Antonio Obá: La Rétrospective
Une superstar expose à Genève ?
Au Centre d’Art Contemporain de Genève, c’est l’artiste brésilien de renommée internationale Antonio Obá qui nous dévoile Rituals of Care, sa toute première rétrospective de mi-carrière. Le contexte : ses œuvres ont déjà fait le tour du monde – Amsterdam, Beijing, São Paulo – et aujourd’hui, c’est à Genève qu’il pose ses valises. L’exposition s’étale sur deux étages et propose une belle diversité artistique : avec des peintures, sculptures, photographies et même des installations vidéo !
À qui s’adresse l’exposition ?
L’exposition est pour tous les goûts mais peut-être pas pour toutes les sensibilités. Des visiteurs disent que certains tableaux leur ont fait presque peur. Rétablissons la vérité : ce n’est pas du tout une expo qui surfe sur l’horreur mais plutôt qui cherche à montrer les choses comme elles le sont. Il faut cependant reconnaître que certaines toiles évoquent subtilement de la violence mais on voit et sent surtout la souffrance ressentie par les protagonistes dont les regards perçants semblent nous observer. La démarche d’Antonio Obá avec ses œuvres est de revendiquer fièrement son héritage afro-descendant. Il se réapproprie les stigmates du racisme dans un contexte où l’état brésilien tente d’effacer les traces et les racines de cette culture.
Quelles sont les œuvres marquantes de l’exposition ?
En arrivant au premier étage, je suis accueillie par un champ de clochettes ! L’œuvre s’appelle Jardim, ce qui se traduit par « jardin ». Je traverse le champ en plein centre et suis invitée à faire sonner toutes ces clochettes. Cette installation fait référence à la chasse : en sonnant les clochettes, j’annonce ma présence aux prédateurs. Cet acte crée une situation ambiguë, où les cloches deviennent à la fois une invitation et un piège.
Une deuxième œuvre marquante s’intitule Requiem Diallo. C’est un tableau où plusieurs thèmes se croisent : religion, culture, actualité. On y voit une photo de famille, mais les visages des personnes sont mécontents, presque accablés. Au centre, il y a le portrait d’une fillette. Il s’agit d’une référence poignante à une affaire célèbre au Brésil : celle d’une petite fille assassinée par la police, sans que justice ne soit jamais rendue. Les dizaines de pains disposés sur la table évoquent, quant à eux, la multiplication des pains, un symbole fort qui ajoute une autre couche de signification à l’œuvre.
Un des aspects centraux de toutes ces peintures et performances est le corps. Antonio Obá met en scène des corps, et souvent le sien. Je pense, par exemple, à la vidéo projetée sur grand écran, Encantado, où on le voit se déshabiller de bandes blanches pour se reconnecter à son environnement et à la nature. Et puis, il y a aussi la troisième œuvre marquante, celle qui figure sur l’affiche de l’exposition. Je découvre une toile géante d’un bleu éclatant : une piscine où des esclaves et des crocodiles se baignent côte à côte. L’œuvre fait référence à une légende de l’époque de l’esclavagisme au Brésil, lorsque les propriétaires des grandes maisons mettaient délibérément des crocodiles dans leurs piscines pour empêcher leurs esclaves de s’y baigner. Sur le côté de la toile, j’aperçois Eshu Yoruba, une divinité veillant sur la maison, qui semble se moquer de la situation en voyant ces esclaves se baigner malgré le danger.
Le centre propose des visites gratuites régulièrement, et elles sont parfaites pour plonger plus profondément dans la signification des œuvres. Si tu n’as pas encore eu le temps d’y aller, c’est vraiment ta dernière chance pour le faire, car le Centre d’Art Contemporain va fermer ses portes pour trois ans de rénovations. Mais bonne nouvelle, l’expo reste accessible jusqu’au 16 février, donc tu as encore un peu de temps pour en profiter.
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Chronique : Anne-My
Animation : Emma
Réalisation : Laure et Sébastien
Crédit photos: Centre d’Art Contemporain
Première diffusion antenne : 15 janvier 2025
Publié le 21 janvier 2025
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