menu Home search
CultureLa QuotidienneThéâtre

Big Jim, soif de littérature, ivresse de la liberté

Léo | 17 mai 2023

Michel Faure présente Big Jim, ou la Vie selon Jim Harrison , jusqu’au 28 mai 2023 au théâtre de la Parfumerie. Un hommage vibrant de vie, qui donne faim de littérature, et soif de grands espaces. L’occasion de (re)découvrir avec plaisir cet écrivain bon vivant, amoureux des mots et des bonnes choses.

Une affiche, dans les rues de Genève. On voit un visage ridé. Des cheveux blancs doucement hirsute, une barbe, des épaules nues. Des yeux malicieux qui regardent en coin, et un sourire espiègle. C’est lui, Big Jim, Jim Harrison, un des romanciers et poètes américains les plus importants du XXème siècle, et qui montre, sur cette image, la tête du grand-père qu’on aimerait tous avoir.

Ses romans, comme Wolf, a false memoir, Dalva ou Returning to Earth ont marqué plusieurs générations, et inspiré le metteur en scène Michel Faure. Il a décidé de rendre hommage à son auteur favori, qui a été pour lui un mentor, à travers ses textes. Il le fait revivre, pour quelques instants, sur la scène de la Parfumerie, il fait entendre les mots de cet épicurien, amoureux de la nature, de la pêche et des vins de la Vallée du Rhône.

Esprit

Sur le plateau, un bureau, sur le côté. Couvert de livres, de papiers. La table de l’écrivain, qui travaille sans ordinateur, noircissant à la main les pages, pour garder un rapport concret, direct, physique, avec le langage. En face, une chaise blanche en plastique, du genre de mobilier qu’on pose au bord d’un lac, ou d’une rivière, par une belle après-midi ensoleillée, en attendant qu’un poisson morde au bout de la canne à pêche.

L’acteur genevois Mathieu Delmonte prête ses traits à Big Jim. Ou plutôt, se laisse posséder par l’esprit de l’écrivain, par l’incantation de ses mots. Il est seul sur scène. Le visage rond, un sourire affectueux aux lèvres, la voix paisible. Il retranscrit parfaitement cette impression de douceur qui émane de la photographie de Jim Harrison qui sert d’affiche au spectacle.

On entend quelques notes de Mozart. La comédien se lève, nous regarde avec un air malicieux et nous dit « la vie ne consiste pas seulement à soulever les bandages pour voir ce qu’ils cachent ». Et il sort une bouteille de vin rouge d’un tiroir, qu’il débouche avec soin, et qu’il sirote avec délectation. Dans le silence du théâtre, le claquement du bouchon résonne comme l’ouverture d’une symphonie.

Vin rouge et humour noir

Le metteur en scène Michel Faure a choisi d’évoquer les grandes facettes du rapport qu’entretenait Jim Harrison avec la vie et avec le monde. Il a réalisé un extraordinaire travail de montage, à partir des textes autobiographiques, des essais, des articles de l’écrivain. Il nous emmène ainsi, à travers 6 tableaux qui résument la pensée de l’auteur, son rapport au monde, sa manière d’être en vie. Son regard désenchanté sur l’existence, son humour noir. Il confie avec un clin d’œil: « Dans les moments de déprime où je me dis que je ne serai pas toujours ici, avec vous, je me rappelle que vous aussi, vous ne serez pas toujours ici avec vous-même ».

Michel Faure est un très bon couturier des mots, et la langue de Jim Harrison possède une cohérence, une précision et une lucidité qui permet de passer sans aucune difficulté, dans la même phrase, de réflexions sur la vanité de la vie à un description des arômes d’un Côté du Rhône.

Jim Harrison rejette la modernité américaine. Il compare son pays à un « Disneyland fasciste », propret et joli, mais traversé par une énergie dévastatrice. Il dénonce la course au profit, et à l’exploitation, qu’il repère à l’œuvre dès les origines de la Nation, édifiée sur le sang et les ruines du génocides des peuples autochtones. Ceux qu’on appelle encore les « indiens », comme on dirait « les sauvages », pour regrouper derrière un terme réducteur l’immense diversité des dizaines de cultures et de langues qui avaient tissé de subtiles relations avec cette terre gigantesque, avec ses forêts, ses lacs, ses montagnes.

Pays et Paysage

Big Jim n’aime pas son pays, ses politiciens, son establishment, mais il aime ses paysages. Cette nature dans laquelle il se promène et se perd, et avec laquelle l’Homme sait parfois faire alliance pour créer une beauté nouvelle. Le goût de l’ail et l’éclat de la robe d’un Bandol. La cuisine, le vin. Des arts sublimes en ce qu’ils tissent un pont entre la nature et la culture. Entre la terre et la société.

Écouter la voix de Jim Harrison, voir la pupille du comédien, Mathieu Delmonte, briller sur le plateau du théâtre de la Parfumerie, cela donne faim, cela donne soif. Soif de découvrir ou de redécouvrir cet écrivain bon-vivant, amoureux de la langue et des bonnes choses, engagé dans son art à pleine main, à pleine bouche.

Un autre réel, indomptable, vibrant et plein d’éclats se trouve juste là, à portée de nos doigts, de nos papilles, sous notre nez. Big Jim ou la vie selon Jim Harrison donne envie de l’explorer, en suivant les traces laissées par ce guide au regard facétieux.

Big Jim ou la vie selon Jim Harrison , une création de Michel Faure au Théâtre de la Parfumerie, du 9 au 28 mai 2023

_
Chronique : Léo
Animation : Zebra
Réalisation : Arthur et Raphaël
Première diffusion antenne : 16 Mai 2023
Crédit photos: © Isabelle Meister
Publié le 17 Mai 2023

Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast

Une publication de Léo


Envie de soutenir un média gratuit,
indépendant et local ?

Rejoins Vostok+


Commentaires

Pas encore de commentaire pour cet article.

Commenter




play_arrow thumb_up thumb_down
hd