Bernard Garo rend un émouvant hommage aux glaciers
L’artiste Bernard Garo présente Rendez-nous la beauté jusqu’au 25 juin 2023 au Muséum d’Histoire Naturelle de Genève. Une exposition qui conclut six mois de résidence autour des glaciers. Un dernier hommage, sensible et touchant, avant que les mers de glace ne disparaissent.
Quoi de plus suisse que les glaciers? Au maximum de la dernière période glaciaire, il y a 20’000 ans, tout le pays était recouvert d’une couche de glace de plusieurs centaines de mètres. Imagine, Zebra, un gigantesque désert bleuté, fracturé de crevasses et de séracs, couvrant des milliers de kilomètres et d’où émergent, comme des oasis perdues, quelques sommets du Jura et des Alpes.
De Zurich à Genève, pas un morceau du territoire qui ne soit marqué par le passage d’un de ces géants. Il suffit de creuser, un tout petit peu dans le passé de la terre suisse pour tomber face à ce grand mur blanc qui a sculpté des vallées, creusé des lacs et déplacé des montagnes.
Sauf que, depuis que nous faisons rimer pognon avec pollution, les glaciers fondent. Ils reculent, chaque été, laissant derrière eux un amoncellement grisâtre de rochers et de sable. Ils auront bientôt totalement disparu, rejoignant les milliers d’espèces animales et végétales balayées par les bouleversements du climat.
Science et conscience
Le peintre, photographe et plasticien Bernard Garo leur rend un dernier hommage. Il a été invité pour une résidence de 6 mois par le Museum d’Histoire Naturelle de Genève, au cours de laquelle il a pu créer des œuvres inédites, présentées dans l’exposition.
On ne manque pas d’indicateurs, de chiffres et d’évaluations pour quantifier les effets du changement climatique. Pourtant, face à tous les cataclysmes causés par la hausse de la température du globe, on se sent dépassé, abasourdi. Alors, même dans un musée scientifique, on a besoin de quelque chose en plus.
Sur les bords du Léman, le regard de Bernard Garo est attiré par une couleur et par une forme. Il ramasse un morceau de granit, arraché à sa montagne et déplacé par le glacier du Rhône sur plus de deux cents kilomètres. Ce caillou, l’artiste l’a gardé, et a décidé de le ramener à son point de départ. Accompagné d’un ami guide, il est descendu au fond d’une crevasse, à plusieurs dizaines de mètres sous la surface. Il se penche, et dépose la pierre dans les profondeurs. Là où le temps et l’espace sont suspendus. Tout se mélange dans le bleu et les ondulations de la neige gelée. Des flocons tombés il y a 16’000 ans.
Sublime beauté
Le titre de l’exposition, Rendez-nous la beauté, se lit comme un appel à un réenchantement du monde et des ses habitants. Lacs, forêts, montagnes. Êtres vivants ou entités inanimées. Le sentiment esthétique possède une dimension sacrée. Ce qu’on ressent face à un paysage est connecté à une transcendance, à quelque chose qui nous dépasse et à qui nous devons donc le respect. C’est ce qu’on appelle le sublime.
Pendant sa résidence, Bernard Garo a réalisé plusieurs peintures monumentales du Cervin. 3m de haut. Bleu, rouge, elles rappellent l’origine des Alpes, surgies de l’Océan Thétys, vaste ancêtre de la Méditerranée, sous la pression de la convergence des plaques africaines et européennes. Les tableaux entourent un gros cristal de quartz, une pierre translucide, formée sous l’effet des pressions gigantesques à l’œuvre dans les profondeurs de la croûte terrestre.
Sensible hommage
Dans la dernière salle, on voit de grandes bâches blanches, celles dont on recouvre les glaciers l’été pour tenter de ralentir leur fonte. Cette peau étrange et dérisoire rappelle leur fragilité, celle de créatures en constante transformation, qui glissent, s’écoulent, muent. A côté, une gravure sur bois, qui évoque un paysage de montagne, un réseau d’artères, ou les stries laissées par les déplacements du fleuve glacé le long des roches avoisinantes.
Bernard Garo donne à son art une fonction sociale fondamentale: celle de nous permettre d’approcher par le sensible l’énormité de la catastrophe, de nous aider à retisser un lien, intime, puissant, avec ces colosses de glace qui s’éteignent. Pour les soulager dans leurs derniers instants. Pour leur rendre, avec humilité, l’hommage qu’ils méritent.
Lors des dernières semaines de sa résidence, l’artiste a congelé des objets issus des collections du museum: un lagopède empaillé, un crâne de chien, des cristaux, mélangés à des déchets, des livres, des bougies. Des natures mortes prises dans le gel, et dont il a filmé la fonte, restituée en accéléré. Ces œuvres sont inspirées des Vanités, un style de peinture du XVII siècle montrant des crânes ou des sabliers comme des rappels de la fragilité de la vie humaine. En latin on dit: Memento mori, « souviens toi que tu es mortel », un rappel nécessaire à une époque où l’on rêve d’une croissance infinie. Une expérience qui remet l’humain et ses créations à leur juste place: d’éphémères éclats sur l’océan du cosmos.
Rendez-nous la beauté est un hommage, un pèlerinage, une offrande aux forces de la nature. Au museum d’histoire naturelle de Genève, un mélange de performance artistique et d’expédition scientifique. Une émouvante rencontre entre la sensibilité et la connaissance.
Rendez-nous la beauté , exposition de Bernarg Garo
jusqu’au 25 juin 2023 au Museum d’Histoire Naturelle de Genève
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Chronique : Léo
Animation : Zebra
Réalisation : Arthur et Raphaël
Première diffusion antenne : 28 Mars 2023
Crédit photos: © Philippe Wagneur / Muséum Genève
Publié le 29 mars 2023
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