Empathie fait tomber les a priori sur la psychiatrie
J’aspire à un truc dans la vie: c’est être Florence Longpré. Elle est cool, elle est drôle, tout ce qu’elle écrit est génial, elle joue bien et en plus elle vit à Montréal. Bref, si elle ouvrait une masterclass de vie, je serais au premier rang.
Mais ce n’est pas juste parce que je suis une fangirl que j’ai adoré sa nouvelle création, Empathie. On y retrouve sa patte, à la fois simple et subtile, que j’aime tant. Sa manière d’aborder des sujets extrêmement durs et complexes, et de les rendre presque joyeux. Toutes ses œuvres arrivent à voir l’espoir dans le néant. Elle explore le deuil dans Le Temps des Framboises, la précarité dans M’entends-tu? ou l’amnésie dans Audrey est revenue. À chaque fois, c’est carton plein.
Forcément, quand Empathie est arrivée sur Canal +, je l’ai dévorée avec de grandes attentes. Et elles n’ont pas été déçues.
C’est le premier jour de travail de Suzanne Bien-Aimé, interprétée par… Florence Longpré. Elle est engagée comme psychiatre à l’institut pénitentiaire de Mont-Royal. Un démarrage haut en couleur puisque, évidemment, rien ne se passe comme prévu : elle se réveille avec un inconnu dans son lit, sa voiture ne démarre pas, elle utilise une cup menstruelle pour la première fois et elle s’en met plein le chemisier… Le genre de journée cauchemardesque qu’on a tous et toutes vécue au moins une fois dans sa vie.
Là-bas, elle rencontre ses nouveaux collègues, dont Mortimer, joué par l’acteur français Thomas Ngijol. Son travail consiste à l’accompagner dans tous ses déplacements au sein du bâtiment.
Mortimer, c’est le genre de gars qui essaie de jouer les durs avec sa voiture tunée hyper bruyante, alors que c’est juste un grand sensible qui écoute des comédies musicales à fond la caisse quand il est seul. On en vient à attendre avec impatience qu’il allume son moteur, juste pour voir si on va tomber sur Les rois du monde ou Les parapluies de Cherbourg.
C’est évidemment le début d’une belle amitié entre ces deux êtres, qu’on découvre peu à peu brisés par leur passé. Suzanne est alcoolique suite à un traumatisme, Mortimer lui, cache une enfance violente et s’occupe de sa mère malade.
Et puis, il y a les patients. Tous et toutes ont commis au moins un crime, donc sur le papier, ce sont les pires. «La poubelle de la société», comme vous l’avez entendu dans la bande-annonce. Mais Empathie décide de les regarder autrement: à travers leur passé, leurs blessures, leurs attachements. Loin de vouloir excuser leurs actes, la série met en avant leurs petits bouts de lumière. Qu’ils soient manipulateurs, colériques, provocateurs ou déconnectés de la réalité, chacun porte la même solitude.
Les jeux d’acteurs sont vraiment solides. Benoît Brière, notamment, est bouleversant dans son rôle de Jacques Dallaire, un homme d’une soixantaine d’années. Sa médications le fait avoir des hallucinations. Il voit constamment ses anciens «frères d’armes», en train de jouer de la cornemuse avec Saucisse le chien. Je vous préviens: à chacune de ses scènes, vous allez pleurer. Si ce n’est pas le cas, désolée mais vous êtes bizarres.
On pourrait penser que tous ces parcours dramatiques deviendraient lourds a regarder. Pourtant, ce n’est pas le cas. Il y a des passages tristes, c’est vrai, mais ce n’est pas du tout le sentiment qui ressort lorsqu’on termine les 10 épisodes de cette première saison. Car c’est aussi truffé de rires, de scènes ridicules, et de petits moments joyeux.
Il faut dire que c’est très québécois dans la manière d’aborder la santé mentale. Le Québec est souvent cité comme l’un des endroits les plus avancés en matière de psychologie et de travail social. Et ça se sent. On est loin du traitement caricatural ou misérabiliste qu’on peut trouver ailleurs. La série aborde les maladies mentales avec humanité, humour, et une vraie connaissance du terrain, puisque Florence Longpré a passé trois ans à faire ce qu’elle appelle des «études cliniques», auprès de psychiatres et de patients.
Et ce qui est fort dans cette œuvre, c’est que tous les personnages secondaires sont importants. Tout le monde compte et a sa propre histoire. Des flashbacks reviennent la jeunesse de la mère de Suzanne, lorsqu’elle était avocate. On comprend la solitude vécue par Diane, la réceptionniste de l’institut qui craque pour un patient qui se joue de sa tristesse. Et on finit même par éprouver un semblant de compassion pour Émilien, le criminologue un peu misogyne sur les bords.
Et on sent bien que certains n’ont pas encore livré tous leurs secrets — notamment la sœur de Suzanne, qui reste très mystérieuse. Mais je suis sûre que la saison 2 viendra creuser tout ça.
Je suis donc plus que jamais une fangirl! Et il semblerait que je ne sois pas la seule. Car Empathie a reçu le Prix du Public à Séries Mania et… treize minutes d’ovation. C’est au moins trois fois la longueur de cette chronique.
La série nous fait passer du rire aux larmes, de la gêne à l’admiration.
Un instant, Suzanne pleure en boule dans son lit; l’instant d’après, elle part dans un fou rire d’ontologie durant une réunion.
Ces dix épisodes invitent à ôter les œillères de la société sur la santé mentale. Ils nous montrent qu’on n’est pas soit malade, soit sain d’esprit: on est simplement humain. Que tout le monde peut, un jour ou l’autre, basculer. Et que la seule chose qu’il nous reste pour ne pas sombrer, c’est bien souvent… les autres.
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Chronique : Judith
Animation : Lionel
Réalisation : Noé
Crédit photos : Crave
Première diffusion antenne : 14 octobre 2025
Publié le 19 octobre 2025
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