Et si on faisait la guerre seulement sur les jeux-vidéos?
Comment est-ce qu’on fait un jeu-vidéo de guerre?
Tous les moyens sont bons je dirais. Il y a les jeux de stratégies en temps réel, dont j’ai déjà parlé dans une précédente chronique. Sinon les jeux de tirs sont très largement surreprésentés. Notamment la franchise Call of duty, 4ième plus vendue au monde et pèse 400 millions d’exemplaire vendus. Le jeu est une pépite technologique pour l’époque. Que ce soit dans la qualité des graphismes ou la maniabilité. Il est décrit comme novateur et ambitieux. Mais comme presque tous les jeux de guerre, les critiques l’ont rattrapé. Scénarios simplistes et stéréotypés. Notamment certaines missions dont le but est simplement de tuer un type de personnes selon leur appartenance ethnique, je n’irai pas plus loin sur cette pente glissante. Et bien sûr, une fétichisation de l’armée. Oui, j’ai utilisé le terme fétichisation car il représente bien ce que c’est.
Est-ce que ça existe en suisse aussi?
On penserait qu’étant un pays neutre ce ne serait pas dans notre ADN de faire des jeux de guerre. Et pourtant nous avons notre propre création de baston. Le jeu Helvetii créé par le petit studio Team KwaKwa basé à Lausanne. Pour être honnête, c’est plus un jeu de bagarre qu’un jeu de guerre, mais pour notre sensibilité c’est déjà pas mal. Le jeu retrace les pas d’anciens combattants gaulois et helvète qui peuplaient la suisse avant la naissance de Jésus Christ. Le jeu allie des l’international, avec des ressources venant du monde entier et des références helvètes. Mon petit coup de cœur : la musique composée pour le jeu et tout simplement magnifique. Peut-être qu’Helvetii me fera aimer les jeux de bataille finalement.
Pourquoi parler des jeux de guerre aujourd’hui?
Si j’ai décidé d’aborder ce thème aujourd’hui, vous vous en douter peut-être, ce n’est pas par hasard. Car ces derniers temps, réfléchir à des stratégies de combat me laisse un goût amer en bouche. Un plaisir partiel, piteux et plaintif. En regardant l’actualité dans le monde, en Ukraine, au Congo ou plus récemment à Gaza, je réalise que d’autres ont la même passion que moi. Faire des plans, être rapide, comprendre l’ennemi. Probablement qu’il y a quelque chose de très humain dans tout ça. On aime écraser l’équipe en face.
Mais, contrairement aux jeux-vidéos, on ne gagne pas de points dans la vraie vie. On n’a pas un score en haut à droite de l’écran qui augmente en fonction des victoires. On a des cadavres qui s’entassent dans les morgues, dans les tentes, drôles de manière de quantifier la réussite. Car si les pixels de nos écrans peuvent s’éteindre et se rallumer à volonté, les immeubles tombent et ne se relèvent pas, des enfants s’endorment et ne se réveille pas. Je pense que le plus dur, c’est de voir le droit international comme un niveau de difficulté. Choisissez votre level de challenge : Mode difficile : n’ayez aucun reproche de l’ONU. Mode intermédiaire : respectez au minimum les conventions de Genève. Mode facile : faîtes ce que vous voulez. Tirez sur une ambulance et on vous enlèvera 500 points au compteur final. L’important, c’est de gagner la partie quels en soit les coûts.
Si j’ai choisi ce sujet de chronique, ce n’est pas par hasard. C’est parce que je comprends l’excitation dans la stratégie. Je comprends la supériorité dans la victoire. Mais de là où je suis, en suisse mon petit pays protégé, loin des conflits, je n’arrive plus à m’endormir sans imaginer des bombes sur des immeubles. Les jeux de guerre font débats et avec raisons. Ils ne sont pas tous bons et certains choix scénaristiques laissent perplexes. Pourquoi les Américains sont toujours les gentils où qu’ils aillent ? Néanmoins, aujourd’hui, je souhaiterais à tous les chefs d’armées, tous les militaires, les ministres et j’en passe, de se contenter d’un bon vieux jeu de stratégie. D’exploser les scores et de s’affronter en ligne, s’entretuer dans le monde virtuel, si ça permettait de laisser le monde réel un peu plus tranquille.
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Animation : Emma
Réalisation : Molham
Production : Clorinda
Première diffusion antenne : 6 novembre 2023
Crédits images : ARCHIV france inter
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Publié le 24 octobre 2023
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