Super Hasard : Comme si tu n’existais qu’en Télécabines…

Nous sommes aux alentours de novembre 2019. Mon ami et moi écumons alors la scène genevoise. Ce soir-là, c’est le vernissage à la Gravière (boîte de nuit à Genève, n.d.l.r.) d’un groupe que mon acolyte affectionne particulièrement. Après le concert, leur vinyle que je me procure devient vite une de mes œuvres préférées, par les arrangements rock psychédélique, la voix du chanteur, et les paroles poétiques. Il s’agit de Voyages de Cosmo Club.

Les circonstances auront eu raison de ce groupe, qui a annoncé sa séparation en janvier dernier. En même temps, ils ont teasé un autre projet annonçait un changement d’identité, un renouveau. Celui-ci est arrivé, les membres du défunt club se retrouvent dans Super Hasard, et viennent de sortir leur premier album, Télécabines.

Au niveau des arrangements, l’album a une ambiance lo-fi qui m’évoque énormément le calme et la légèreté de la lounge. La recette semble simple : prenez un chanteur, des claviers, une boite à rythme, une basse et une guitare. Mais si on se penchait un peu sur comment il sonne…

Le disque est produit par deux grandes pontes qui ont travaillé ensemble par le passé. D’un côté, Yavor Lilov, du groupe de jazz fusion genevois L’Éclair, contribue aux claviers. Ceux-ci, qui réverbèrent comme s’ils étaient joués à la montagne. Ils installent une atmosphère qui nous fait flotter, tel des nuages.

De l’autre, Jasper Geluk, depuis son studio Tone Boutique, s’occupe de l’enregistrement. Lui, en se servant de matériel analogique, privilégie un son organique, proche du live ou d’un album des seventies. Et oh mon dieu, c’est un diamant ! Pas un instrument n’est mal placé, tous sont au volume parfait ! Les guitares brillent de mille feux ! Cet album sonne beau !

Un détail qui me fait bien plaisir est la présence dans les backs de Zoé Sjollema, sœur d’un des membres de Super Hasard, le guitariste Augustin, avec qui elle compose le duo d’indie-pop Citron Citron. Si on tend l’oreille, on entend sa voix de tête douce et calme sur « Télécabines ».

Un autre truc qui me plait ce sont les paroles. D’une qualité poétique quasi-parnassienne, elles décrivent en détail et à travers un vocabulaire recherché les états d’âme du chanteur Nelson. Par exemple, la chanson « Au bord de la Tortue », me fait imaginer ce que c’est d’être au bord d’une plage avec une fille qui ne porte « plus que son prénom ».

Mention spéciale au refrain d’ « Elle S’en Carre » qui me fait beaucoup rire : « elle s’en carre de moi, mais il reste encore du jus d’orange dans le frigidaire ». On voit le gars qui est tellement dans la dèche sentimentale, qu’il doit relativiser à la moindre banalité qui lui arrive, du genre « au moins tout ne va pas si mal que ça…y’a du jus d’fruits ! » J’ai envie de lui faire un câlin, le pauvre !

Tout ceci étant dit, quelque chose me tracasse. J’ai eu du mal à écrire cette chronique parce que l’album ne m’emballe pas tant que ça ; sa vibe est calme… Très calme… Peut-être un peu trop.

Les morceaux restent sur un bpm plutôt modeste, sans beaucoup de variations, et ça se répercute sur l’album que je trouve lent.
Pourtant, le fait de prendre son temps n’est pas gage de mauvaise qualité. Et puis, c’est pas comme si on nous interdisait de danser ! En témoigne d’ailleurs le titre « Hors-Piste », un morceau disco inspiré de l’EDM rétro.

Disons qu’un tel rythme ne marche sur moi que si je suis sur un mood « chill-sur-le-canap » ; il faut vouloir se détendre. Si ce n’est pas le cas, j’ai l’impression qu’on ne décolle ni de la terre ferme, ni du sentiment mélancolique qui domine l’œuvre.

Télécabines de Super Hasard est un album lo-fi aux saveurs lounge travaillé avec amour, d’une belle ambiance, un son au petits oignons et aux très belles paroles. Cependant, il plaira bien plus à ceux qui cherchent le calme et la sérénité de la montagne. Moi, je suis une pile électrique, et j’ai très envie de bouger !

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Chronique : Julián
Animation : Emma
Réalisation sonore : Julien
Première diffusion antenne : 7 novembre
Crédit photos : Super Hasard
Publié le 13 novembre

Une publication de Julian