Dali dans toute sa splendeur
Daaaaaali
Dali, Dali, Dali … par où commencer …
Le film est tellement bien réalisé, qu’il est à l’image de Dali et de ses œuvres, c’est à dire pas très compréhensible. Mais pas de panique Emma, j’ai fait appel à mon esprit de philosophe pour tenter de le décrypter.
Nous sommes immergés dans un décor parisien du vingtième siècle, avec les vieilles grosses caméras, la télé en noir et blanc ou encore les tapisseries à rayures bien moches. Le scénario de base est simple: Judith, une jeune journaliste improvisée, tente désespérément d’interviewer Salvador Dali. L’objectif étant de réaliser un documentaire sur le célèbre artiste peintre. Mais, le caractère mégalomane et capricieux de Salvador ne facilite pas la tâche. Judith le rencontre à plusieurs reprises, à chaque fois c’est un fiasco ! Rien n’est jamais assez bien pour Dali, qui a de grandes exigences.
Le prodige a toujours besoin d’être flatté, admiré et chouchouté. Et lorsqu’il est contrarié, que ce soit pour un oui ou pour un non, il s’emporte et quitte le tournage. La pauvre journaliste enchaîne donc les échecs, et voit plusieurs fois son projet compromis.
Le film nous partage alors parallèlement 2 points de vue : d’un côté, il y a Judith qui persévère, et fait toujours plus d’efforts pour achever son documentaire. Et de l’autre côté, il y a Dali dans toute sa splendeur, qui conscientise peu à peu sa folie.
L’artiste surréaliste est tout aussi fou dans l’être comme dans le paraître. D’abord, ce qui saute aux yeux, c’est son extravagance et sa moustache qui remonte jusqu’à ses joues. Salvador Dali est toujours très sophistiqué, avec une chic canne à la main. Il a une démarche assurée, ainsi qu’une éloquence à la fois très théâtrale et très grossière. Bref, son charisme et son autorité intimident tout le monde sur son passage.
Cependant, la réelle folie de Dali est dans sa tête. L’artiste est complètement égaré dans l’espace temps, il n’a plus aucun repère temporel. Souvent, Salvador hallucine en se voyant parfois plus vieux, parfois plus jeune. Il vagabonde dans sa propre temporalité et en oublie carrément son âge. Au final, Dali ne sait plus vraiment où se trouve sa véritable enveloppe corporelle. C’est autour de cette perte de chronologie, que Quentin Dupieux a organisé toute la structure du film.
Premièrement, il y a 5 acteurs différents qui interprètent Salvador, ce qui est super surprenant. Ils ont d’ailleurs tous su apporter leur touche personnelle au caractère de l’artiste, que ce soit à travers leurs mimiques ou encore l’accent exagéré qu’avait Dali. Cependant, ce qui est le plus perturbant, c’est la multitude de boucles temporelles qui se superposent dans le film. A partir d’une même séquence, les scènes se répètent mais les dénouement sont toujours différents. Par exemple, un soir Dali est invité à dîner chez son voisin. Durant le repas, un prêtre décrit son incroyable rêve au peintre, afin qu’il en fasse un tableau. Ce rêve s’entremêle tout le long du film à la réalité du scénario. Et à chaque fois que le prêtre termine de le raconter, on repart au tout début du rêve et on nous présente une nouvelle version de celui-ci. Et ce n’est pas tout, il y a encore d’autres boucles temporelles, qui se greffent à la boucle temporelle du rêve.
Il y a donc des boucles temporelles dans des boucles temporelles. Autant te dire, qu’on est complètement perdu. En tant que spectateur, on n’arrive plus à distinguer ce qui est vrai et ce qui est faux. Il n’y a aucun fil conducteur qui nous rattache au scénario, la chronologie du film n’a aucun sens strict.
Mon hypothèse, c’est que le réalisateur a voulu nous plonger dans l’esprit du génie. Il a volontairement réalisé un film insensé, pour justement donner du sens à l’artiste. Salvador Dali, en tant que surréaliste, a inventé la méthode paranoïaque-critique, qui consiste à objectiver ses délires. A travers ses peintures, l’artiste cherche donc à transposer ses démences. Peut-être que Dali aurait fini par rester complètement dissocié de la réalité ? Toutes les boucles temporelles ne représenteraient alors que des délires épisodiques et l’histoire n’aurait jamais existé. Ou le réalisateur aurait-il voulu nous faire ressentir la détemporalisation que subit l’artiste au quotidien ?
A vrai dire, j’en ai aucune idée. Ce que je peux affirmer avec certitude, c’est que le film de Quentin Dupieux est imprégné de la fibre artistique surréaliste. Certaines séquences paraissent même être une peinture. Comme par exemple, la première scène, dans laquelle on voit un piano qui est aussi une fontaine, et sur lequel pousse un arbre. Le réalisateur a su être aussi déstabilisant que le peintre. Son film est tout aussi énigmatique que les tableaux de Dali. J’ai beau ne pas avoir tout compris, j’ai malgré tout trouvé le film génial.
Et j’aimerai terminer cette chronique, par une citation qui synthétise et reflète l’âme du film, beaucoup mieux que moi :
“Pour écrire et réaliser cet hommage, je suis entré en connexion avec la conscience cosmique de Salvador Dali et je me suis laissé guider, les yeux fermés.
Le Maître m’a tout d’abord ordonné de convoquer plusieurs comédiens brillants pour interpréter son personnage (trop complexe pour un seul homme), nous avons ensemble rendu visite à Buñuel pour lui subtiliser quelques images et quelques idées, il m’a ensuite conduit de force dans les tréfonds de ses angoisses morbides et dans ses rêves, pour m’orienter, et puis j’ai fini par reprendre le contrôle de mon film de justesse, pour simplement en faire une déclaration d’amour à cet homme.
Dali le disait lui-même, sa personnalité était probablement son plus grand chef-d’oeuvre. Mon film raconte modestement cela.”
Quentin Dupieux
—-
Chronique : Orégane
Animation : Emma
Réalisation : Léo, Lorenzo, Valentine
Crédits photos : ATELIER DE PRODUCTION – FRANCE 3 CINEMA 2023
Première diffusion antenne : 30 avril 2024
Mise en ligne : Orégane
Publié le 1 mai 2024
Mis en une le 7 mai 2024
Un contenu à retrouver également sur l'application PlayPodcast
Commentaires
Pas encore de commentaire pour cet article.