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CinemaÉcransLa Quotidienne

Ernest Cole lost and found, un docu poétique et historique

Johan | 17 avril 2025

Alors c’est vrai que l’on n’a pas toujours l’habitude d’aller au cinéma pour voir un documentaire et c’est une erreur. L’excuse généralement c’est tu es sûr, un film sur la Shoah ou l’Apartheid, je ne sais pas si trop si ça me chauffe, j’ai plutôt envie de me changer les idées aujourd’hui. Perso quand ma femme me dit ça, j’ai une alerte mentale qui me dit : attention attention mauvaise comédie / romcom en approche !! J’utilise alors toute ma science de la dialectique pour échapper au pire : généralement ça consiste à dire qu’apparemment sa mère a aimé le film … Chacun a ses faiblesses… Bref tout ça pour dire n’ayons pas peur des films ou des documentaires aux sujets un peu lourds, si un film est bien réalisé il nous emporte. Point. Il faut être ouvert. Et comme le disait si justement le prêtre de ma paroisse qui m’invitait à venir dans son presbytère le dimanche après-midi : Viens soyons curieux, découvrons ensemble !
Bon quel est ce fameux documentaire alors. Il s’agit de Ernest Cole Lost and found écrit et réalisé par Raoul Peck. Déjà je pense qu’il faut clarifier, Raoul Peck, ,et ça peut porter à confusion, c’est pas le pseudo d’un influenceur fitness. Raoul Peck c’est un monsieur comme on dit, j’ai presque envie de dire un bonhomme. Haïtien de naissance, il a été successivement ou simultanément : réalisateur, scénariste, producteur de cinéma, directeur de la FEMIS en France ou encore ministre de la Culture. En gros, il fait en une semaine ce que j’accomplis à peu près en 10 ans. Il a réalisé une dizaine de longs métrages (documentaire ou fiction) dont plusieurs ont été présentés à Cannes. Parmi ses œuvres les plus marquantes, on peut notamment citer Lumumba et I am not your negro dans lequel Il retraçait la lutte des Noirs américains pour les droits civiques à partir d’un texte inédit de James Baldwin. En effet Raoul Peck s’intéresse particulièrement à la question des luttes anti coloniales, à la reconnaissance des droits des minorités et c’est d’ailleurs également un des sujets de Ernest Cole Lost and found. Titre un peu énigmatique d’ailleurs non ?

Alors dévoilons un peu du mystère. Ernest Cole était un photographe noir Sud Africain du XXème siècle. Il a été un des premiers à prendre en photo son pays sous l’Apartheid. A cause de cela, il a dû fuir l’Afrique du Sud pour les Etats-Unis à la fin des années 60 ou il est devenu célèbre à 27 ans à la sortie de son premier livre : House of Bondage. Dans lequel il parlait de sa relation au bdsm. Pas du tout, pas du tout : house of bondage que l’on pourrait traduire par la maison des servitudes exposait ses principales photos documentant et dénonçant l’Apartheid. Et tu me diras pourquoi Lost and found. Lost : Parce que tout simplement après avoir été célébré et célèbre, il a progressivement disparu des radars, arrêté la photographie et finit plus ou moins en sans domicile fixe avant de mourir à 50 ans dans l’anonymat le plus complet. Le côté Found c’est le fait qu’en 2017, 60 000 de ses négatifs ont surgi de nulle part (enfin plus prosaïquement on les a retrouvés dans un coffre oublié en Suède). Donc le documentaire de Raoul Peck s’attache à faire revivre cet homme Ernest Cole et par la même de traiter du grand sujet de sa vie : son pays l’Afrique du Sud et la lutte de son peuple vers la liberté.

L’originalité du documentaire vient du fait que Raoul Peck utilise principalement les archives photographiques d’Ernest Cole. A cela il rajoute une voix off (Lakeith Stanfield que l’on a vu ans Atlanta ou Get Out) qui raconte à la première personne le parcours d’Ernest , ses pensées, ses ressentis. En résumé, la majorité du film est une suite de photos d’Ernest Cole entrecoupé de quelques interviews de personnes ou amis. Le documentaire est chronologique et s’attarde principalement sur sa vie en Afrique du Sud cela permettant au réalisateur de rappeler longuement l’horreur et l’inhumanité de l’Apartheid. La stricte séparation entre noirs et blancs, dans tous les secteurs de la vie créant des individus de seconde zone, à peine considérés comme humains. Sans compter les meurtres et les disparitions. Enfin bon, dans le classement des pires régimes, on est probablement dans le TOP5 là. Le film s’intéresse également à sa vie aux États-Unis ou il est resté hanté par son pays et où il découvre atterré que la vie des noirs aux États-Unis n’est pas non plus idéale. Il faut par ailleurs noter la composition sonore qui donne toute son ampleur au film, on oublie parfois que l’on regarde des photos, grâce à la musique très jazzy et aux effets sonore qui nous mettent dans l’ « ambiance » des photos d’Ernest Cole.

Je conseille de voir ce film pour deux raisons principales. C’est un film très personnel, on a l’impression de rencontrer un vrai artiste avec ses doutes, ses envies tout en découvrant sa magnifique œuvre photographique. Par ailleurs, cela permet de ressentir concrètement la vibe des États-Unis à cette époque (les années 70) et surtout aussi de redécouvrir de façon très concrète et documentée l’inhumanité de l’apartheid et comment le monde n’a finalement que très eu aidé ce peuple aux abois. Après j’ai deux petites réserves. – d’une part la longueur du film 1h50 dont 1h40 de photos alors à la longue ça peut faire un peu diaporama – d’autant plus que toute la partie de sa vie à partir des États Unis est assez mystérieuse : de célèbre photographe, il a progressivement arrêté son métier pour finalement finir sans domicile fixe et le documentaire n’arrive pas réellement à expliquer ce qui s’est passé ; ou encore pourquoi les négatifs ont été retrouvés à Stockholm ? Ce sont des zones d’ombre qui restent telles quelles et c’est ma seconde réserve. J’aurais aimé que le documentaire lève le voile de cette partie mystérieuse de sa vie un peu comme dans les films sur Vivian Maier ou Sugar Man. Mais c’est mon côté primaire fan d’enquête qui parle. L’intellectuel qu’est Raoul Peck s’intéresse davantage à l’âme d’Ernest Cole et à ce qu’il a apporté par son art. Il nous rappelle ainsi combien art, poésie et combat politique sont finalement liés dans un même mouvement de progrès social… Ernest Cole figure de l’artiste moderne combattant les injustices de son époque , mérite d’être redécouvert tout simplement pour son talent.


Chronique : Johan
Animation : Emma
Réalisation : Candice et Noé
Première diffusion antenne : 15 avril 2025
Mise en ligne : Johan
Crédit photo : Trigon films / Ernest Cole
Publié le 17 avril 2025

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Une publication de Johan


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