Vous reprendrez bien une part de Mon gâteau préféré
Il est des films dont on ne peut pas mettre de côté le contexte de production tant celui-ci résonne avec le contenu de l’intrigue.
C’est le cas de « My Favourite Cake » ou « Mon gâteau préféré » pour la version française. C’est un film qui nous vient d’Iran et qui a été réalisé par Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha. Une production et un tournage compliqués – pour ne dire que ce mot là – puisque se déroulant durant le mouvement « Femme, Vie, Liberté » de 2022 en Iran avec notamment un tournage qui devait se faire en secret.
Pour autant, pas question pour les deux cinéastes de renoncer à ce projet qui donne la parole à une femme et montre une partie de la réalité de la société iranienne. D’ailleurs, il et elle avaient déjà travaillé ensemble sur le film « Le Pardon » en 2020 – interdit en Iran – et qui leur avait valu des poursuites en justice durant deux ans.
Alors quand « My Favourite Cake » a été sélectionné en compétition de la Berlinale 2024, les deux réalisateur·rices se sont vu·es ni plus ni moins que confisquer leurs passeports par les autorités iraniennes.
A Téhéran, Mahin vit seule. Sa fille est partie vivre à l’étranger, son mari est décédé depuis 30 ans. Elle s’occupe de son jardin, fait ses courses, regarde des films à l’eau de rose. Un jour, elle et ses amies se réunissent pour un diner. Elles vont lui conseiller de chercher l’amour. Qu’à cela ne tienne, Mahin décide de reprendre sa vie en main et de réveiller la passion. Elle jette son dévolu sur Faramarz, un chauffeur de taxi. Entreprenante, elle le séduit. Il va entrer dans sa vie, dans sa maison, dans sa nuit. Ils vont se raconter, se confier sur la solitude, l’amour, leurs peurs et les libertés du passé. Mais aussi boire du vin, danser et rire. Elle lui prépare un gâteau, il répare les lumières du jardin. C’est le début d’une soirée mémorable. C’est simple mais c’est beau.
Ce qui saute aux yeux en premier, c’est la solitude de Mahin. Une solitude qui est très bien mise en scène : cette truculente veuve se retrouve dans de nombreux plans larges et fixes où elle est seule au milieu, immobile et entourée de vide, celui de sa maison mais aussi au restaurant, dans un parc, en ville.
Le film prend le temps, pas d’enchaînements des séquences mais des plans qui durent, nous faisant ressentir le temps qui passe, souvent trop long quand on est seul. C’est tout le propos du premier tiers de ce film que de nous présenter la solitude que vit Mahin.
Mais il interroge surtout sur ce qu’il est possible de faire en Iran, pour une femme, pour une veuve, alors que toutes les lois du pays tendent à retirer aux femmes leurs droits, leurs libertés et leur vie tout simplement. Quel est leur quotidien et quelles sont leurs possibles résistances ? Mahin, 70 ans, vernis à ongles rouge et fard à paupières bleu résiste en reprenant le contrôle sur sa vie sentimentale. En parlant d’amour, de passion et de séduction à la barbe du régime.
C’est porté par l’interprétation formidable de Lily Farhadpour, à la fois mélancolique, douce, pétillante et surprenante. Et son comparse, Esmail Mehrabi dans le rôle de Faramarz, touchant de simplicité.
Je ne suis pas sûre qu’on puisse pleinement comprendre, vu de chez nous, la force, le pouvoir de cette résistance par le bonheur et la joie que procure cette rencontre à Mahin et Faramarz. Ce moment de bonheur, volé au système autoritaire, qui se présente et qu’on ne peut pas refuser. Ce dont je suis sûre, c’est qu’on reçoit plein de choses de cette histoire, c’est sensible, drôle et amer en même temps. À voir avec une part de votre gâteau préféré.
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Chronique : Sophie
Animation : Emma
Réalisation : Alexis et Luis
Première diffusion antenne : 17 février 2025
Crédits photos : Cineworx
Mise en ligne : Sophie
Publié le 24 février 2025
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