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La QuotidienneMusique

Naufrage – 1990: Là pour faire des vagues!

Lionel | 30 mai 2025

-1990, l’Ep de Naufrage, est sorti ce premier mai. Vu le titre de l’album, est-ce que selon Naufrage, ‘’c’était mieux avant’’?

-Disons qu’on a un regard plutôt cynique sur la vie d’adulte. Les Genevois de Naufrage signent leur premier opus avec 5 titres punk-rock, et comme tout bon groupe de punk qui se respecte, il faut critiquer et dire que la société, c’est nul. Bon, soit, mais c’est pas les trucs à dénoncer qui manquent: les inégalités salariales, les assurances maladies qui augmentent chaque année, le racisme qui est devenu un argument valide pour se faire élire, le harcèlement à l’école, la dépression, Lauren Sanchez qui va chercher son prix de l’écologie en yacht, Katy Perry qui va dans l’espace, ou encore le fait que les gens disent ‘’qui ça qui ça’’ dans ‘’Les Démons de Minuit’’. Eh bien, Naufrage a décidé de s’attaquer à un des éléments qui rendent ces choses possibles: la passivité face à tout ça. En 5 titres, le groupe dénonce une sorte de stagnation dont les gens sont victimes. On ne cherche plus à se bouger, on préfère activer le mode spectateur en se disant ‘’de toute façon, j’y peux rien’’, et on se laisse mollement guider dans la tiédeur.
“La révolution est morte, tuée par le juste milieu”. Face à une société qui nous dit toujours de ne pas en faire trop, de pas être trop extrême ou trop virulent-e sur ses idées, sinon ça ‘’dessert la lutte’’, Naufrage attaque cette attitude de ne jamais vouloir se mouiller.

-Ça fait donc 5 titres sur la monotonie de la vie?

-Naufrage a différentes manières d’aborder ce thème. Sans aller dans la dissertation et nous bassiner avec des discours de 4 heures, Naufrage arrivent à bien naviguer entre quelques thèmes récurrents: le confort malsain du 21ème siècle, une existence lisse et calculée, la passivité grandissante, en bref, un modèle de vie qui ne fait aucun remous. Et surtout, Naufrage sont pas là pour donner des conférences, mais pour pousser une gueulante avec du punk bien bourrin – oui, j’en arrive enfin à la musique! C’est difficile à juger dans le punk-rock parce qu’il y a souvent maximum 3 accords et demi dans ce style, mais les musiciens de Naufrage tiennent tous bien la barre. Naufrage s’écarte quelques fois des sentiers battus et parvient à intégrer des fioritures et des variations qui rendent l’album dynamique. ‘’Les Interstices’’ nous surprend avec une outro peu conventionnelle, et les harmonies sur le solo de guitare de ‘’Debout dans la Tombe’’ donne une nouvelle énergie au morceau.

Les guitares et la basse rendent toutes les compos catchy et efficaces, et derrière, la batterie mouline à grands coups de double-pédale et ajoute une belle touche de puissance. Globalement, l’album est très bien équilibré, et les musiciens ont la place pour se faire plaisir sans se marcher dessus. On peut donner le crédit qu’il faut à Naufrage, puisqu’ils font tout eux-mêmes, et ‘’1990’’ sonne parfois mieux que certains studios pros…

-Et le plus important, dans le punk, au-delà de l’énergie, c’est la voix et les paroles.

-Une voix rauque et insolente crie sa rébellion et son ras-le-bol par-dessus les instrus, même si on sent que le chant crié comme ça n’est pas dans la tessiture préférée du chanteur. Et pourtant, on peut applaudir la performance vocale, parce que c’est galère de chanter comme ça – moi je le fais seulement quand je chante du Linkin Park en karaoké, et j’ai mal à la gorge le lendemain. Je trouve surtout que le contraste entre la voix clean et le cri est vraiment intéressant, et on aimerait que Naufrage exploite un peu plus cet aspect du chant. On s’en rend compte dans ‘’La Victoire de la Routine’’, quand la voix prend un timbre plus bas et plus intime.

‘’1990’’, c’est la désillusion de quand on était enfant et qu’on voulait croquer le monde à pleines dents, tout ça pour à présent avoir un taff alimentaire et s’acheter des pâtes qui deviennent elles aussi un produit de luxe.

-Donc Naufrage pose la question existentielle: Peut-on encore faire du punk-rock quand on a passé les 30 ans?

-Alors, peut-être qu’il faudrait trouver une alternative aux Vans et aux casquettes à l’envers, mais c’est un souci de second plan. Il y a toujours eu des choses contre lesquelles se rebeller, et tant qu’on a un message à faire passer, il n’y a pas d’âge pour pousser une gueulante en musique. Et puis, si on devait mettre une limite d’âge pour certains styles de musique, ça ferait longtemps que Patrick Sébastien aurait été banni des studios d’enregistrement.

-J’espère en tout cas que cette prière sera exaucée, et pour lui donner de la force, on s’écoute ‘’Les Interstices’’, de Naufrage.


Chronique : Lionel
Animation : Emma
Réalisation : Laure
Première diffusion antenne : 26 mai 2025
Crédits photos: DR (droits réservés)
Publié le

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Une publication de Lionel


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