En Attendant Ana : La French Pop séduit Baden
Le Röstigraben n’est toujours pas un fossé facile à franchir. Mais côté musique, les festivals ne ménagent pas leurs efforts pour établir des ponts entre les différentes régions. Après l’Hibernatus à La Chaux-de-Fonds qui cet hiver a accueilli une line-up permettant aux programmateurices de faire leur marché des deux côtés de la frontière linguistique, c’était ce weekend au tour du One Of A Million Festival (OOAM) d’organiser une rencontre intercantonale.
Avec une ouverture stylistique bien différente cependant, un peu trop peut-être, parfois difficile à suivre. Indie-pop/rock, musique électronique, avec quelques incursions du côté du post punk et de l’expérimental, le OOAM poursuit ses ambitions de mettre en avant la scène émergente, qu’elle soit nationale ou internationale.
Et forte de sa décennie d’expérience l’équipe du OOAM ne s’y est pas trompée quant à la tête d’affiche programmée pour ce dernier soir de festival, après une édition 2025 d’une semaine, répartie dans différents lieux de la très paisible Baden. Car sans minimiser la programmation Suisse, largement dominante, c’est bien un groupe français qui a fait monter l’équipe de Vostok dans un train direction l’Argovie.
Présent dans notre playlist depuis 2019 avec leur titre Down The Hill, les parisien·nes d’En Attendant Ana étaient de retour en Suisse continuant d’écumer les scènes pour présenter au monde Principia, leur très acclamé dernier album. Mais deux ans exactement après cette sortie qui a assis leur position de figure de proue de l’indie-pop française, les cinq musicien·nes, bien rôdé·es par une tournée notamment passée par les Etats-Unis prouvent qu’ils et elles sont loin d’être le groupe d’un seul album.
Car si Principia est évidemment au centre du set, En Attendant Ana ne renie aucune de ses origines et influences, laissant une place importante aux titres et sonorités de leurs LP précédents, rappelant que si le groupe est désormais clairement identifié comme pilier de la French Pop, leurs racines puisent également dans le lo-fi et le garage. De quoi embarquer même les plus hermétiques au style.
En cause une précision musicale quasi chirurgicale où chaque élément a parfaitement sa place. Si l’excès de virtuosité peut parfois aboutir à une froideur clinique en live, En Attendant Ana parvient à l’effet inverse : chaque fréquence est exploitée avec une intelligence harmonique qui densifie l’espace sonore sans l’étouffer. Comme dans les albums la section rythmique, portée par le tandem basse-batterie de Vincent Hivert et Adrien Pollin crée une tension permanente, qui porte l’ensemble tout au long du concert.
Un concert intense et compact, mais jamais lourd grâce à une tracklist bien étudiée. Si En Attendant Ana ne lésine pas sur ses tubes en plaçant très vite Principia et en terminant avec le succès de ce dernier album, Wonder et les riffs incisifs de Maxence Tomasso, le groupe sait également placer des respirations avec des titres comme Teeny Tiny Tiche.
Plus risqué, le groupe se prête également au jeu des reprises, avec les Pogues en rappel mais aussi en chantant en Français du Sacha Distel, un choix judicieux en Suisse alémanique où le public ne semblait atteindre rien de moins de la part des parisien-nes qu’un titre francophone.
Ce qui est certain c’est que si le concert d’En Attendant Ana est un succès, cela est aussi dû au lieu choisi par le One Of A Million Festival. Le Royal Baden initialement fondé en 1913 sous le nom de « Radium » en tant que cinéma et reconnu comme le plus ancien ciné indépendant du pays, a donné ses couleurs au live. Littéralement, par des jeux de lumières brillants et métaphoriquement, en correspondant tout à fait à l’ambiance musicale du groupe impulsée par la voix de Margaux Bouchaudon et les cuivres de Camille Fréchoux. Une salle pleine et un public qui a largement adhéré à la proposition et a pardonné quelques faux-départs et plantages qui semblent avoir été plus remarqués par les artistes que par les festivalier·ères.
Il faut dire qu’au sein de cette programmation du samedi, En Attendant Ana se démarquait par son professionnalisme et son niveau de jeu face à une scène plus émergente qui a eu un peu de peine à exister ce soir-là face au groupe français. A relever tout de même la proposition d’Héloïse chanteuse et percussionniste Zurichoise qui explore les territoires post-punk à coups de Casio.
Au-delà de la programmation pure, OOAM réussit tout de même à déplacer le public de salles en salles et de jours en jours, révélant un lot de personnages récurrents haut en couleur à chaque concert et permettant également à de nombreux artistes suisses que l’on connait dans des groupes de tester leurs projets solos. Si on y est allé pour En Attendant Ana, l’on y serait bien resté pour l’univers.
–
Rédaction : Emma
Photos et mise en forme web : Alexis
Publié le 18 février 2025
Commentaires
Pas encore de commentaire pour cet article.