Rapide, et vite oublié
Je pense que le brainstorming pour trouver le titre du film n’a pas été très long puisqu’il en est ressorti un très humble « Rapide ». Allez, contentez-vous de cet adjectif. « Rapide » donc est un film réalisé par Morgan S. Dalibert. C’est l’histoire de Max, une jeune gosse qui fait un essai en karting et se révèle en championne de formule 1. Passée cette révélation quasi christique, elle enchaine les victoires sur les courses junior et intègre même une prestigieuse académie. Mais Max est une fille dans un monde de mecs et un accident vient tout remettre en question. Son retour à la compétition adviendra grâce à un ancien pilote qui va croire en elle pour la pousser au plus haut niveau.
Alors… bon bon bon bon bon… Cet air n’est pas bon signe… Non alors, je dramatise. C’est une comédie française qui fonctionne comme divertissement. C’est bien rythmé, un minimum pour un film qui s’appelle rapide tu me diras…
Il n’y a aucune grosse surprise dans le scénario, ça suit tellement à la lettre l’arc narratif multi utilisé du talent inné contrarié par les événements de la vie qui revient sur le devant de la scène après avoir failli laisser passer sa seconde chance. Donc c’est facile de prévoir scène après scène ce qui va arriver par la suite. Mais on ne cherche pas forcément l’originalité quand on va voir un film de divertissement. Donc pourquoi pas.
Le casting est entrainé par Paola Locatelli dans le rôle de Max, Anne Marivin qui joue sa mère et un petit rôle pour le toujours très bon Tchéky Karyo. C’est complété par Alban Lenoir dans le rôle du mentor, un poil cabotin mais qui peut vous arracher un sourire dans un moment de faiblesse. Une très belle découverte pour moi, c’est Mathilde La Musse dans le rôle de la nouvelle meilleure copine de Max.
Allez, j’y vais, j’en ai gros sur la patate, ça se sent. J’aurais pu me satisfaire de tout ça, partir du principe qu’on a besoin de divertissement frais et léger, sans surprise, juste le bon petit film qui passe le temps.
Mais là pardon, il va falloir revenir sur les messages véhiculés par cette histoire.
Ce film développe des enseignements qui arrivent à la hauteur d’une formule 1 c’est-à-dire au ras du sol. Le film voulait sans doute porter un message féministe : les difficultés pour les femmes d’entrer dans des mondes d’hommes, qui leur sont fermés uniquement parce qu’elles sont des femmes et pas en raison de quelconques capacités. Malheureusement, le film replonge les deux pieds, les bras, les roues et toutes les écuries avec dans une morale bien lourde sur les bienfaits de la méritocratie. Vous êtes une femme et souffrez de discriminations arbitraires et d’un système patriarcal qui a érigé des règles pour vous laisser sur le bas-côté ? La solution ? Soyez la meilleure et prouvez que vous le valez bien. Merci marque-dont-je-ne-prononcerai-pas-le-nom, vous reprendrez bien un petit shampoing allez. Sauf que quand la possibilité même d’accéder aux circuits automobiles passe par la rencontre fortuite et le bon vouloir d’un mécène millionnaire, on voit bien que la méritocratie a du plomb dans l’aileron. Alors entendre en fin de film que « c’est sur la piste qu’on gagne le respect et que sur la piste, il n’y a pas d’homme ni de femmes, juste des pilotes », pardon mais j’ai un rototo. Bah non choupette, la preuve c’est que sur la piste y’a pas de femmes et y’a que des hommes. Alors que la F1 – rappelons-le – est une discipline mixte.
C’était pourtant pas compliqué, ça tenait en une phrase « J’ai conscience que j’ai la chance d’avoir eu sur ma route quelqu’un de riche et influent pour m’ouvrir les portes de ce monde ». Recourir à la notion de mérite alors qu’elle doit sa place à la rencontre fortuite avec un mécène fortuné, c’est fort de café. Qu’on choisisse de recycler un scénario vu mille fois, okay pourquoi pas, vive le recyclage. Mais au moins qu’on l’illustre avec une thématique nouvelle et en phase avec notre société. Il y avait tant à dire sur l’accès à certaines pratiques qui sont réservées soit aux hommes soit aux personnes aisées, soit les deux à la fois comme dans le cas de la formule 1.
Mais au final, le message n’est pas de questionner ce que c’est que d’être une femme dans un monde d’hommes, quelles sont les barrières, les obstacles, les possibilités ou non de faire changer les choses. Mais bien plutôt de rendre désirable le fait de faire partie d’une élite, de réussir à devenir une exception. Sauf que le contre-exemple ne fait pas la règle générale, il n’est qu’étendard pour tenter de conserver un système qui ne profite qu’à une minorité.
Rapide c’est l’adjectif qu’on espérait utiliser pour décrire la concrétisation de l’égalité entre femmes et hommes.
Rapide, c’est finalement un film trop long pour ce qu’il a à nous raconter.
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Chronique : Sophie
Animation : Lionel
Réalisation : Laure
Première diffusion antenne : 14 avril 2025
Crédits photos : Cineman
Mise en ligne : Sophie
Publié le 29 avril 2025
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