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BDCultureLa Quotidienne

Embrasse-moi, roman graphique intime et puissant

Léo | 23 février 2023

Lidia MATHEZ publie Embrasse-moi, un roman graphique intime et puissant.
L’autrice sera en dédicace le 24/02/2023 à la boutique Lemoncha de Nyon, et le 11/03/2023 à la librairie Payot de Nyon

Sur la première image, on voit une femme. Vue de haut, elle est couchée sur le dos, les cheveux flottants.

Elle ferme les yeux. C’est alors que lui revient un de ses cauchemars récurrents. Elle tombe, sombre dans un fluide invisible, sans fond, et se retrouve paralysée, dans sa baignoire. Autour d’elle des dizaines d’yeux et de mains qui l’observent, s’approchent, la menacent.

Embrasse-moi est une œuvre autobiographique, réalisée par Lidia Mathez pour son projet de fin d’étude à l’école supérieure de bande dessinée et d’illustration de Genève. C’est l’histoire de sa recherche personnelle, un travail d’introspection qui semble s’être fait malgré elle, qui a émergé sous sa plume.

Elle raconte sa vie d’étudiante, son goût pour les bubble tea, sa meilleure amie Leslie, ses après midi à rêver couchée dans un champ, en lisière de forêt.

Style épuré, inspiré du manga

Le dessin est épuré, inspiré du manga, en particulier dans le traitement des personnages. Les décors sont réduits au minimum. En plus du blanc de la page, Lidia Mathez utilise uniquement du noir et du rose. Très peu de texte, mais des détails capturés avec soin pour retranscrire une ambiance.

Une platine de DJ. Deux verres à cocktails. Un corps qui danse, parfaitement capturé en quatre cases. Cela suffit à rendre l’énergie d’une soirée en boîte. Rien ne bouge, et pourtant on sent le mouvement, l’énergie, la joie. En fermant les yeux, on pourrait presque entendre de la musique.

Et puis l’angoisse surgit. La foule entoure Lidia, elle perd de vue son amie, se retrouve entourée d’hommes qui la serrent de trop près, l’observent, l’effleurent, la touchent.

On passe, sans transition, de la salle de danse à un espace immense rempli d’obscurité et de panique.

Autobiographique et symbolique

Tout le récit est tissé à la limite du rêve et de la réalité. La narratrice amplifie ses sensations, jusqu’à ce qu’elles gagnent l’ensemble de la page.

Un simple verre de bubble tea se transforme soudain en océan d’émotions qui emporte tout sur son passage.

L’eau est omniprésente. A chaque fois elle déborde des limites censées la contenir.

La dessinatrice travaille avec le liquide pour représenter sa sensibilité, mais aussi pour activer ses souvenirs, pour remonter à la source de ses peurs.

Et puis, soudain, du fond des abysses, un souvenir lui revient. Un visage surgit de l’enfance. Lidia a sept ans. Elle a été victime d’une agression sexuelle.

Une voix qui lui dit: “embrasse-moi”. Des doigts sur elle, qui la pétrifient.

La mémoire lui revient. Elle peut enfin mettre des images sur l’origine de ses cauchemars.

Des avant-bras esquissés, qui entourent un visage absent. Des mains blanches dans l’obscurité. Comme ces études des peintres de la Renaissance, où se superposent des fragments de corps dans différentes postures.

Les traits de Lidia Mathez sont volontairement minimalistes. La violence qu’elle a subie, elle l’évoque plutôt que de la reproduire de façon réaliste, visuelle.

Explorer ses sensations

Les pages ne rejouent pas des situations, mais restituent les sensations de la narratrice. Derrière le pli d’un vêtement, on perçoit la pression invasive exercée sur sa peau. Dans ses songes peuplés de phalanges et d’yeux, on expérimente sa terreur. Celle d’une enfant face au regard et aux gestes de celui qui abuse d’elle.

Elle juxtapose, tout au long du récit, des détails minutieusement reproduits et des images surréalistes, magnifiques et terrifiantes, qui activent notre imaginaire. Une eau qui submerge, un étang sombre qui fait peur, mais où on ne peut s’empêcher de plonger. Qui noie et qui libère.

Le sujet des agressions sexuelles, en particulier sur des enfants, est resté trop longtemps tabou. Lidia Mathez nous apprend qu’il ne faut pas craindre de nager au fond de notre intimité, d’y observer ce qui est là, tapi dans l’ombre, qui nous regarde et continue de nous faire du mal.

Son travail puissant donne une forme à la souffrance. Pour montrer la voie à d’autres victimes. Pour contribuer à une libération de la parole que nous devons toutes et tous engager. Pour que le désir des uns ne soit plus la douleur des autres.

Embrasse-moi , un roman graphique de Lidia MATHEZ, publié par les éditions LA JOIE DE LIRE

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Chronique : Léo
Animation : Zebra
Réalisation : Ornella, Raphaël et Arthur
Première diffusion antenne : 21 février 2023
Crédit vignette: Lidia MATHEZ, éditions La Joie de Lire
Publié le 22 février 2023

Une publication de Léo


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