Kompromat, une messe électro envoûtante
Musique électro et services secrets
Aujourd’hui, je vais vous parler d’un procédé inventé par le KGB sous Staline, dont le but était de nuire à une personnalité publique ou politique qui dérangeait l’État, soit en trouvant de vrais éléments compromettants sur la personne, soit, dans la majorité des cas, en les inventant de toutes pièces.
Et sais-tu comment on dit ça en russe, Emma ?
Ça se dit aussi : Kompromat ! Parce que oui, c’est de ce groupe dont il s’agit! La guerre froide, c’est fini ! (Enfin, en ce moment, pas tout à fait sûr.) En tout cas, c’est bien de musique dont on va parler.
Kompromat est un duo français composé de Vitalic et Rebecca Warrior. Leur nouvel album est sorti le 24 janvier et s’intitule Playing/Praying.
Paru sous le label Warrior Records, qui est le label de ??
– Rebecca Warrior ?
Exactement ! C’est bien, je ne t’ai pas perdu avec mes histoires de KGB.
Le duo: présentation
Mais commençons par faire les présentations : Rebecca Warrior, de son vrai nom Julia Lanoé, est une artiste dont la carrière commence au début des années 2000 avec deux duos : Mansfield.TYA avec la violoniste Carla Pallone, et un autre duo dont j’adore le nom : Sexy Sushi, où elle collabore cette fois-ci avec Mitch Silver. Elle cumule aujourd’hui, avec ces deux projets, une bonne douzaine d’albums.
Le deuxième protagoniste n’est pas en reste non plus.
Pascal Arbez-Nicolas, alias Vitalic, a lui aussi une énorme carrière : sept albums officiels, dont un disque d’or, et une quantité astronomique d’EP. Un artiste très prolifique, qui lui aussi a une carrière bien établie.
Je me permets d’ouvrir une petite parenthèse : je trouve personnellement qu’il y a à boire et à manger dans ce qu’il produit en studio. Par contre j’ai eu l’occasion de le voir sur scène, et je dois dire que c’était plutôt une bonne expérience. C’était assez varié ; je me souviens aussi qu’il avait mis un peu de temps à s’adapter à l’ambiance du public, mais qu’une fois fait, c’était très bien.
Et c’est en 2019 que le projet Kompromat est créé, né de la rencontre entre les deux artistes en question grâce à une précédente collaboration sur le titre de Vitalic “La mort sur le dancefloor”.
Les albums
Cette année-là, ils sortent un premier album nommé Traum und Existenz, dont l’une des particularités était d’être chanté uniquement en allemand. Et ça a cartonné ! Le groupe se définit comme : « un projet néo-post-punk appelant à prier sur le dancefloor ».
Et justement, en parlant de prier… Le nouvel album s’intitule Playing/Praying.
Deux artistes et deux mots qui définissent extrêmement bien le rôle de chacun : Vitalic joue, Rebecca prêche la bonne parole de l’électro en nous parlant d’amour, de sexe, et aussi parfois de mélancolie et de deuil.
La pochette
Sur la pochette, on y voit le duo déguisé en fausses silhouettes noires sur fond blanc.
La seule chose qui nous permet de voir que ce ne sont pas des ombres, ce sont les cubes blancs sur lesquels ils sont perchés, et qui nous donnent un élément visuel permettant de voir qu’il y a en réalité de la perspective, et que l’impression de deux dimensions est en fait un trompe-l’œil.
Personnellement, je trouve l’idée brillante et lourde de sens par rapport à l’album. Pour rendre Kompromat à Justice, pardon, pour rendre justice à Kompromat, il faut absolument que je vous parle de l’évolution impressionnante qu’il y a entre leurs deux albums.
Si Traum und Existenz arrivait avec une formule originale, celle-ci était également très homogène, très axée sur un ressenti global du disque.
Personnellement, j’ai trouvé ça très bien, mais un peu redondant sur la longueur, surtout à cause de la récurrence de l’allemand.
Et là, je sais, Emma, qu’on n’est pas d’accord. Moi, je trouve ça très cliché aujourd’hui, l’allemand sur de l’électro.
Eh bien, malheureusement pour toi, ils ont complètement abandonné ce concept pour Playing/Praying. Et si, dans un premier temps, c’est un choix que j’ai apprécié, finalement je regrette quand même qu’ils n’aient pas intégré cette langue parmi le français et l’anglais utilisés dans l’album. Ça aurait été un beau rappel, mais j’imagine que ça leur permet également de varier leur set en concert.
À savoir que Rebecca Warrior avait choisi l’allemand par le passé car elle ne se sentait pas assez à l’aise avec le français, ce qui, compte tenu de sa carrière, est une belle preuve d’exigence de sa part.
D’ailleurs, l’utilisation du français est impeccable : poétique, d’une rare efficacité. Cet aspect-là vient clairement de sa carrière avec Sexy Sushi et Mansfield.TYA, et elle a parfaitement compris la recette pour écrire des textes sur ce style de musique.
Pour moi, Playing/Praying est le franchissement d’un cap. Je trouve que les deux artistes se tirent vers le haut et arrivent à dépasser leur propre formule créée avec la fusion de leur musique dans le premier album, mais aussi à se dépasser eux-mêmes dans leur parcours respectif.
Cet album fait clairement partie de ce qu’ils ont fait de plus qualitatif dans leur carrière déjà impressionnante, tout en leur donnant un coup de fraîcheur.
Si je veux faire simple : le premier album, c’était Vitalic et Rebecca Warrior. Le deuxième, c’est Kompromat.
Thème de l’album
Si le précédent était très homogène, ici chaque morceau possède son univers propre. Je trouve aussi que le travail sur les prods est plus important que d’habitude chez Vitalic : il y a une volonté d’être basique et efficace, mais très bien produit. J’entends par là qu’aucun détail n’a été laissé au hasard, dans le choix des sons comme par exemple la sonorité de la caisse claire dans “I did not forget you”.
Une minutie dans les choix, qui va jusque dans la durée des titres, qui est quasi parfaite : assez longue pour entrer dans le morceau, et assez courte pour être frustré qu’il se termine. Surtout que les fins de morceaux sont souvent très abruptes et nous laissent en suspens. J’ai personnellement adoré ce choix. Mais là où je suis tombé de ma chaise, c’est concernant les voix : j’ai rarement entendu un tel travail qui mélange aussi bien les parties de Rebecca Warrior et celles des artistes invités sur l’album, tels que Vimala Pons, Sonia DeVille ou encore Christine and the Queen.
Il y a même un jeu excellent, entre les voix réelles et les samples de voix.
On notera aussi de magnifiques réverbes et des filtres intelligemment appliqués sur les parties vocales, alors qu’elles étaient très sèches et brutes sur le premier album. Playing/Praying, c’est aussi un voyage à travers l’histoire de l’électro. Chaque morceau possède des codes propres aux différents styles de musique électronique ayant cartonné dans l’histoire. Le duo réussit le tour de force de ramener des genres passés de mode sur le devant de la scène.
Il y a, par exemple, un hommage à l’électroclash des années 2000 avec le morceau “No Stranger to HeartBreak” ou bien encore à la DarkWave du label Italians Do It Better avec le morceau God Is on My Side, auquel participe la chanteuse Farah.
Playing/Praying a aussi la particularité d’être pensé pour donner la sensation d’un DJ set, ne possédant finalement que peu de titres pouvant être considérés comme des singles. On sent que nos habitués des platines ont pensé à leurs confrères.
Ce qui m’a d’ailleurs frappé, c’est la durée assez courte des différents titres, qui, j’imagine, seront étendus en concert.
En parlant de concert, j’ai d’ailleurs une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Emma, je te laisse la bonne.
– Dans le cadre du festival Antigel, nous aurons la chance de recevoir Kompromat à Genève, le 22 février à l’Alhambra.
Par contre, la mauvaise nouvelle, c’est que si vous n’avez pas déjà pris vos places, et bien c’est complet.
Sinon, on sera ravi de se compromettre avec Kompromat qui nous donne rendez-vous le 22 pour une messe électro où l’on joue, où l’on prie, et surtout, je l’espère où l’on danse.
–
Chronique : Adrien
Animation : Emma
Réalisation : Candice et Noé
Première diffusion antenne : 4 février 2025
Crédits photos : Theo Mercier et Erwan Fichou
Mise en ligne : Valérie
Publié le 13 février 2025
Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast
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