Diamant brut, petit bijou moderne et intense
Le film chroniqué ce soir parle des rêves des jeunes filles d’aujourd’hui. Vous rappelez-vous des vôtres quand vous aviez 18/19 ans ? Vous pouvez vous confier, ne vous inquiétez pas, c’est une safe place.
Si Loana n’a pas forcément été un modèle pour vous, alors vous n’êtes pas en totale adéquation avec une partie des aspirations de la jeunesse que le long-métrage dont je vais parler tente d’explorer.
Ce long métrage c’est Diamant Brut réalisé par Agathe Riedinger. Soit Liane une jeune fille de 19 ans, revêche et débrouillarde (c’est une façon polie de dire voleuse occasionnelle). Elle est attirée par les paillettes (le côté princesse), les réseaux sociaux et les influenceuses, et s’inscrit au casting d’une télé-réalité populaire Miracle Island. Le film la suit dans sa vie quotidienne à la poursuite de son rêve envers et contre (presque) tous.
Liane vit chez sa mère avec sa petite sœur -une mère clairement absente qui ne s’occupe pas de ses filles dans un environnement socialement pauvre. On est dans le Sud de la France à Fréjus et la réalisatrice nous montre ces zones semi désolées, zones périurbaines à l’abandon, terrains vagues et terrains de cross , zones commerciales et discothèques qui semblent être les seuls lieux de vie pour ces jeunes adultes. Liane, souhaite s’en sortir par tout moyen et les seuls moyens qu’elle pense avoir c’est sa volonté et sa beauté qu’elle souhaite utiliser pour devenir influenceuse. Et pour devenir influenceuse, il faut se faire connaitre, d’où la nécessité de faire une télé-réalité. Entre jalousie, rivalité et incompréhension, ses amies prennent son souhait pour une lubie alors que sa mère n’est tout simplement pas au courant. En parallèle, démarre une relation complice avec Dino qui lui rêve d’une vie douce avec Liane et qui ne comprend pas forcément non plus le caractère brulant, éruptif de celle-ci.
Le film est à fois réaliste et surtout très sincère. Il ne juge pas son personnage principal, au contraire il nous fait comprendre pourquoi atteindre ce monde superficiel de la télé-réalité et des réseaux sociaux devient parfois le seul but de ces jeunes garçons ou jeunes filles. En dehors de l’aspect financier, qui est évidemment important (sa mère ne subvient pas aux besoins du foyer et ils sont menacé d’expulsion), la réalisatrice montre également une solitude et une mélancolie forte de la jeune fille (peu ou pas d’amour partagée avec sa famille ou ses amies) à tel point qu’elle ne s’est plus comment réagir quand Dino tente de lui apporter un peu d’affection. Liane reçoit plus de message d’amour (et de haine d’ailleurs) par les réseaux que dans la réalité.
Même si les films à tendance sociale sont parfois très sobres limite documentaire au niveau formel – ce n’est pas le cas de diamant brut qui est esthétiquement très recherché. Comme je le mentionnais tout à l’heure, la réalisatrice met en scène un Sud que l’on connait moins mais en retire une vraie poésie, notamment les lieux de rencontre de Dino et Liane dans un parc d’attraction désaffectés ou une maison à moitié abandonnée. Agathe Riedinger crée aussi une certaine grâce par un jeu sur les lumières et l’utilisation notamment de musique classique à certains moments qui renforce la dimension dramatique du film. Au-delà de l’esthétisme, la mise en scène vive, rapide, dans l’air du temps, avec des dialogues / argots bien sentis entre les personnages confèrent au film une vraie sincérité. On s’attache à Liane et à son environnement alors qu’il pourrait être facile d’être méprisant avec une personne qui semble de prime abord superficiel. En un mot on est touché.
Diamant brut est une vraie réussite même s’il n’est évidemment pas parfait (c’est un premier long métrage). Il est moderne tant sur la forme que sur le fond, les acteurs – qu’il faut absolument citer Malou Khebizi (Liane)et Idir Azougli (Dino)- sont juste excellents. Diamant brut nous plonge dans la vie de jeunes adultes abonnés et abandonnés aux réseaux sociaux dont le seul rêve est de devenir célèbre. Cela pourrait être méprisant et au contraire c’est émouvant. L’absence d’avenir désirable par la voie classique de l’école semble les amener à utiliser le seul pouvoir qu’on semble leur avoir donner : celui de créer du désir. Et le film dénonce d’ailleurs subtilement ceux qui profitent d’eux pour leur propre intérêt – et qui les pousse à toujours plus se sexualiser : producteurs d’émission de téléréalité, chirurgiens ayant oublié depuis longtemps leur serment d’Hippocrate ou encore boomers émoustillés.
En synthèse, grâce à sa mise en scène réussie et ces acteurs excellents, Diamant brut offre un regard émouvant, moderne et humain sur une jeune fille d’aujourd’hui, ballottée entre rêve de princesse 3.0, soif de s’en sortir et dureté de la réalité ou l’utilisation du désir semble à la fois un moyen d’émancipation et une prison éternelle.
Chronique : Johan M.
Animation : Emma
Réalisation : Christian, Alexis
Crédits photos : Silex Films
Première diffusion antenne : 18 novembre 2024
Mise en ligne : Johan
Publié le 21 novembre 2024
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