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Lettres d’amour et de guerre, une correspondance touchante

Martin | 20 février 2024

La loi des médias est toujours la même, il suffit d’une crise pour en oublier une autre. Ainsi, la guerre en Ukraine a balayé le Covid, avant d’être à son tour effacée par la montée en intensité du conflit israélo-palestinien. Mais là où les médias n’arrivent pas à nous intéresser de manière durable, la littérature est une alternative. Elle nous ancre, et fait germer des sujets et des préoccupations en nous, qui nous resteront longtemps. Et c’est bien le cas de ma dernière lecture.

Dans « Lettres d’amour et de guerre », publié aux éditions de l’Iconoclaste, on plonge au cœur de l’intimité d’un couple ukrainien, et par extension, au cœur de l’Ukraine et de son histoire.

Pavlo Matyusha n’avait pas l’obligation de s’engager dans l’armée. Tout homme avec 4 enfants ou plus n’est pas tenu de combattre. Mais il a tout de même pris la difficile décision de quitter sa famille pour empoigner une arme. L’Ukraine est son pays, sa patrie. Elle allait avoir besoin de lui, et de tous les hommes capables, pour résister à l’envahisseur.

De son côté, Viktoriya est seule à Paris avec leurs quatre enfants. Elle est terrassée par la solitude, la peur de perdre son mari, les histoires qu’elle doit raconter à ses enfants. Quand est-ce qu’il rentre papa ? Dans trois minutes ? Dans trois heures ? Dans trois jours ? Certains enfants sont trop petits pour comprendre la mesure des années.

Le couple bat de l’aile. Viktoriya ne comprend pas la décision de son mari. Pavlo avait le choix. Pourquoi tout risquer au nom du devoir ? Est-il un devoir plus important que de s’occuper de sa famille ? Ces priorités divergentes créent des fissures dans leur relation. Ils ne se comprennent plus.

Alors ils s’écrivent. Fini la messagerie rapide, les textos, l’instant sans réflexion. Ils posent sur le papier ce qu’ils n’auraient peut-être pas réussi à se dire autrement. Lui, lui raconte les horreurs de la guerre, le cri des blessés, le silence des morts, les pleurs des survivants. Elle, lui raconte les enfants, son incompréhension, ses peurs.

Mais surtout, il parle de leur amour, de l’infini plaisir qu’ils ont eu à passer leur vie ensemble, et de l’espoir de nombreuses années à venir. On pourrait croire que les soldats du front ne parlent que de mort. Mais non. Ils parlent de vie. De leurs couples, de leurs sentiments. Ils sont en vérité tétanisés à l’idée que leur couple éclate. Le nombre de divorces en Ukraine a pris l’ascenseur depuis 2022. Pour reprendre une formule du livre : dans la vraie vie, Pénélope n’attend pas Ulysse éternellement.

Ils parlent aussi de l’Ukraine, de l’état du pays, de son histoire tragique. Mais ils sont sûrs d’une chose. Peu importe ce qu’il arrivera, le pays ne se rendra jamais.

Pavlo le dit bien dans une des lettres : Et nous, nous sommes les descendants de ce peuple, qui repose dans des cimetières ou le long de routes, près de gares sans nom, un peuple qui a été attaqué par le feu, par les bombes, par les armes, pendant des siècles de bataille. Mais notre sang continue à circuler, notre cœur à battre : personne n’a réussi à nous détruire.

À l’heure où les légions des ténèbres déferlent dans la campagne et que le combat semble sans fin, ce sont ces quelques lettres qui leur apportent de la lumière, et surtout, de l’espoir.


Chronique : Martin
Animation : Emma
Réalisation sonore : Molham et Martin
Première diffusion antenne : 12 février 2024
Mise en ligne : Martin
Crédit photo : Martin
Publié le 12 février 2024

Une publication de Martin


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