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CinemaÉcransLa Quotidienne

La fleur de Buriti, un film magnifique, une lutte historique

Johan | 20 juin 2024

La chronique de ce soir porte sur le film – Crowra – La fleur de Buriti ; film qui se déroule dans les années 2020 au Brésil et plus précisément en Amazonie. Il s’agit du deuxième long métrage réalisé en commun par deux cinéastes brésiliens et portugais – respectivement Renée Nader Messora et João Salaviza – au sein de la communauté autochtone des Kraho.

Le film est présenté comme une fiction – il a d’ailleurs été récompensé à ce titre au festival de Cannes l’année dernière dans la catégorie un certain regard – mais il est issu d’un long processus d’immersion des réalisateurs au sein de cette communauté, communauté qui vit toujours de façon traditionnelle dans la jungle – mais j’y reviendrai tout à l’heure. Le scénario est d’ailleurs relativement simple : on va suivre la vie de la tribu des Kraho et notamment leur combat pour la conservation et la préservation de leurs terres face à la spoliation et la déforestation. Ce scénario vise aussi à présenter cette communauté d’un point de vue tant historique, que spirituel ou encore sociétal. Et pour ce faire le film s’attache à trois personnages principaux :
– une petite fille nommée Jatop
– sa maman Patpro qui souhaite aller à une conférence des peuples autochtones à Brasilia
– Son grand-oncle Hyjnõ gardien principal de la réserve dans laquelle ils vivent

Beaucoup de documentaires ou de reportages ont évidemment déjà évoqué les problématiques des populations autochtones au Brésil. Et tant mieux d’ailleurs. Tu pourrais donc me rétorquer que l’on n’a va pas au cinéma pour voir un reportage didactique même bien fait et tu aurais tout à fait raison. Mais sois rassuré et même plus sois enthousiasmé car la fleur de Buriti est un magnifique film de cinéma et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la construction et la mise en scène du film donnent une ampleur et une envergure toute singulière à celui-ci. Je disais tout à l’heure que l’histoire est relativement simple. Néanmoins simple ne veut pas dire uniforme ou ennuyeuse. En effet, grâce à la mise en scène l’histoire est éclatée en courtes séquences qui semblent – au début – disparates mais qui petit à petit vont prendre sens et donner une vraie force au récit. Tu sais c’est un peu l’adage, pour se trouver il faut d’abord se perdre. Et c’est le cas ici. On se laisse au début porter par cette alternance de scènes de vie quotidienne ou plus oniriques, on croise de nombreux personnages… et on peut être un peu perdu. Mais, au fur et à mesure, cette structure va nous entrainer et nous permettre d’être encore plus en empathie avec ces personnages. Surtout, on s’imprègne presque physiquement de la vie de cette communauté, de leur histoire, de leur relation à leurs terres. Le film nous emporte dans une spirale narrative que l’on ne quittera plus.

Le second point fort du film est son esthétisme. Cela fait écho à la construction un peu éclatée du film dont je parlais juste avant. Car s’il est intéressant de vouloir traiter les différentes strates qui composent l’âme de cette tribu, qu’elles soient spirituelles, historiques, politiques, ou encore sociétales, encore faut-il savoir le traduire en image. Et c’est le cas ici. A travers des plans magnifiques, les réalisateurs arrivent autant à restituer la beauté voire l’âme qui se dégagent de cette vie ancrée dans la nature que la vie quotidienne et l’influence de la civilisation sur le mode de vie des Kraho. La forme répondant parfaitement au fond, on se retrouve immergé voire envoûté par le rythme du film.

La fleur de Buriti possède également un versant politique. Ce film très riche et complexe par sa structure narrative arrive à donner une vision presque holistique de la communauté Kraho. Et cette immersion a évidemment pour but de nous faire comprendre pourquoi leur combat est si important. Les Kraho souhaitent juste vivre paisiblement sur leurs terres selon leurs traditions et en harmonie avec la nature. Or depuis les années 40, les grands exploitants agricoles ne cessent de vouloir s’approprier leurs terres. Et cette spoliation est toujours d’actualité aujourd’hui via du braconnage, de l’orpaillage ou encore l’utilisation illicite de leurs terres pour de l’élevage, en résumé pour du profit. Et c’est là que le film devient universel, car au final les communautés autochtones du Brésil se battent pour plus de justice sociale et environnementale. Ils veulent préserver leur terre qui les fait vivre face aux entreprises et/ou voleurs qui souhaitent au contraire l’exploiter sans vergogne. Cela ne te rappelle rien par exemple ?

En dehors des qualités cinématographiques dont je t’ai parlé, la fleur de Buriti montre que les combats des autochtones sont au final également les nôtres. Et en miroir nous glisse l’idée qu’une autre façon de vivre est possible. Car il semble bien que ces communautés arrivent à marier leurs traditions, leur vie en symbiose avec la nature, avec des éléments de la modernité. Ils ont des portables par exemple, ils vont en ville, certains voyagent. Et c’est d’ailleurs un autre point du fort du film, ce n’est pas une carte postale, c’est un reflet fidèle de la vie des Kraho aujourd’hui. La question de l’évolution de la place des femmes dans la tribu est un autre sujet traité par le film par exemple.

Mais je voudrais être clair Emma, la fleur de Buriti n’est pas un film sociologique c’est avant tout un magnifique objet de cinéma qui nous emporte pendant 2 heures. Et cerise sur le gâteau, tu vas découvrir un des animaux les plus Kawai du monde : un bébé tamanoir. Alors vraiment il n’y a plus aucune raison de louper ce film.


Chronique : Johan
Animation : Emma
Réalisation : Martin
Chargé de com : Romain
Crédits photos : trigon-film
Première diffusion antenne : 17 juin 2024
Mise en ligne : Johan
Publié le 20 juin 2024

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Une publication de Johan


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