Amours interdits en Inde
ALL WE IMAGINE AS LIGHT
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Dans son premier long-métrage de fiction, Payal Kapadia met en lumière les normes et les exigences imposées dans les relations amoureuses en Inde. La réalisatrice indienne expose la politisation du mariage, à travers l’histoire de deux amours impossibles.
En plein Mumbaï, on suit le quotidien de Prabha et Anu, des colocataires hindoues qui travaillent ensemble à l’hôpital en tant qu’infirmières. Prabha est une femme de la trentaine, qui vie depuis plusieurs années à des milliers de kilomètres de son mari, parti travailler en Allemagne. Elle n’a presque plus aucun contact avec lui, puisque leur dernier appel remonte à plus d’un an. Malgré tout, Prabha s’efforce de croire au retour de son mari. Elle attend donc désespérément dans la solitude, se refusant toute vie sentimentale avec un autre homme. Contrairement à Prabha, Anu s’autorise un amour interdit. La jeune femme encore naïve et pleine d’espoir, rejoint régulièrement son chéri en cachette. Leur amour est tristement impossible car ils n’ont pas la même religion. Anu est hindoue alors que le jeune homme qu’elle fréquente est musulman.
Il faut savoir qu’en Inde les gens ne se mélangent généralement pas. Ils se marient avec des personnes de la même caste sociale et de la même religion. Dans une interview, la réalisatrice s’est confiée et a dit, je site : « L’amour, en Inde, c’est une affaire extrêmement politique. Savoir qui on peut épouser est une chose très complexe.» En Inde, c’est encore un système qui peut nous paraître archaïque, dans lequel la mixité sociale est très mal perçue. C’est pourquoi Anu doit absolument garder cette relation secrète, malgré son désir de concrétiser leur couple. Autant te dire, qu’en Inde on est pas libre d’aimer qui on veut.
Pourtant l’amour ne se contrôle pas … C’est sûrement ce qu’à voulu mettre en évidence la réalisatrice. Je pense que Payal Kapadia cherche à émanciper la société indienne. Elle dénonce toutes ces injonctions qui créent tant de malheureux et qui coupent les ailes de l’Amour. Peut-être qu’en parlant de ce sujet et en l’illustrant en images, ça peut, petit à petit, contribuer à changer les mentalités. C’est une tentative d’aider à libérer les âmes et les cœurs indiens, qui ne demandent qu’à aimer. C’est sûrement la raison pour laquelle la réalisatrice à décider de tourner sa fiction sous la forme d’un documentaire. Elle présente le film comme un témoignage, elle partage une vérité.
Ce qui est dans un premier temps marquant, c’est le silence. Il n’y a presque jamais de musique durant tout le film. À la place, on entend tous les bruits environnants, comme les klaxons, la pluie, ou encore le bruit de la ville en pleine effervescence. On a vraiment le sentiment d’être immergé dans leur monde, on est aspiré par Mumbaï. Parfois, il n’y a tout simplement pas de bruit. Nous sommes seuls avec le personnage, on l’observe dans son environnement. Nous avons l’impression que la caméra est juste posée quelque part, on peut voir Prabha mélancolique, en train de cuisiner et faire son ménage. Nous suivons la vie quotidienne de Prabha et Anu, que ce soit au travail, à la maison ou entre copines. Il n’y a pas d’actions extraordinaires avec des retournements de situation inattendus. Ce n’est pas palpitant, ni super romantique. C’est simplement l’histoire de femmes ordinaires qui vivent en Inde et souhaitent juste être librement aimées. Tous ces éléments nous éloignent de la fiction et nous laissent penser à une réalité filmée discrètement.
J’ai personnellement beaucoup aimé ce long-métrage. Je le trouve touchant et j’ai éprouvé beaucoup de compassion pour les protagonistes. Mais ça, c’est peut-être parce que je suis une sentimentale dans l’âme. Je pense que ce film peut ne pas plaire à tout le monde.
Premièrement, il peut sembler un peu long, car il n’est pas dynamique, ni rythmé par des péripéties rocambolesques.
Et pour les moins romantiques, il pourrait paraître ennuyeux. Après tout, c’est très subjectif et ça dépend vraiment des goûts de chacun. Ça n’enlève en rien la qualité de la réalisation, qui nous immerge dans la culture indienne. Payal Kapadia mérite son Grand Prix au festival de Cannes, car elle a encore une fois prouvé ses talents.
« All we imagine as light » est d’ailleurs le 1er film indien à gagner le Grand Prix. C’est pourquoi je recommande à tous les amoureux de l’Amour d’aller le visionner dès qu’il sera disponible en Romandie, courant décembre. Ce film nous permet de prendre conscience à quel point c’est une chance d’avoir la liberté de choisir notre âme sœur.
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Chronique : Orégane
Animation : Emma
Réalisation : Candice, Noé
Crédits photos : Condor Distribution
Première diffusion antenne : 5 novembre 2024
Mise en ligne : Orégane
Publié le 11 novembre 2024
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