Stereolab: Retour coloré, mais sans prise de risques
-Et après une absence aussi longue, un petit instant CV s’impose. Stereolab, c’est un projet franco-britannique de 1992, c’est fondé par Laetitia Sadier et Tim Gane, c’est du post-rock avec beaucoup d’influences différentes, c’est une armée de sons vintage et électroniques encore plus transformés que le visage des frères Bogdanov, c’est une tournée internationale en juin, et surtout, c’est des morceaux qui prennent le temps de s’installer, parfois qui prennent leurs aises, et parfois qui sont juste posés tranquillement, en train de chiller. Parfois, au contraire, Stereolab nous recharge les batteries, et ça donne des morceaux à la fois nerveux et relaxants comme ‘’Transmuted Matter’’.
Des rythmiques simples et efficaces, une atmosphère catchy, et un ensemble de voix enivrantes, c’est globalement la recette de Stereolab.
-Surtout, les morceaux de Stereolab, on a le temps d’en profiter.
-Si on exclut ‘’Mystical Plosives’’, l’intro de l’album, les morceaux oscillent entre des durées standards de 3 minutes et des méditations contemplatives de 7 minutes. Oui, des méditations, carrément. La majorité des morceaux de Stereolab manquent malheureusement de pêche, ça, bon, on pardonne parce que c’est le style qui veut ça, mais ça manque surtout de relief. Pour moi, c’est un peu de la musique langue de bois.
-‘’De la musique langue de bois’’, c’est-à-dire?
-Eh bien, écoute Emma, je suis très content que tu poses cette question importante, même vitale, et je vais y répondre, car il est normal de fournir aux auditeurices les outils nécessaires pour entièrement saisir mon propos, et il est également normal qu’en tant que chroniqueur, les mots sont parfois une manière alternative à exprimer des ressentis qui ne sont pas forcément partagés par tout le monde.
Voilà, j’ai fait une belle phrase, il y a des mots, il y a de la parole, il y a de l’air qui vibre, mais en même temps j’ai absolument rien dit – c’est comme ça qu’on meuble dans les rendus, en Lettres. ‘’Instant Holograms on Metal Film’’, c’est à peu près le même principe. Dans certaines parties, y a du son, y a une forme, les instruments et les machines sont en train de fonctionner, c’est là… mais ça manque de développement. J’ai parfois eu l’impression d’écouter des minutes et des minutes de quelqu’un en train de tester des boucles. Je reproche en rien du tout l’exécution ou le choix des sons, mais parfois, je me retrouvais juste en train d’attendre que cette fameuse partie se termine. Les parties censées installer une atmosphère précise prennent plus la forme d’un disque rayé, et on se sent un peu enfermé-e dans une boucle sans vraiment de groove ou d’évolution.
Là on a eu que 30 secondes, mais faut se dire que ça dure 3 minutes sur les 7 minutes de ‘’Melodie Is A Wound’’. À noter que ce morceau comporte aussi une des transitions les plus déconcertantes que j’aie entendues, en mode l’ingé-son s’est assis sur la table de mix sans faire exprès. Ce style de musique avec un pattern qui se répète inlassablement, c’est un exemple parmi d’autres sur cet album, et couplé à des paroles parfois un peu niaises du style ‘’J’appartiens à la terre, je dis non à la guerre’’ – qui n’est pas sans nous rappeler un certain ‘’pollution je dis non, mais à la vie je dis oui’’, on sent quand même le temps passer avec cet album.
-Donc, c’est un grand non pour Stereolab?
-Je ne veux pas être trop dur non plus, parce que je vois le potentiel. Ces longues parties qui tournent en rond, au-delà de certainement plaire aux cool kids qui portent des bobs et des cheveux longs, ça doit vraiment instaurer une atmosphère intense en live. Quand t’es dans le public et que tu te prends un mur de sons électroniques, ça doit vraiment avoir une belle énergie et boum ça te met en transe, jusqu’à viber en coeur avec les artistes. Mais c’est clairement pas la même sur un album.
-Pourtant, du jeu sur l’atmosphère et l’ambiance, il y en a.
-‘’Immortal Hands’’ joue sur une instru simple et efficace et comporte une transition qui relance le morceau dans une partie plus catchy, le drop de ‘’Vermona F Transistor’’ installe un groove qui fait bouger la tête, et les changements de dynamiques sur ‘’Esemplastic Creeping Eruption’’ sont intéressants et donnent du relief au morceau. Dommage que ce morceau gagne en puissance seulement sur l’outro!
Au final, qu’est-ce que Stereolab cherchaient à faire avec ce retour? Nostalgie du bon vieux temps, trouver un nouveau public, ou au contraire repêcher les ancien-ne-s fans? Ou simplement se faire plaisir? Il y a de gros bangers sur cet album, mais pour moi ils sont noyés dans des morceaux qui tendent plus vers le fun personnel sur des claviers que sur une proposition musicale vivante. Il y a clairement un public-cible pour ce style, et partout sur internet, les médias décrivent le style de Stereolab comme unique. C’est vrai qu’on peut déceler beaucoup d’influences différentes sur cet album. C’est juste dommage que parfois, les morceaux donnent un peu l’impression de se regarder eux-mêmes, alors qu’il y a plein de parties tantôt catchy, tantôt riches et hautes en couleur. Et je me dis qu’à seulement 30 euros le billet, ça peut être une sacrée expérience d’aller voir ça en live!
-Et pour déjà s’en faire une idée, on écoute ‘’Aerial Troubles’’.
-D’ailleurs, tu savais que Stereolab avait fait un clip de ce morceau?
-Non, pas du tout.
-Réalisé par intelligence artificielle.
-Ah…
-Ouais, j’imagine qu’après une pause de 15 ans on a pas forcément la thune pour embaucher des vidéastes…
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Chronique : Lionel
Animation : Emma
Réalisation : Candice
Première diffusion antenne : 02 juin 2025
Crédits photo vignette: DR (droits réservés)
Crédits photo fond: Joe Dilworth
Publié le 09 juin 2025
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