menu Home search
CinemaÉcransLa Quotidienne

Une réussite totale : The Landscape and the Fury

Johan | 28 mai 2025

Je poursuis mon voyage dans les sorties documentaires sur les écrans suisses. Après Ernest Cole Lost and Found il y a 3 semaines , après les Immortels la semaine dernière, pour lesquels j’étais ressorti un peu mitigé, voici the Landscape and the Fury de la journaliste et documentariste suisse Nicole Vogele. Et ici, clairement, plus de réserves, mon cœur, mon corps et mon esprit s’alignent à l’unisson pour louer ce pur et novateur objet cinématographique

Laissez-moi d’abord vous raconter rapidement la genèse de ce film unique en son genre. Tout commence par la personnalité de Nicole Vogele : journaliste d’investigation – elle a reçu le prix du journaliste suisse en 2020- elle s’est toujours également passionnée pour la forme et la narration poétique – elle est d’ailleurs professeur d’image en mouvement à l’université des beaux-arts de Dresde. Son travail de journaliste l’a amené à réaliser de nombreuses enquêtes sur les frontières extérieures de l’UE et notamment celles entre la Croatie et la Bosnie ou elle avait réussi à démontrer les exactions des policiers croates sur les migrants: vols, coups et blessures, humiliations et j’en passe.

Ses reportages ont été remarqués mais elle trouvait que le format court ne rendait pas compte de toute la puissance et du mystère de ce lieu si particulier, ce coin de frontière entre la Croatie et la Bosnie. L’idée The Landscape and the Fury part de là , c’est une plongée dans ce coin reculé d’Europe Centrale hanté par la guerre, la fureur du monde, le tout dans une nature parfois presque monstrueuse . Nicole Vogele place sa caméra autour et dans un petit village ,presque un hameau entouré de forets épaisses et sombres dans lesquels se joue le jeu désolant du monde entre policiers déshumanisés et migrants abandonnés

Le film est une suite de plans fixes sans voix off comme un kaléidoscope de sensations , d’informations qui petit à petit s’agrègent pour donner une vision riche et complexe ce de village faussement tranquille. La réalisatrice s’arrête longuement sur la nature , les traces de vie humaines passées par ici et depuis disparues, . Pour vous donner une idée, le film commence presque comme Blair Witch , une caméra une petite lumière dans la nuit dans la forêt , des voix, des personnes qui essayent de se cacher ou simplement d’avancer… le film nous laisse comme ces migrants , perdus mais devant trouver nos repères. Petit à petit dans le film , on va ainsi apprendre à connaitre le village, les habitants , les lieux de vie notamment pour les migrants qui s’arrêtent quelques jours. La réalisatrice ne pose jamais de questions, elle capte des moments de vie toujours avec une exigence formelle incroyable .

Il faut comprendre ici que le film n’est au début pas facile d’accès car il ne suit pas les codes de narration ordinaires et il est très contemplatif. Pas d’explications , pas de trame classique, pas de héros, ou de personnages principal ce documentaire est une proposition sensorielle presque trippante ou vous comprenez progressivement les différents strates que recouvrent la réalité montrée. Ainsi au début vous voyez une forêt , puis à travers d’autres plans vous comprenez que ces forêts sont le passage de migrants refoulés, puis à travers des plans sur des carcasses de tanks ou des démineurs , vous comprenez aussi que la guerre a été présente dans cet endroit. Plus vous entrez dans le film, plus ces lieux vous happent et vous hantent… Par son pari formel et le travail sur le son, la réalisatrice arrive à donner une profondeur folle à son documentaire en nous faisant ressentir dans une forme de temps élastique, les cicatrices liées à la guerre ou à la fuite mais aussi l’espoir et la fraternité qui résistent.

C’est tellement rare aujourd’hui de trouver un film qui se démarque autant en prenant des partis pris si audacieux en termes de construction et de forme et surtout avec une telle maitrise. Nicole Vogele a réalisé pour moi un documentaire quasi parfait qui parle autant à notre intelligence – on a un vrai plaisir à relier progressivement les différentes scènes entre elles – à notre corps, on est pris de façon quasi organique dans ces plans grâce à l’esthétique et le son immersif incroyable et enfin à notre cœur : la peur, l’espoir , l’humanité surgissent régulièrement dans le film. Alors sortez es sentiers battus, allez voir The Landscape and the Fury, vous n’oublierez pas ce film.


Chronique : Johan
Animation : Emma
Réalisation : Lyes et Theo
Première diffusion antenne : 22 mai 2025
Crédit photo : Outside The box
Publié le 28 mai 2025

Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast

Une publication de Johan


Envie de soutenir un média gratuit,
indépendant et local ?

Rejoins Vostok+


Commentaires

Pas encore de commentaire pour cet article.

Commenter




play_arrow thumb_up thumb_down
hd