roman « Reste » est publié aux éditions L’Iconoclaste.
Vous trouverez la playlist liée au livre sur Spotfly en indiquant Reste Adeline Dieudonné
Chronique: Pierre
Animation : Antoine Zebra
Réalisation : Sébastien
Première diffusion antenne : 15 juin 2023
Publié le 19 juin 23

Une publication de Pierre


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