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CinemaÉcransLa Quotidienne

Mektoub my love : canto due, une pépite cinématographique

Johan | 8 décembre 2025

Il est de ces œuvres dans lesquelles on pourrait se dissoudre pour se recomposer lentement en elle. Il est de ces œuvres qui nous emportent comme si elles ne s’adressaient qu’à nous. Ces œuvres existent et résonnent intimement. Ici un film ou un livre débute et on commence par se sentir bien avec les personnages, les dialogues nous entrainent et sans que l’on y prête attention, ces personnages deviennent nos amis notre famille l’espace de quelques instants. Ils ont pris vie et on veut rester avec eux. Le film de ce soir à cette magie, mais j’hésite presque à en parler Lionel de crainte qu’elle ne s’évanouisse aussi miraculeusement qu’elle était apparue.
Ce bijou c’est donc Mektoub my love : canto due réalisé par Abdellatif Kechiche. Ce réalisateur a beaucoup fait parler ces dernières années pour de bonnes et de moins bonnes raisons. D’abord il y a eu les succès critiques et populaires : le film l’esquive et ses césars du meilleur film et du meilleur réalisateur en 2005, rebelote en 2007 pour la graine et le mulet et puis la consécration totale avec la palme d’or en 2013 pour la Vie d’Adèle. Avec pour chaque film la révélation d’actrices charismatiques : Sara forestier, Adèle Exarchopoulous, Hafsia Herzi, Léa Seydoux. Puis le temps se gâte avec les premières polémiques, le harcèlement moral qu’aurait subi certains techniciens sur la Vie d’Adèle, les actrices principales ayant regretté un tournage difficile voire parfois violent. Et puis le tollé de Mektoub my love – Intermezzo , présenté à Cannes en 2019 jamais sorti en salles pour diverses raisons mais notamment une scène de sexe de 15 minutes pour laquelle l’actrice principale Ophélie Bau n’aurait pas été totalement en accord pour sa diffusion.

Il revient aujourd’hui avec son nouveau film, les polémiques derrière lui. Ophélie Bau est d’ailleurs venue présenter Mektoub my love Canto due au festival de Locarno cet été. Alors présentons le film un peu. Il s’agit en fait d’un long métrage ressurgit du passé ou plutôt des rushs du passé. En effet, Abdellatif Kechiche avait filmé des centaines d’heures de rush entre 2016 et 2018 dans le cadre de l’adaptation du livre de Francois Bégaudeau La blessure la vraie. Tout ce matériau lui a permis de monter une trilogie : Mektoub my love : conte uno sorti en salle en 2018, Mektoub my love : intermezzo que j’ai évoqué tout à l’heure qui n’est pas sorti au cinéma et donc Mektoub my love Canto due qui est sorti ce mercredi.
L’histoire est certes la suite de canto uno mais nul besoin de l’avoir vu pour comprendre et rentrer tout de suite dans ce film. Canto Due nous projette ainsi à Sète dans un groupe d’amis et leur famille. C’est l’été, la lumière est magnifique, le petit groupe se retrouve sur la plage ou dans le restaurant oriental familial. C’est joyeux, vivant et simple. On retrouve : Amin, un jeune scénariste revenu pour les vacances voir sa mère qui tient le restaurant ; son cousin Tony un éternel séducteur ou encore Ophélie une amie d’enfance qui doit se marier un mois plus tard. Toute une multitude de personnages criant de vérité et auxquels on s’attache immédiatement, les entourent et notamment un couple américain composé d’un vieux producteur richissime et de sa femme actrice. Amin va faire connaissance du producteur et lui faire lire son scénario. Le cadre est posé, sous le soleil et le désir quelques taches d’ombre vont néanmoins progressivement apparaitre, mais je n’en dis pas plus.
Quand on pense à l’œuvre d’Abdellatif Kechiche, on pense parfois film social. En effet si on réfléchit ancrage dans la réalité populaire et pas film de science fiction ou film sur un couple bourgeois qui vit dans 300m2 à Colony ou dans le 16ème ou du 7ème arrondissement à Paris. C’est totalement ça. Le film reflète la jeunesse métissée d’aujourd’hui sans clichés et ça fait un bien fou. Par contre on pense film social à la Ken Loach avec une problématique économique ou politique telle que la privatisation des chemins de fer ou la paupérisation de la société, alors ce n’est pas du tout le cas. Kechiche est un esthète. Il recherche la vérité des sentiments et des personnages par un réalisme des situations. Il sonde la beauté, beauté des désirs, des attractions, beauté de la jeunesse. Il n’y a pas de politique ici. Par contre il y a une éthique, celle de respecter ce que sont les personnages, leur donner vie, ne pas les caricaturer et montrer l’éclat de leur âme. J’ajoute avoir même trouver un brin de Bret Easton Ellis dans cette histoire qui mêle fausse superficialité et vraies blessures.
Cela passe déjà par des acteurs et des actrices formidables. Kechiche possède cette faculté à faire jaillir l’authenticité de ses acteurs/ actrices. Vous rencontrez cette multitude de personnages et vous vous attachez à eux instantanément. La première scène se passe au restaurant familial. Il est tard, il est fermé. Le couple d’américains arrive, fait rouvrir le restaurant, la famille et les amis viennent donner un coup de main. S’ensuit une scène de 15 minutes, un dialogue entre le producteur, sa femme actrice et les différents intervenants du restaurant. C’est vivant et ciselé comme du Tarantino période Pam Grier. Et c’est filmé magnifiquement. Pas une mise en scène publicitaire qui veut en jeter à tout crin mais une mise sen cène qui sait faire vivre chaque plan, le sublimer sur le fond comme sur la forme, jamais dans le superficiel toujours dans la beauté et la vérité du moment.
Pas de secret ici. Pour moi Canto Due fait parti des trois films à avoir vu cette année avec A Battle after another et Black Dog. Trois longs métrages différents mais où on ressent le souffle du cinéma . Mektoub my love Canto Due a un charme fou. Au bout de quelques minutes, on veut vivre avec ces personnages. On se reconnaît en eux, leurs désirs, leurs envies, leurs liens, tout cela nous imprègne et nous renvoie à nos propres sentiments. Il y a de la magie dans ce film dans lequel j’aurais pu rester des heures. C’est un trip de vie sur pellicule. Pour ceux qui parfois ont un peu peur des films d’auteur, ne le soyez pas. Canto due est moderne, sensible et puissant. Car je ne l’ai pas mentionné mais des drames couvent en arrière-plan. Sous la douceur du soleil méditerranéen, Mektoub my love Canto Due nous envoute de bout en bout par sa beauté, sa profondeur et nous rappelle que sous notre superficialité de façade, on reste éternellement éclaboussé du sang de la vie.

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Animateur : Lionel
Chroniqueur : Johan
Réalisateurs : Alexis et Léo
Crédits Photos : Pathe Films
Date de publication : 08.12.2025

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