Le moineau dans la cheminée : huis clos lumineux et glaçant
« Le moineau dans la cheminée » – « Der Spatz im Kamin » pour les ami·es suisses allemand·es, ce n’est pas une expression graveleuse à la mode mais le dernier film des frères Zürcher, avec Ramon à la réalisation et au scénario et Silvan pour la production et le scénario également. C’est le long-métrage qui va conclure leur trilogie animalière, après « L’étrange petit chat » en 2013 et « La jeune fille et l’araignée » en 2021.
Alors je ne suis pas sûre de ce que j’ai vu. Voilà, je le dis. Mais je vais vous présenter le pedigree du bestiau parce qu’apparemment je suis la seule dans ce cas. Et oui, le film est recordman de nominations au Prix du Cinéma Suisse : meilleur film de fiction, meilleur scénario, meilleur second rôle pour Paula Schindler, meilleure musique de film, meilleur son et meilleur montage.
Alors le pitch : Karen vit dans sa maison d’enfance, avec son mari Markus et leurs enfants Leon, le jeune fils timoré et Joanna, une ado en rébellion – j’ai été envoûtée par son interprète, Lea Zoë Voss. Christina, la deuxième fille, revient à la maison le temps du week-end pour fêter l’anniversaire de Markus, le père. A cette occasion, la sœur de Karen, Jule débarque avec mari et enfants. Et puis il y a aussi Liv, une jeune femme hébergée dans la cabane au fond du jardin qui s’occupe tantôt du chien, tantôt des enfants, tantôt du mari de Karen…
L’histoire se déroule donc sur ces deux jours entre l’arrivée de Jule et l’anniversaire de Markus, le lendemain.
Au niveau de l’ambiance générale, il y a un très fort contraste. L’intrigue se déroule dans cette maison de campagne, entourée de nature, un jardin vert, une belle forêt, un petit lac au loin. La maison est pleine de charme, accueillante et confortable sans chichis, de jolis meubles et déco familiale. Le travail de la lumière est fantastique, les rayons du soleil d’été entrent parfaitement dans les pièces de la maison, éclairent exactement ce qu’il faut des personnages, le chien compris. J’avais l’impression de sentir la chaleur du soleil sur ma peau. Il y ferait presque bon vivre, pour peu je l’achèterais cette baraque, eussè-je les fonds propres pour le faire. Oui, j’ai une passion pour l’imparfait du subjonctif.
Mais on ne va pas en rester à cette description idyllique. Et non ! L’histoire, c’est un huis clos étouffant avec une tension permanente autour d’une Karen neurasthénique. Le deuil de sa propre mère hante son esprit, tout n’est que drames et mystères autour de son comportement sans empathie ni chaleur. La situation est complètement lambda – des retrouvailles familiales pour un anniversaire – et pourtant c’est oppressant avec des regards insistants, des silences de mort, des dialogues à couteaux tirés. C’est glaçant parce qu’ils et elles se disent le pire, des mots d’une violence inouïe mais sans hausser le ton. Tous les personnages sont ambigus, capables de compassion et d’amour mais aussi de haine et de trahisons. Il y a du mensonge dans toutes les bouches, on ne sait qui croire. C’est une violence sourde et normalisée qui embaume la maison avec quelques scènes assez crues.
Le répit se trouve dans les liens entre sœurs, Karen et Jule, ou entre frères et sœurs, Leon, Johanna et Christina avec de la douceur, de l’amour et une complicité qui résiste aux reproches.
L’environnement adoucit l’atmosphère : la maison est ouverte sur l’extérieur notamment grâce à une fenêtre de cuisine utilisée comme une porte, ajoutant une fluidité entre l’intérieur et le dehors. Des animaux en nombre s’ajoutent au ballet d’une nature qui entre et sort.
C’est peut-être parce que le film joue sur un mélange de genre entre drame, thriller avec une pointe de fantastique que j’ai été un peu perdue. Pendant les deux tiers du film, je ne savais pas trop ce qu’on voulait me raconter comme histoire. Sans trop m’avancer, je pense pouvoir dire que le réalisateur veut imager l’envie et la nécessité de se libérer de ce huit clos, une libération qui ne peut passer que par la séparation avec cette maison devenue prison où l’esprit de la défunte mère et les drames du passé règnent toujours. Comme le moineau dans la cheminée, Karen est enfermée dans ces lieux et parfois, il faut tout brûler pour que ça aille mieux.
–
Chronique : Sophie
Animation : Emma
Réalisation : Christian et Marlon
Première diffusion antenne : 3 février 2025
Crédits photos : Filmcoopi Zürich
Mise en ligne : Sophie
Publié le 13 février 2025
Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast
Commentaires
Pas encore de commentaire pour cet article.