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CinemaÉcransLa Quotidienne

Babygirl, thriller érotique soft ou philosophique hot ?

Johan | 18 janvier 2025

Dans la série Mostra de Venise suite, nous parlons aujourd’hui de la sortie du film Babygirl de la réalisatrice néerlandaise Halina Reijn. Vous en avez probablement entendu parler pour deux raisons : le côté un peu sulfureux / sexy de ce long métrage (certains parlent de thriller érotique) et la présence de Nicole Kidman dans le film. Alors petite introduction sur Halina Reijn – c’est une actrice néerlandaise confirmée. Également écrivaine, son côté multi casquette l’amène aussi à être productrice. En tant que réalisatrice elle a un film d’horreur à son actif qui a eu son petit succès aux Etats-Unis, enfin voilà a priori aucune attente particulière pour ce film mais on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise … , mais d’abord le pitch du film .

Soit Romy – jouée par Nicole Kidman, une entrepreneuse 3.0 à succès, succès tant sur le plan professionnel que personnel d’ailleurs. Sur le papier sa vie est parfaite : New Yorkaise (appartement grand luxe + maison dans les Hamptons), elle est reconnue dans son milieu, multimillionnaire, deux enfants, et cerise sur le gâteau son mari c’est Antonio Banderas, bon il y a des personnes moins bien lotis sur terre je crois 😉 . Donc cette froide chef d’entreprise fait la rencontre d’un stagiaire sexy nommé Samuel- Harris Dickinson juste excellent – rencontre qui va la chambouler / la tournebouler (je tiens à préciser que l’utilisation de ces verbes n’est pas la conséquence d’un pari perdu). Bref elle est perturbée car ce jeune homme l’attire terriblement – et en plus il ne semble pas impressionné par elle – pire il réussit à renverser les rôles entre eux et prendre en quelque sorte le pouvoir sur elle… Tout cela va la stimuler sexuellement mais en contrepartie va impacter sa vie si bien réglée…
Alors l’amant(e) qui vient déstabiliser un couple / ou une famille établie grâce au désir et à la passion renouvelée ; c’est un grand classique du cinéma ou de la littérature. Après c’est un grand classique car c’est une réalité assez fréquente dans la vie et ce depuis des lustres (enfin depuis que l’espérance de vie dépasse les 25 ans). Par conséquent c’est un peu comme l’amour, c’est un sujet inépuisable qui peut toujours être renouvelé et pertinent selon le regard et la perspective qu’on lui donne, s’il est traité de façon moderne ou encore qu’il représente bien les mœurs et le contexte d’une époque. Dans le cas présent, je n’ai pas eu l’impression de revoir un film que je connaissais déjà et dont toutes les ficelles de scénario auraient été trop voyantes.
Il y a ici le contexte un peu BDSM du film. Enfin BDSM c’est pas cuir fouet et compagnie ; ici c’est plutôt jeux de domination / soumission soft. Le film est très sage finalement, ce n’est ni provocateur ni terriblement torride. Babygirl n’est pas un ersatz de film érotique, son ambition est bien plus grande et se veut une réflexion sur notre volonté d’explorer toutes les facettes de notre personnalité, de nos fantasmes, réflexion également sur notre capacité à concilier passion et raison. Ainsi, via cette attraction pour Samuel, Romy retrouve l’excitation qu’elle avait perdu ou qu’elle n’avait peut-être jamais eu avec son mari. Et pour la première fois de sa vie, elle perd le contrôle. Babygirl montre bien les composantes de cette passion contrariée : l’excitation perpétuelle, la perte d’intérêt pour les autres composantes de sa vie, mais aussi la peur que cela peut générer. Car la peur est présente, cette relation peut lui faire tout perdre, son travail, sa famille… et parfois elle préférerait reculer mais Samuel n’est pas du même avis – pourquoi gâcher une telle alchimie sexuelle ? Et la réalisatrice a l’intelligence de nous laisser alors dans le doute : Samuel est-il un monstre froid et manipulateur, cherchant à nuire à Romy, ou une personnalité sincère attachée à la relation passionnelle qu’ils ont développée ensemble. La mise en scène réussie de ce film permet de jouer de cette ambivalence, et de donner à cette histoire une vraie dimension de thriller.
Il faut d’ailleurs saluer la performance phénoménale de Nicole Kidman. Alors on parlait la semaine dernière de Julianne Moore et Tilda Swinton chez Almodovar … mais là c’est un autre niveau. Et pourtant à la base, je ne suis pas très admiratif de Nicole Kidman dont le visage avec les années s’est progressivement transformé en un masque de plastique plus ou moins regardable. Mais là sa performance est juste exceptionnelle tant dans les émotions qu’elle dégage que dans ce qu’elle ose. Se mettre à nu comme elle le fait, se faire traiter dans le film de visage de poisson mort par sa fille, oser des scènes relativement humiliantes (scénario oblige) c’est franchement impressionnant. Son alter ego masculin est également très bon. Harris Dickinson dégage un charisme dingue, et j’ai eu confirmation par la gent féminine, il est très beau gosse 😉
Soyons clair, ce n’est pas un chef d’œuvre, on peut lui reprocher de petites choses sur le scénario ou autre, mais globalement c’est un vrai bon film, moderne dans sa forme comme sur le fond, qui ne prend jamais le spectateur pour un imbécile. La mise en scène fluide et stylisé, tout sauf monotone, dans un univers hyper contemporain, avec une musique excellente donne un côté très actuel au film. Par ailleurs, au-delà du côté érotique, la réalisatrice arrive surtout à faire passer l’énergie de l’attraction, de la jeunesse qui irrigue de nouveau Romy. Le film montre très bien comment cette énergie sexuelle lui permet de redynamiser intensément sa propre vie, par la danse, la musique, la séduction et la complicité qui se créée avec Samuel… Ainsi Babygirl par son ambition stylistique réussie et son scénario presque philosophique (jusqu’où est-on prêt à aller pour la réalisation de ses désirs) , dépasse largement les limites d’un thriller érotique basique pour atteindre les rives d’un long métrage maitrisé, intelligent et totalement recommandable.


Chronique : Johan
Animation : Emma
Réalisation : Lyes,Théo
Première diffusion antenne : 16 janvier 2025
Crédits photo : ©A24 Constantin Film_Niko Tavernise
Publié le 18 janvier 2025

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