Six Months of Sun – Creatures: À la chasse aux monstres

Un album qui fera plaisir à notre gosse intérieur ou aux amateurs et amatrices de kaijus. ‘’Ningen’’, ‘’Dobhar Chu’’, ‘’Vatnagedda’’, ou ‘’Shai-Hulud’’, non je suis pas en train de faire une incantation, c’est bien quelques titres du nouvel album de Six Months of Sun. Chaque morceau porte le nom d’une créature mythique, ou plus généralement qui appartient au folklore de différentes populations. Six Months of Sun, ou pour celles et ceux qui jouaient à Candy Crush en cours d’anglais, six mois de soleil, c’est déjà un nom de groupe qui a trait au mythe puisqu’à Genève on est plutôt sur onze mois de ciel gris, mais je m’égare.
Six Months of Sun nous font voyager à travers plusieurs cultures aux origines et époques diverses via leurs créatures de folklore respectives. C’est un peu l’occasion de tester sa culture générale, mais si un nom ne te parle pas Emma, t’inquiète pas j’ai potassé mes fiches Wikipedia. J’étais même à deux doigts de switcher sur une chronique mythologie, et Radio Vostok se serait appelée Arte pendant 5 minutes.
J’ai ressenti cet album comme une véritable chasse aux monstres, où chaque morceau écouté agrandissait un peu mon bestiaire. Six Months of Sun se définissent comme un groupe de stoner-metal, et c’est probablement le style le plus adapté pour mettre en musique des créatures légendaires. C’est lourd, c’est lent, c’est puissant, on a souvent l’impression d’être en face du monstre évoqué. En gros, c‘est comme un album des bandes-originales de boss de jeu vidéo.
On tombe directement dans cette ambiance menaçante et sauvage avec le premier titre de l’album, ‘’Zaratan’’. Pour info, zaratan est le nom donné dans la littérature arabe à des tortues géantes qui portent des îles entières sur leur dos – oui, grâce à cet album vous pourrez frimer en soirée et paraître cultivé-e.
Aidé par la composition de l’album, ce titre, comme les autres, te met face à une créature titanesque et imposante. Une composition en trio, et sans la moindre trace de chant.

Six Months of Sun est un groupe instrumental avec le minimum syndical: guitare-basse-batterie. On recherche l’efficacité, et c’est probablement une des raisons qui fait que les morceaux de ‘’Creatures’’ ne durent jamais plus de 4 minutes. Le trio affirme trouver ses inspirations chez Black Sabbath et Led Zeppelin, des groupes connus pour jouer fort. Ça se remarque bien du côté de la gratte: L’enchaînement des accords donne un ton menaçant, et c’est soutenu par les deux autres instruments. À ça, on peut ajouter quelques influences plus prog. Il m’a semblé déceler du Tool ou du Dream Theater dans certains morceaux comme ‘’Ningen’’ ou ‘’Shai-Hulud’’ -oui, comme dans ‘’Dune’’, et parfois des influences plus pêchues et énergiques, comme dans ‘’Jersey Devil’’, un morceau nerveux qui fait bien taper du pied. un titre d’ailleurs tout à fait à propos pour un cryptide mi-cheval mi-chèvre mi-chauve-souris (oui, je schématise un peu).
Pour moi, c’est le morceau qui résume bien la première moitié de l’album, mais je trouve dommage le fait qu’il arrive à la fin de cette première partie, où on atteint les limitations de l’instrumental. En ayant écouté ‘’Creatures’’ d’une traite, j’avais comme une impression de déjà-vu entre certains morceaux, et j’étais un peu laissé sur ma faim. Composer des morceaux uniquement pour des instruments, ça comporte toujours le risque de tourner en rond. On peut se laisser transporter par l’ambiance, mais c’est aussi l’occasion de tester des trucs pour faire évoluer les morceaux: ajouter des samples, des instruments peu communs, des effets sur la guitare ou la basse, ou bien encore des mesures irrégulières, par exemple. Ça fait que si j’ai trouvé les 4-5 premiers morceaux cools, ils m’ont pas plus impacté que ça, en particulier parce que les possibilités de l’instrumental n’étaient pas totalement exploitées. Et couplé à un mixage qui manque cruellement de fréquences aiguës par moments, certaines parties qui devraient bien nous exploser à la tronche manquent un peu de piquant.

Six Months of Sun nous font cependant un 180 degrés à partir de ‘’Dohbar Chu’’ (une créature mi-chien mi-loutre géante irlandaise). Le morceau change radicalement la manière d’écouter l’album, et attire l’oreille dans une ambiance plus mystique, où la guitare nous plonge dans les eaux troubles du Lac de Glenade.
C’est un morceau de transition pour ‘’Creatures’’. Après l’effervescence de ‘’Jersey Devil’’, ‘’Dobhar Chu’’ vient calmer le jeu en une minute -littéralement.
On débouche ensuite sur ‘’Wendigo’’, mon morceau préféré de l’album. C’est également le morceau le plus long de ‘’Creatures’’, avec 6 minutes et des poussières de lourdeur à 5 temps. Pour moi, ce morceau exploite comme il faut le potentiel de l’instrumental: Les mesures irrégulières donnent une sensation de déséquilibre qui maintient l’attention, le développement est super bien construit, et la composition suit un fil rouge du début à la fin tout en prenant quelques libertés.

Au final, même si certains aspects de la compo sont parfois sous-exploités, ‘’Creatures’’ remplit très bien sa mission de traduire des êtres fabuleux et autres cryptides en musique, notamment grâce à son ambiance bien construite. Qu’on ait envie de se laisser porter par une musique lourde qui investit l’espace, ou bien qu’on veuille se faire raconter une histoire avec ‘’Wendigo’’ ou ‘’Dobhar Chu’’, Six Months of Sun ont réussi à créer un bel univers mythique, et je me vois déjà faire des parties de Donjons et Dragons avec cet album en fond. Pour avoir une idée plus précise de la patate que ça peut avoir, Six Months of Sun verniront leur album ce samedi 14 à l’Usine.
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Chronique : Lionel
Animation : Emma
Réalisation : Marlon, Alexis
Première diffusion antenne : 9 décembre 2024
Crédits photo: Florian Mallet (@_florian.mallet_)
Publié le 11 décembre 2024

Une publication de Lionel