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CinemaÉcransLa Quotidienne

Anora, faux conte de fées urbain mais vrai polar à la cool

Johan | 7 novembre 2024

Ce soir c’est champagne Emma, Le film dont on va parler est auréolé de la palme d’or du dernier festival de Cannes. Te souviens-tu de ce film ? Un indice pour une fois ce n’était pas un film des frères Dardenne ;). J’avoue mauvais esprit 😉 Ce film c’est en effet Anora de Sean Baker un cinéaste new yorkais connu notamment pour « The Florida project » ou encore « Red Rocket ». Pour te le présenter autrement, on dit généralement que Sean Baker fait parti du cinéma américain indépendant, donc en dehors du circuit des studios hollywoodiens, sans beaucoup d’argent mais avec une vraie passion pour le 7eme art.

Son huitième long-métrage, Anora donc, filme la rencontre entre une jeune strip-teaseuse new-yorkaise – Ani alias Anora – avec Yvan ou Vania le fils d’un milliardaire russe. Rencontre qui démarre sur la base de danses tarifées pour finalement se conclure une semaine plus tard par un mariage, l’alcool, les drogues et une certaine complicité n’y étant pas étranger. A partir de ce moment, la gueule de bois va être sévère pour les deux tourtereaux, les parents du riche oisif n’étant pas du tout enclin à voir leur fils convoler avec une personne d’une classe inférieure. Ils vont alors tout faire pour annuler le mariage grâce à leurs hommes de main. Problème, Yvan, jeune homme pas forcément très courageux a pris la fuite. Anora se retrouve coincé une nuit durant avec ces gros bras à la recherche de son mari.

Pas de mystère ici, on est face à un très bon film ; un très bon film américain. Pourquoi je précise ça ? car on retrouve le plaisir de personnages drôles émouvants ou pathétiques dans un scénario ou on ne s’ennuie pas une seconde. C’est un peu un mix entre les frères Coen pour la diversité et le caractère presque loufoque des personnages, Andrew Dominic pour le sens de la mise en scène et les frères Safdie pour le côté électrisant de New York.

A cela il faut rajouter une réflexion vraiment percutante du réalisateur autour du néolibéralisme ambiant mais j’y reviendrai plus tard. Parlons d’abord du film, un concentré énergique de romance, de polar et de douceur.

Tout démarre comme une version Instagram 3.0 de Cendrillon : un homme immensément riche, gentil et drôle semble s’éprendre d’une fille d’une autre classe sociale ; des fêtes ; beaucoup d’amis ou de copains, aucune contrainte, aucune limite – c’est l’illusion de la fête éternelle. La romance d’une semaine -tarifée certes – sonne même authentique et on a le sourire à voir ces deux personnages être de plus en plus proche. Le montage est rapide, la musique enivrante, Sean Baker nous fait parfaitement ressentir ce tourbillon de plaisir, ce début de passion qui dure jusqu’à l’apothéose : un mariage spontané et euphorique. Anora, d’abord sceptique, a finalement envie de croire à ce prince charmant débarqué à l’improviste dans sa vie.

Puis le film se transforme vers un polar à la cool ; c’est l’arrivée des hommes de main du papa milliardaire et c’est juste savoureux. Pas de glauque ou de terreur ici, mais des gros bras qui ne savent pas toujours gérer une Anora gonflée à bloc. On passe la nuit avec eux, naviguant entre Coney Island Manhattan et Brooklyn, C’est pathétique et drôle comme du bon Coen. Au-delà du plaisir à voir cette dérive et les échanges musclés et décalés entre ces différents personnages, Sean Baker nous montre l’envers du décor, la fin de la fête, le prince pas si charmant, en somme le retour à la réalité. L’actrice Mikey Madison, la grande révélation du film, joue à merveille ce mélange de rage et de honte quand on la renvoie dans la classe sociale à laquelle elle avait cru s’extirper. Pus que la perte de son mari, c’est la perte du statut de femme riche qui est encore plus difficile à digérer.

L’épilogue – dont je ne dévoilerai évidemment rien – offre une douceur et une profondeur bienvenue au personnage d’Anora ; une nouvelle dimension qu’elle avait soigneusement pris la peine de cacher sous sa carapace urbaine. De façon générale Sean Baker filme l’ensemble de ces personnages avec une grande humanité.

Contrairement à beaucoup de films actuels, Sean Baker évite tout misérabilisme. Il ne cantonne pas ses personnages a des rôles de victime ou d’agresseurs. Anora est une strip-teaseuse, une prolétarienne du sexe certes mais c’est une battante, une femme moderne qui utilise les armes que la vie lui a donné pour s’en sortir dans un monde ultra-libéral donc ultra individualiste ou survivre fait office de profession de foi. Sean Baker ne juge pas ses personnages, il contextualise leur situation. Par sa mise en scène, il rappelle l’illusion de la société du spectacle et l’impossibilité d’échapper à sa condition sociale dans une société toujours fondée sur la relation chère à Marx des dominants / dominés.

Ainsi, comme dans un bon polar à la Ellroy, Anora possède plusieurs niveaux de lecture. En premier lieu, un plaisir simple et réel de cinéma avec une mise en scène jamais monotone, des acteurs juste excellents dans des situations toujours bien senties et une histoire à laquelle on est accroché. A ce premier niveau s’ajoute une dimension sociale, critique du monde moderne individualiste, ou l’argent domine tout et pervertit les relations humaines. Au final, ce film est grand car Sean Baker a réussi le dosage parfait entre passion électrisante, polar à la cool et désenchantement 3.0. Le tout avec une héroïne badass et touchante que vous n’oublierez pas : Anora.

Chronique : Johan M.
Animation : Emma
Réalisation : Marlon, Christian
Crédits photos : Augusta Quirk – Anora Productions LLC
Première diffusion antenne : 04 novembre 2024
Mise en ligne : Johan
Publié le 7 novembre 2024

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