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CultureExposLa Quotidienne

Les cheveux gris s’exposent aux Bastions

Céline | 1 mai 2024

Si vous êtes passé récemment par le parc des Bastions, elles ne vous ont certainement pas échappé. Leur point commun ? La couleur de leurs cheveux ! Depuis début avril, des Genevoises affichent fièrement leur crinière grise le long de l’allée centrale. Baptisée « Silver Power », l’exposition de photos de Ghislaine Heger met en lumière des femmes qui ont osé dire non aux teintures. Une décision qui est tout sauf anodine.

« Ça vieillit », « Ça fait un peu négligé », « On dirait une sorcière », « tu peux le faire, mais sache que plus aucun homme te regardera ». Ou encore, et c’est peut-être la pire de toutes, « Faudra compenser avec le maquillage ».

Voilà le genre de remarques agréables, et surtout très encourageantes, qu’on entend lorsqu’on parle de femmes aux cheveux gris.

Ahhh.. quelle injustice… quand on pense que le poivre et sel de Georges Clooney est considéré comme le summum de la sexitude !

On ne va pas se mentir, le chemin vers l’égalité s’annonce encore long. Pour les salaires, comme pour les cheveux. Mais les temps changent malgré tout.
Que ça vous plaise ou non, de plus en plus de femmes renoncent aujourd’hui aux teintures.

Les raisons de leur choix sont variées. Mais ce qui est sûr, c’est qu’à aucun moment, ce n’est qu’une question de couleur de cheveux.
Eh non, la tignasse des femmes est visiblement l’affaire de tous. Chacun à son avis bien tranché sur la question et ne se prive généralement pas d’en faire part.

Donc, plutôt que de subir en silence les remarques déplacées, autant porter le débat au cœur de la cité. Merci Ghislaine de le faire, je t’en suis reconnaissante !

Ghislaine Heger est une photographe et vidéaste vaudoise, elle a une quarantaine d’années, elle a fait la HEAD, et elle a les cheveux bruns. Dans ses projets, elle aime bien s’attaquer aux idées préconçues, déconstruire les clichés avec une approche presque documentaire. En 2017, elle avait notamment fait une expo de photo sur les bénéficiaires de l’aide sociale.

Mais revenons aux cheveux gris. Ghislaine Heger se souvient précisément du jour où sa grand-mère de 80 ans a convoqué toute sa famille pour annoncer qu’elle allait arrêter de se teindre les cheveux. La petite Ghislaine de l’époque avait eu l’impression que sa mamie se retirait du monde. Qu’elle s’effaçait…

L’idée de faire une expo sur ce sujet lui est venue bien plus tard, lors de l’épidémie de Covid. Avec la fermeture des salons, de nombreuses femmes ont décidé à ce moment-là d’assumer leur tête grise.

Évidemment, la moitié de la population ne mesure pas ce que ça veut dire puisque pour eux, le premier poil blanc qui apparaît, c’est un pas vers Georges Clooney. Tandis que pour nous, ce filament argenté annonce tout autre chose : le début de notre obsolescence programmée.

Alors qu’est-ce qu’on fait ? En bien, on commence par l’arracher pour se donner un peu de répit ! Puis arrive ce jour où l’unique cheveu blanc s’est transformé en grosse mèche grise. Et là, c’est le choix fatidique : soit on démarre le marathon des teintures, soit on laisse le temps faire son œuvre… avec le risque d’être taxée malgré nous de militante baba, ou alors directement parachutée dans le clan des seniors. À 35 ans, ça peut être difficile à vivre…

Mais qu’est-ce qui a donc décidé ces femmes à franchir ce pas ? Ghislaine Heger a photographié au total plus de 100 femmes en Suisse romande. L’exposition s’est déclinée dans plusieurs cantons avant de faire halte à Genève. Tous les portraits sont réunis dans un catalogue.

Chaque femme photographiée confie en quelques lignes le rapport, parfois complexe, qu’elle entretient avec ses cheveux. Par exemple, sa réaction à la vue des premiers signes de blanchiment, le début des teintures, les doutes et les questions, les questions et les doutes, et puis ce tournant. Ce moment où elle a osé dire non à la pression sociale.

Quel a été le déclic ? À la base, pour celles qui faisaient des teintures, il y a des raisons très triviales comme des irritations du cuir chevelu ou la lassitude de devoir se rendre chez le coiffeur toutes les trois semaines. Mais le vrai déclencheur, c’est souvent un changement professionnel ou de partenaire, le Covid ou alors une prise de conscience.

Une chose est sûre, toutes les femmes sondées gardent un mauvais souvenir de la période de transition. Ces longs mois où elles avaient une tête bicolore, avec les regards interrogateurs en prime. Une certaine Sophie raconte qu’un homme lui a demandé si elle avait des soucis d’argent et qu’elle ne pouvait plus se payer de couleur.

Une fois que le gris s’est imposé, là, en revanche, c’est un sentiment de fierté qui domine. La fierté d’avoir osé, de retrouver une forme d’authenticité et aussi de faire un pied de nez à toutes ces personnes qui les voient vieilles avant l’âge.

Certaines observations sont très drôles. Irène remarque par exemple que les hommes se retournent moins sur son passage, mais que les jeunes ne se lèvent pas plus pour lui laisser la place dans les transports public. Hélène, elle, voit ses cheveux gris comme, je la cite, « un filtre à relous et à beaufs ». Quant à Adèle, elle constate que les gens se souviennent plus facilement d’elle depuis qu’elle est « la fille aux cheveux blancs ! »

Et moi, suis-je plutôt team teintures ou cheveux gris, vous demandez-vous peut-être. Pour l’instant, je suis en pleine phase d’arrachage ! Autant dire que le temps est compté ! En toute transparence, je ne sais pas encore très bien ce que je vais faire. Dans l’absolu, je serai plutôt team grise. Ne serait-ce que pour des questions pratiques et financières. Mais je le savais déjà, et je le réalise encore plus après avoir vu l’expo, que ce n’est pas si simple à assumer… Donc, j’espère que le moment venu, je serais suffisamment forte pour oser ! En attendant, je suis d’autant plus admirative devant les femmes jeunes et actives qui ont fait ce choix et qui nous offrent un autre modèle !

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Chronique : Céline
Animation : Emma
Réalisation : Sébastien
Crédit image: Ghislaine Heger
Première diffusion antenne : 24 avril 2024
Mise en ligne : Céline
Publié le 1er mai 2024

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Une publication de Céline


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