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Los años nuevos, chronique intime d’un couple contemporain

Judith | 25 novembre 2025

«Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants». Cette phrase a fait dû faire plus de dégâts que les coachs de vie sur Instagram. Parce qu’on s’est mis à croire que l’amour était une longue balade en carrosse. Sans bosses. Sans questions. Sans périodes compliquées. C’est exactement ce que Los años nuevos vient bousculer.

Nous sommes au Nouvel An 2015, à Madrid. Dans un bar, elle remarque son air triste et lui offre un verre. Ana et Óscar se rencontrent. La date s’avère aussi celle de leur anniversaire mutuel. Il est le dernier bébé né en 1984. Elle, le premier de 1985. Passant de fête en fête pour ne terminer qu’à deux, la nuit se poursuivra jusqu’au lendemain. Nous voici partis pour dix ans de saga amoureuse, qui va se faire et se défaire au rythme des aléas de la vie. Reprenant le même modèle que la série britannique One Day, chaque épisode se déroule le même jour de l’année: la Saint-Sylvestre.

Saisir l’ordinaire pour en faire quelque chose d’extraordinaire. Voilà ce que réussit le réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen. Tout est furieusement dans la moyenne. Deux citadins issus d’une classe plutôt bourgeoise, entourés par une famille aimante et des amis fidèles, qui vivent une histoire d’amour hétérosexuelle. Sur une décennie, ils vont traverser des évènements de leur âge: le chômage, le doute, la mort d’un parent. Rien de spectaculaire, mais c’est tout ce qui façonne une existence.

Iria del Río et Francesco Carril forment un duo plein de reliefs, dont le jeu évolue avec beaucoup de finesse. Et cette justesse est portée par une bande-son tout aussi délicieuse. En grande majorité des tubes ibériques de l’époque concernée, qui traverse l’histoire émotionnelle du couple. Une fresque sérielle qui démontre que l’amour n’est ni linéaire, ni héroïque. Il avance, se fragmente, se réinvente. On plonge au plus près de leur intimité, avec notamment des scènes sexuelles franchement explicites. Mais rien n’est esthétisé, tout est extrêmement vrai.

Et puis, il y a cette signature visuelle qui revient à chaque épisode, sauf le dernier. Un autre couple apparaît quelques secondes, filmé en regard caméra, pendant qu’un personnage de la série l’observe et le commente. Une vignette, comme un clin d’œil, qui rappelle qu’il existe mille manières d’aimer. Le dispositif temporel fonctionne parce qu’il est déstabilisant. Tout paraît à la fois très long et très court. Certains épisodes se concentrent sur une seule scène, quasiment en temps réel. Le quatrième, par exemple, ne montre qu’un repas de famille. Des discussions qui glissent naturellement du rire à la remarque qui pique, en passant par la gêne silencieuse.
Ou le dernier, construit autour d’une seule conversation. On a l’impression de rester suspendus avec eux, dans un instant minuscule qui s’étire… alors qu’une année entière s’est écoulée hors-champ. C’est brillant d’assumer à ce point la lenteur et le détail.

Évidemment, les coupes de cheveux changent, la barbe grisonne et les cernes commencent à se creuser.
Mais le vrai marqueur du temps, ce sont les habitudes. D’abord, l’énergie bat son plein. Les réveillons qui finissent à six heures du matin, des bars bondés, des amis partout. Et puis, on retrouve Óscar et Ana dans des dîners avec leurs parents et des soirées plus calmes pour profiter de la matinée du lendemain. Au milieu de leur trentaine, un voyage à Berlin les emmène dans une boîte de nuit, type Berghain. Un moment charnière durant lequel un décalage s’installe. La fête n’est plus leur quotidien. L’un a envie de plonger dans la quarantaine en douceur, l’autre voudrait encore retenir sa jeunesse quelques temps.

Vient finalement le grand sujet, le big boss final de toute relation amoureuse: la routine.
Et nos tourtereaux ne l’appréhendent pas de la même manière. Óscar s’en accommode, son quotidien de médecin urgentiste étant déjà assez rempli. Ana, au contraire, la redoute. Elle change constamment de travail, rêve d’ailleurs sans jamais se décider à partir. Et puis arrive le Covid et ses distances, et la série bascule dans une autre phase. Je ne dévoilerai rien de plus, mais disons qu’à partir de là, l’ambiance vire plus volontiers poussettes et semi-marathons que techno et MDMA.

Dans Los años nuevos, il ne s’agit pas de montrer l’amour comme il se raconte, mais comme il se vit.
Et quand minuit sonne, il n’y a ni magie, ni citrouille. Juste deux personnes qui essaient, jusqu’à l’année d’après.


Chronique : Judith
Animation : Lionel
Réalisation : Noé
Crédit photos : Movistar Pus+
Première diffusion antenne : 18 novembre 2025
Publié le 25 novembre 2025

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Une publication de Judith


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