The Outrun : la beauté de la nature pour soigner ses maux
Avant de commencer cette chronique, j’ai eu une importante mise en garde à annoncer : même si l’adaptation de jeux-vidéos est devenue une véritable mode au cinéma, le film the Outrun n’en est pas une et n’est donc pas la version cinéma du célèbre jeu des années 90 Outrun sur SEGA Master System ! Donc n’allez pas au cinéma en espérant voir un film sur de jolies femmes ou de beaux garçons roulant en Ferrari Testarossa ! Vous risqueriez être un peu déçu.
The Outrun est un long métrage allemand de Nora Fingscheidt, adaptation des mémoires de Amy Liptrot . Ces mémoires et donc ce film abordent le combat d’une jeune femme – Rona – jouée par la magnifique actrice Saoirse Ronan – qui, après être devenu alcoolique lors de sa vie londonienne, essaye de s’en sortir et de revenir sobre en retournant sur les lieux de son enfance, les Iles Orcades en Grande Bretagne. Grosso modo des iles sauvages, superbes, isolées au Nord de l’Ecosse ou vivent encore ses parents séparés. Ce retour aux sources et ce combat intérieur est l’occasion pour l’héroïne de se souvenir des moments de sa vie qui l’ont amené dans cet abime. D’où le titre car the Outrun en anglais c’est en même temps l’excès (d’alcool ici) mais aussi le dépassement, le dépassement de soi même pour s’en sortir dans le cas présent.
Deux travers sont généralement à craindre pour ce type de récit : soit un côté trop linéaire, monotone ; soit un côté hystérique larmoyant au regard du sujet. Autant le dire tout de suite, ce film évite ces deux écueils avec grâce. Il y a une forme de sincérité et de retenue due au talent et à la grande complicité qui a animé les trois femmes qui sont à l’origine de ce long métrage : la réalisatrice bien sûr, Nora Fingscheidt, l’auteur de l’autobiographie qui a co-écrit le scénario et l’actrice Saoirse Ronan qui est aussi la productrice du film. La réalisatrice et l’actrice se sont tellement appropriées cette histoire que l’héroïne du film s’est finalement appelée Rona – petit jeu, voyez-vous le lien ? Rona est l’anagramme de Nora et est également très proche du nom de l’actrice Ronan … au-delà de cette sincérité et de l’amour qu’elles avaient pour le personnage principal, surtout elles ont réussi à faire un très beau film pendant lequel on ne s’ennuie pas. Les raisons profondes et plus concrètes qui ont amené Rona à sombrer dans l’alcool puis à vouloir s’en sortir nous sont livrés progressivement, par légères vagues de souvenirs. Cela permet de densifier le récit et de comprendre de mieux en mieux l’héroïne, les raisons de son mal-être puis de son envie de rédemption : notamment un père bipolaire, une agression ou encore un bel amour détruit par l’alcool …
Mais comme je le disais, ce n’est pas un film larmoyant, déprimant, au contraire c’est le combat et l’espérance qui nous touche ici. Cela est magnifiquement mis en scène avec des paysages exceptionnels et une actrice lumineuse de naturel.
Saoirse Ronan porte le film de bout en bout et est d’une stupéfiante sincérité. Surtout la mise en scène nous entraine parfaitement dans son monde : le Londres festif avec un côté un peu Euphoria (la série) ou l’on ressent l’effet puissant de la musique combinée à la drogue ou l’alcool, comment on est pris par ce puissant cocktail et l’euphorie qui en découle. Mais aussi la beauté, la majesté, je pourrais même dire la sacralité de la nature. Celle-ci joue un rôle majeur dans le film, tout d’abord dans l’apaisement, Rona aime et se sent bien dans cet environnement sauvage. Puis la nature va même forcer ou en tout cas aider l’héroïne à se réouvrir au monde. Notamment dans une belle scène ou devant une falaise attaquée par une tempête elle cesse d’écouter ses boucles électro pour finalement ressentir le grondement, la force vitale de la nature… C’est un film presque bjorkien : la mer, la nature omniprésente avec la beauté des Iles Orcades et la musique bien sûr. Il ne manque que l’Islande finalement et Michel Gondry 😉
La réalisatrice montre les moments durs de l’alcoolisme – ceux qui mènent aux accidents, aux ruptures, ou encore au manque- mais ne s’y attarde pas. The Outrun est surtout un film sur l’après, comment on réussit ou non à devenir sobre, qu’est ce qui nous permet de soigner le mal être que l’on a parfois en soi et qui nous fait parfois détruire nos propres vies. Rona a comme béquille l’alcool et c’est clairement un mauvais choix mais on a tous nos propres béquilles pour supporter la vie et ses blessures : ça peut être le refuge dans le travail, la religion ou encore sa famille ou ses amis. Cette histoire vraie nous montre qu’il faut s’accrocher mais que ça en vaut la peine. Surtout the Outrun par sa modernité, sa beauté nous montre qu’un film peut parler d’un sujet dur sans être plombant. The Outrun est un film réussi et lumineux, allez -y.
Chronique : Johan M.
Animation : Emma
Réalisation : Marlon, Christian
Crédits photos : BBC Films / Protagonist Pictures / Arcade Pictures / Brock Media
Première diffusion antenne : 21 octobre 2024
Mise en ligne : Johan
Publié le 24 octobre 2024
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