Entre western, polar et drame, Black dog est une masterclass
Il y a des films comme ça à la base c’était pas gagné. Un film d’un réalisateur mainstream chinois … dont le personnage principal est un ancien détenu mutique … qui ramasse des chiens errants… dans une ville désertée… bon on va pas se mentir il y avait plus glamour – le prochain film de Gérard Depardieu dans une production des frères Weinstein ça ça pète – ça va je déconne – c’était pour voir si tu m’écoutais.
Donc je disais à la base c’était pas gagné. Mais un peu comme une soirée ou tu n’as pas envie d’aller, dont tu n’attends rien et qui au final t’emmène sur l’autoroute du kif et de la nuit blanche ; et bien ce synopsis grâce à la magie du cinéma devient un film ébouriffant, envoutant et innovant. Et ce film – quel est t’il tu me diras ? c’est Black dog du réalisateur chinois Guan Hu qui a eu le prix un certain regard au festival de Cannes cette année. Petit topo sur le réalisateur et le contexte du film .
Guan Hu n’est pas un nouveau venu, il déjà réalisé plusieurs films – Black dog est son 12ème long métrage – ces premiers avaient un peu fait le tour des festivals internationaux dans les années nonante. Depuis il a clairement percé dans le cinéma chinois. Ce n’est pas du tout un cinéaste maudit, ne t’en fais pas pour lui. Preuve en est son avant dernier film La brigade des 800 avait été un énorme succès en Chine – 500 millions de dollars de bénéfices avec un sujet qui il faut dire ne devait pas trop déranger le Parti communiste chinois : comment 800 soldats chinois ont résisté pendant quatre jours à une vague de plus de 20 000 assaillants japonais. Donc ça passait bien.
Black Dog est un film beaucoup plus personnel : le scénario est assez simple, le personnage principal Lang sort de prison (après une condamnation pour meurtre quand même) et revient dans sa ville natale aux portes du désert de Gobi. Il se retrouve dans une situation relativement dangereuse car l’oncle de la victime- un puissant boucher – et sa bande lui en veulent toujours … On va donc suivre Lang, un garçon que l’on peut qualifier de mutique – il doit dire 5 phrases dans le film- dans un réapprentissage de la vie civile dans une ville assez spéciale. En effet, destinée à être démolie à court terme, la ville est à moitié déserte, ce qui explique les meutes de chiens abandonnés errant dans les rues … et va donc se créer une relation forte entre Lang et un chien noir. Ce fameux Black dog.
L’histoire peut sembler simpliste mais il y a une multitude de personnages secondaires intéressants et bien campés, on a aussi plusieurs arcs narratifs donnant une vraie profondeur au film : ça part d’un côté presque western, le retour du héros dans sa ville maudite, des ennemis à l’affut, en passant par un versant plus familial / social avec notamment la relation de Lang avec son père qui l’ignore, le tout intégré dans une dimension assez mystérieuse. Car comme Lang ne dit rien, on ne découvre ou devine son passé et son caractère qu’à travers ses actes, donc au fur et à mesure du récit. A cela s’ajoute cette ville étrange semi désertée propice à toutes les interrogations. Le tout dans des paysages que je n’avais tout simplement jamais vus de ma vie (pourtant je suis quand même allé deux fois dans le Valais)
Cette ville aux confins du monde, ces paysages désertiques, c’est juste magnifique. Surtout c’est très bien filmé. Que ce soit en termes de cadrage, de rythme ou d’esthétique, le film est juste brillantissime et tu ne t’ennuies jamais. Voir ces hordes de chiens dévalés les collines et débarquer dans cette ville … ville qui en plus offre des lieux incroyables comme un vieux zoo décati, un cinéma abandonné… c’est vraiment très beau.
J’avoue pour moi c’est un peu la claque de ce début d‘année, Black Dog sort vraiment du lot. Le risque du film d’auteur est parfois un rythme assez lent. Or la mise en scène est ici dynamique, accrocheuse ; les presque deux heures du film passent crème 😉 Tu vas voir des choses que tu n’avais jamais vu avant; suivre une histoire que l’on ne t’avait jamais raconté avant . Et en plus c’est intelligent, ça met en perspective les bouleversements et les mutations de la Chine provinciale au regard de la politique à marche forcée imposée par Pékin. Bref Guan Hu signe pour moi une masterclasse : je n’ose pas la faire mais Black Dog est un film qui a vraiment du chien.
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Chronique : Johan
Animation : Emma
Réalisation : Theo
Production : Romain
Première diffusion antenne : 3 avril 2025
Mise en ligne : Johan
Crédit photo : Trigon Film
Publié le xx avril 2025
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